Fin d’un moratoire sur les expulsions aux Etats-Unis : un "risque" que le scénario de la crise des subprimes "se répète", selon un historien
Les républicains se sont opposés au Congrès américain à la demande de Joe Biden de prolonger un moratoire sur les expulsions pour loyers impayés. Conséquence : des millions de familles pourraient être contraintes de quitter leur logement.
Des millions de familles américaines sont menacées d’expulsions, en pleine pandémie de Covid-19. Un moratoire sur les expulsions pour loyers impayés a expiré dans la nuit du samedi 31 juillet au dimanche 1er août. Au Congrès, les républicains se sont opposés à la demande de Joe Biden de le prolonger. Désormais, il y a ainsi un "risque" d’une nouvelle crise majeure du logement aux Etats-Unis, et que le "scénario" de la crise des subprimes "se répète", assure ce dimanche 1er août sur franceinfo Romain Huret, historien des Etats-Unis. Egalement directeur d'études à l’EHESS, l’Ecole des hautes études en sciences sociales, il ajoute que les femmes et notamment "les femmes noires" sont les principales concernées et estime que, malgré tout, Joe Biden "peut agir et le faire rapidement".
franceinfo : Y a-t-il le risque d'une nouvelle crise majeure du logement aux Etats-Unis ?
Romain Huret : Oui, il y a un risque. La crise est déjà en place depuis plusieurs années. Beaucoup d'Américains ont du mal à payer leur loyer et se font donc expulser régulièrement. On se rappelle l'importance de la crise des subprimes, en 2007-2008, qui a mis beaucoup d'Américains dehors, les avait mis sur les routes. On risque d'avoir un scénario qui se répète, dans une situation totalement dramatique en raison de l'épidémie.
"Les Américains les plus concernés sont majoritairement les femmes et les femmes noires, qui ont beaucoup de mal à payer leur loyer et se retrouvent très souvent à la rue, souvent avec leurs enfants."
Romain Huret, historien des Etats-Unisà franceinfo
Ces femmes se retrouvent plongées dans des situations tout à fait dramatiques.
Il y a ce moratoire à l'échelle du pays entier, mais il y a aussi des moratoires locaux. Tous les Etats ne sont pas égaux ?
Oui, tout à fait. Il faut bien comprendre qu'aux Etats-Unis, il n'y a rien de véritablement national. Le moratoire voté l'an dernier avait été exceptionnel. Il était lié à l'épidémie. Mais les expulsions se gèrent au niveau local. Aux Etats-Unis, il y a des lois dans les Etats, dans les comtés, toute une mosaïque de lois extrêmement complexes. Donc certains Etats ont décidé d'anticiper, comme la Californie, New-York, Washington, plutôt des Etats progressistes qui ont décidé d'intervenir dans ce domaine, même si beaucoup d'Américains ne veulent pas que l'Etat fédéral intervienne dans ce qui relève de la propriété privée. Beaucoup y voient une atteinte à une liberté fondamentale aux Etats-Unis. Les républicains, en grande majorité, et des démocrates plutôt conservateurs estiment que le temps de l'épidémie commence à être derrière les Etats-Unis et qu'il faut revenir à la normale, à savoir une situation où chaque propriétaire est libre de faire ce qu'il a envie avec son locataire.
Quels sont les leviers dont disposent désormais Joe Biden ?
La vie politique américaine est faite de rebonds et de surprises. Donc il y aura peut-être à nouveau des discussions qui s'ouvriront.
"Ce que peut faire Joe Biden, c'est maintenir les aides ponctuelles qui ont été envoyées aux Américains vivant dans la misère, et qui ont le plus de mal à payer leur loyer."
Romain Huret, historien des Etats-Unisà franceinfo
Mais ces aides ont du mal à arriver sur les comptes en banque. Il y a un vrai problème administratif. Le pays est gigantesque. Il y a des difficultés d'envoi de ces fameux chèques aux populations les plus précaires, qui, en plus, ont souvent des difficultés à avoir un compte ou vivent dans des lieux sans accès à Internet. Ils ont donc des difficultés ne serait-ce que pour faire la demande. Donc il y a là un vrai défi pour l'administration de Joe Biden. Mais contrairement à d'autres sujets, là, le président peut agir et le faire rapidement.
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