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"Nous sommes consternés" : à l’ONU, la France ne comprend pas la position des Etats-Unis sur les violences sexuelles

Les Etats-Unis se sont opposés à un projet de résolution qui vise à mieux lutter contre les violences sexuelles faites aux femmes lors des conflits. Le texte a malgré tout été voté mardi soir.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'avocate de victimes yazidies, Amal Clooney, devant le Conseil de sécurité de l'ONU à New York (Etats-Unis), le 23 avril 2019. (ATILGAN OZDIL / ANADOLU AGENCY)

"Nous sommes consternés." La France, par la voix de son ambassadeur à l'ONU, a dit tout le mal qu'elle pensait de la position des Etats-Unis, mardi 23 avril, au moment de se prononcer sur une résolution censée intensifier la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes lors des conflits. "Nous déplorons que des menaces de veto aient été agitées par des membres permanents de ce Conseil pour contester 25 ans d'acquis en faveur des droits des femmes dans des situations de conflits armés", a lâché François Delattre. 

Après l'amputation de nombreuses mentions à la demande des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine, la résolution a fini par être adoptée par 13 voix et deux abstentions (celles de Moscou et Pékin). La création d'un "mécanisme" facilitant la poursuite en justice des auteurs de violences sexuelles a aussi été rejetée par Washington, Moscou et Pékin. 

Il est inexplicable que l’accès à la santé sexuelle et reproductive ne soit pas explicitement reconnu aux victimes de violences sexuelles, elles qui sont souvent la cible d’atroces exactions et de mutilations barbares.

l'ambassadeur français à l'ONU

à la tribune de l'ONU

"Des concessions importantes ont été accordées sous la pression de plusieurs membres permanents qui n’ont pas permis au texte d’aller aussi loin que nous l’aurions souhaité", s'est aussi agacé le diplomate français. 

"C'est scandaleux" 

A l'origine de cette querelle diplomatique, un projet de texte allemand qui souhaitait  créer un groupe de travail formel pour aider à faire juger les coupables, et développer la protection des survivants, notamment les femmes violées tombant enceintes.

Moscou et Pékin ont expliqué vouloir combattre les violences sexuelles dans les conflits. Mais ils ont dénoncé "des interprétations laxistes" dans le texte allemand d'origine et des "manipulations" pour créer de nouvelles structures et "outrepasser" des mandats existants.

Au final, cette triple opposition américano-russo-chinoise a conduit l'Allemagne à réduire à la "portion congrue" son texte, selon un diplomate. "Les Américains ont pris en otage une négociation à partir de leur idéologie, c'est scandaleux", abonde un autre diplomate.

"La justice est l'antidote"

Lors de la réunion du Conseil de sécurité, les deux Nobel de la Paix 2018 avaient pourtant mis clairement le Conseil de sécurité devant ses responsabilités, en exprimant des demandes pour des progrès substantiels en matière de justice et de protection des survivantes. "Pas une seule personne n'a été traduite en justice pour esclavage sexuel", a souligné Nadia Murad en évoquant sa communauté yazidie détruite par le groupe Etat islamique en Irak et Syrie. "Nous prononçons des discours à l'ONU mais aucune mesure concrète ne suit" en matière de justice et "rien n'a été fait."

"Qu'attend la communauté internationale pour rendre justice aux victimes", s'est aussi interrogé Denis Mukwege, en demandant l'établissement de tribunaux nationaux ou internationaux dédiés au jugement des coupables de violences sexuelles dans les conflits.

Avocate de victimes yazidies, Amal Clooney a aussi déploré la faiblesse de la réponse internationale. Elle a accusé les Etats-Unis et la Russie de s'opposer à la création d'une justice internationale contre ces crimes. Sierra Leone, Cambodge, Rwanda, Bosnie, Nuremberg... Une justice a été rendue pour ces dossiers, a-t-elle rappelé au Conseil de sécurité. "Si nous n'agissons pas maintenant, il va être trop tard", a-t-elle dit, en évoquant la détention actuelle de milliers de combattants du groupe Etat islamique. "Nous faisons face à une épidémie de violences sexuelles" et "la justice est l'antidote", a insisté l'avocate.

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