Le New York Times critiqué pour sept mois de silence
David Rohde, deux fois lauréat du prestigieux Prix Pulitzer, avait été enlevé en Afghanistan, le 10 novembre 2008, avec son assistant et son chauffeur, alors qu'il devait rencontrer un commandant taliban. Sept mois plus tard, le New York Times annonce à ses lecteurs que son reporter s'est évadé "en escaladant le mur d'enceinte de son lieu de détention dans le Nord-Waziristan". Problème : aucun lecteur ne savait que David Rohde était prisonnier au Pakistan.
Le New York Times a en effet été très discret pendant tout ce temps : il n'a jamais mentionné aucun détail sur le rapt de son reporter. Et après son évasion, le quotidien n'a pas non plus révélé l'identité des geôliers. Un silence qui a déclenché une polémique parmi les lecteurs : si certains saluent le travail du journaliste et sa liberté retrouvée, plusieurs internautes reprochent au journal son traitement de l'affaire.
"Autocensure", "hypocrisie" : les critiques sont vives sur le fait qu'un journal qui écrit sur d'autres enlèvements change de règle lorsqu'il s'agit de l'un des siens. Des lecteurs se disent aussi offusqués que le journal publie des photos de prisonniers torturés par l'armée ou la CIA, mettant selon eux en danger la vie de soldats américains, alors qu'il sait garder le secret lorsqu'un journaliste est en danger.
D'autres médias informés de la prise d'otage, dont Le Monde, ont également gardé le silence, à la demande du New York Times. Le directeur du journal, Bill Keller, a indiqué hier que ce choix a été "déchirant" . Le secret a été gardé "pour la sécurité de David Rohde", à la demande de sa famille, de ses ravisseurs, et sur les conseils de ceux qui tentaient d'obtenir sa libération.
Il faut dire que David Rohde, 41 ans, en est à sa seconde capture : en 1995, alors correspondant du Christian Science Monitor en Bosnie, il avait été enlevé par les forces bosno-serbes lors d'une enquête sur les charniers de Srebrenica.
Anne Jocteur Monrozier, avec agences
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