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L’Argentine, seule face aux fonds «vautours» américains

C’est la tourmente dans le milieu financier argentin alors que le pays risque de se retrouver en situation de défaut sur sa dette souveraine. En cause, la condamnation de Buenos Aires par la justice américaine à rembourser, dans un litige lié à la faillite partielle du pays il y 13 ans, près de 1,4 milliard de dollars à deux fonds spéculatifs. Lesquels ont refusé une décote sur leurs créances.
Article rédigé par Pauline Landais-Barrau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un jeune garçon passe devant les affiches collées dans les rues de Buenos Aires, où l'on peut aisément voir la critique des fonds dits "vautours" qui réclament le remboursement de la dette argentine. (AFP PHOTO / ALEJANDRO PAGNI)
Article initialement publié le 24 juin 2014

L’Argentine veut honorer ses dettes, mais se refuse à appliquer sous sa forme actuelle la décision de la justice, confirmée par la Cour suprême des Etats-Unis. En effet, cette décision pourrait, à terme, provoquer un nouveau défaut de paiement du pays. Le gouvernement de centre-gauche a annoncé que la présidente, Cristina Kirchner, entendait négocier avec Thomas Griesa, le juge américain qui a prononcé l’arrêt de la Cour d’appel de New York.
 
Depuis la faillite de 2001, l’Argentine rembourse progressivement sa dette, contractée à 93% auprès de créanciers privés qui ont consenti en 2005 puis 2010 une remise de dette d’environ 70%. Les 7% restant ont été empruntés à des fonds spéculatifs qui ont refusé cet accord et activé la machine judiciaire. Il s’agit de deux hedge funds américains, qui réclament l’intégralité de la valeur nominale des bons qu’ils avaient achetés à bas prix.
 
Le jugement stipule donc que l’Argentine doit verser près de 1,4 milliard de dollars avec les intérêts, aux concernés – NML Capital et Aurelius Management – tous deux américains. L’Argentine est censée payer avant la fin du mois.
 
Au pied du mur
Sur le papier, le pays serait en mesure de s’acquitter de cette dette mais, en vertu du principe de pari passu (toutes les parties doivent être traitées de manière égale), les créanciers privés qui ont accepté la restructuration passée pourraient eux aussi réclamer d’être remboursés à 100%.
 
S’ils l’exigeaient, cela obligerait Buenos Aires à rembourser entre 15 et 20 milliards de dollars d’après les estimations du ministère de l’Economie, alors que les réserves du pays ne dépassent pas 28 milliards de dollars. Et comme depuis 2001, le pays ne peut plus emprunter sur les marchés financiers internationaux, il se retrouverait de facto au bord de la faillite.
 
Pour autant, «l’Argentine réitère sa volonté de payer ses créanciers restructurés, vu qu’elle a toujours offert de les rembourser sous les mêmes conditions en conformité avec la loi du pays», a fait valoir Axel Kicillof, le ministre argentin de l’Economie.
 
« Fonds vautours » et spéculation
NML Capital et Aurelius Management, qui ont obtenu la condamnation de l’Argentine à les rembourser, traînent une réputation de spéculateurs sans états d’âme, à l’affût des faillites d’Etat ou d’entreprises. Des fonds dits «vautours», car ils spéculent en rachetant à prix cassés des dettes de pays.
 
Installés à New York, ces deux fonds cultivent le même goût du secret sur le montant et la nature des actifs qu’ils gèrent. Pionnière en la matière, la maison mère de NML, Eliott Management, aurait la main sur plus de 21 milliards de dollars d’actifs, dépassant de loin Aurilius et ses 4,3 milliards. Leur site internet fournit à peine un numéro de téléphone et aucun d’eux n’a souhaité répondre aux questions des journalistes.

 
Le Fonds monétaire international (FMI) s’est dit «inquiet de potentielles implications plus vastes pour l’ensemble du système», estimant que le jugement pourrait menacer dans le monde les futures restructurations de dette publique. La présidente argentine, elle, a assuré que son pays honorerait ses engagements vis-à-vis de ses créanciers coopératifs tout en refusant toute «extorsion».
 
Dégradation et mauvaise ambiance
Standard and Poor’s a abaissé le 17 juin de deux crans la note de la dette argentine, tombée à CCC-. Mais pour l’agence de notation financière, l’Argentine ne sera considérée en défaut que dans la seule hypothèse où elle ne parviendrait pas à payer ses créanciers coopératifs. Le non-remboursement des deux fonds « vautours » ne suffira en revanche pas à lui attribuer ce statut redouté par les pays et les investisseurs.
 
Pour Cristina Kirchner, la partie est déjà perdue. Le 27 octobre 2013, la coalition présidentielle, le Front de la Victoire, a subi un dur revers dans les cinq provinces les plus importantes du pays et dans la capitale, lors des élections législatives partielles.

Il faut dire que la population commence à s’impatienter face à la politique économique du gouvernement. Les Argentins ont peur aujourd’hui d'une dévaluation du peso. Ils ont de plus en plus tendance à convertir leurs économies en dollar et à les garder chez eux, ce qui a pour conséquence l’évaporation des réserves de la banque centrale. Un manque de confiance évident en réponse aux inégalités croissantes au sein de la population. Pour l’année 2014, l’inflation a été estimée à plus de 35%.

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