En qualifiant Poutine de "tueur", Biden "veut montrer que son administration sera ferme envers Moscou", analyse la correspondante Sonia Dridi
Selon un rapport des renseignements américains, Moscou a tenté d'influencer la présidentielle américaine, ce que Joe Biden entend bien faire "payer" à Vladimir Poutine.
Joe Biden"veut montrer que son administration Biden sera ferme envers Moscou", a expliqué jeudi 18 mars sur franceinfo Sonia Dridi, journaliste correspondante à Washington, auteure de Joe Biden, le pari de l’Amérique anti Trump. Interrogé par un journaliste qui lui demandait si le président russe était un tueur, le président américain a répondu "Oui, c'en est un". "Cette réponse très franche n'est pas si étonnante quand on connaît bien le personnage, il a depuis plusieurs années déjà une ligne dure face à Poutine", raconte la journaliste. Joe Biden s'apprête d'ailleurs à prendre "dans les prochains jours des sanctions notamment contre des proches de Vladimir Poutine", après des soupçons d'ingérence de Moscou dans l'élection présidentielle.
franceinfo : Vue de France, cette phrase assassine de Joe Biden peut paraître étonnante, mais il a en fait toujours été tenant d'une ligne plutôt dure envers Vladimir Poutine ?
Sonia Dridi : Oui, tout à fait. C'est vrai qu'on est loin de l'image qu'a voulu dépeindre notamment Donald Trump, qui surnommait Joe Biden "Joe l'endormi" de quelqu'un de très mou. En fait, c'est un homme qui a un sacré tempérament. D'ailleurs, on dit qu'il a "Irish temper", le tempérament irlandais. Il s'est plusieurs fois énervé lors de sa carrière politique, parfois face à des élus, face à des électeurs même. Donc, finalement, cette réponse un peu choc, très franche n'est pas si étonnante quand on connaît bien le personnage. Certains diront aussi que c'est peut-être l'une de ses nombreuses bourdes, parfois Joe Biden a tendance à parler trop vite, à regretter ses déclarations. C'est possible, d'ailleurs, qu'il ait fait sursauter certains conseillers. Mais comme vous l'avez dit, il a depuis plusieurs années déjà une ligne dure face à Poutine. Il faisait partie de l'administration Obama puisqu'il était le vice-président d'Obama lorsqu'ils ont tenté ensemble de faire de redémarrer les relations avec la Russie. Ils ont été très déçus, ça n'a pas marché, au contraire les relations entre Moscou et Washington ont empiré.
"À la fin du second mandat de Barak Obama, Biden était très en colère contre Poutine et il disait que c'était vraiment un danger pour l'Occident."
Sonia Dridi, journaliste correspondante à Washingtonà franceinfo
Joe Biden a aussi prononcé une menace : "Vladimir Poutine devra payer les conséquences de ses actes". De quoi parlait-il exactement ?
En début de semaine, on a appris, selon un rapport des renseignements américains, que Moscou a tenté d'influencer cette élection présidentielle de 2020. Il y avait déjà eu des accusations d'ingérence en 2016. Des élus auraient même été recrutés pour tenter de discréditer Joe Biden et dans cette même interview, le président des États-Unis a déclaré que Vladimir Poutine allait en payer les conséquences. Alors on n'a pas encore plus d'informations sur ce qui pourrait se passer, mais on sait déjà qu'il devrait y avoir dans les prochains jours des sanctions émises notamment contre des proches de Vladimir Poutine
Quel intérêt à Joe Biden en adoptant cette attitude qui tranche avec celle de son prédécesseur ?
Je pense qu'il veut marquer sa différence avec Donald Trump. D'ailleurs, c'est assez frappant parce qu'en 2017 déjà il y avait un journaliste qui avait affirmé à Donald Trump que Vladimir Poutine était un tueur. Et Trump avait lui répondu : "Pensez-vous que notre pays soit si innocent ?" Donc on voit vraiment une différence dans la façon d'être avec la Russie. Et Biden veut vraiment prouver qu'il n'est pas comme Donald Trump, à qui on avait reproché beaucoup sa proximité avec Vladimir Poutine. Je crois aussi qu'il veut montrer vraiment que les États-Unis sont bien de retour sur la scène internationale, que l'administration Biden sera ferme, dure envers Moscou.
"C'est important pour cette administration qui veut aussi mettre plus en avant le respect des droits de l'Homme."
Sonia Dridi
Les relations semblent exécrables aussi avec la Chine. Que doit-on attendre de la rencontre de ce jeudi entre le secrétaire d'État Antony Blinken et les responsables de diplomatie chinoise ?
La rencontre s'annonce assez tendue parce que déjà les parties n'affichent pas les mêmes objectifs. Les Chinois parlent d'un dialogue stratégique à haut niveau et les Américains, eux, restent plus prudents. Ils parlent d'une première discussion pour tenter de comprendre les intérêts des deux parties. Ils veulent vraiment mettre certains sujets sur la table avant, éventuellement, de poursuivre des discussions plus poussées avec les Chinois. Ils vont notamment mettre les sujets qui fâchent sur la table : la répression des musulmans ouïghours que Washington qualifie d'ailleurs de génocide, l'autonomie de Hong Kong, le sujet de Taïwan. Cette rencontre s'annonce assez tendue. D'ailleurs, une rencontre qui a lieu en Alaska, un territoire américain donc on sent que les États-Unis veulent aussi montrer qu'ils vont garder un contrôle sur cette rencontre. Et les États-Unis ont toutefois un objectif, c'est d'essayer d'exiger plus de coopération des Chinois en ce qui concerne la lutte contre le climat.
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