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Des scientifiques américains inquiets par le climatoscepticisme de Trump sauvent leurs données : "Après, il sera trop tard"

Article rédigé par Julie Rasplus - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Donald Trump donne sa première conférence de presse en tant que président-élu, le 11 janvier 2017, à New York (Etats-Unis).  (SHANNON STAPLETON / REUTERS)

Aux Etats-Unis, certains chercheurs craignent une possible disparition d'informations scientifiques publiées sur les sites gouvernementaux, notamment celles sur l'environnement. Ils s'activent donc pour "tout archiver et protéger".

Dans ce domaine aussi, le contraste avec Barack Obama est saisissant : vendredi 20 janvier, les Etats-Unis investiront un président ouvertement climatosceptique et méfiant au regard de la science, à rebours de son prédécesseur à la Maison Blanche. A de nombreuses reprises, Donald Trump a en effet pris le contrepied de conclusions scientifiques, qu'il s'agisse d'environnement ou de santé publique.

Depuis son élection en novembre, une partie de la communauté scientifique s'organise à coups de lettres ouvertes, en demandant que l'administration Trump ne revienne pas sur l'accord de Paris sur le climat ou qu'elle respecte "l'intégrité et l'indépendance de la science". Ce dernier appel a reçu le soutien d'environ 2 300 chercheurs.

Parmi les signataires, Andrew Rosenberg, biologiste marin et directeur du Centre pour la science et la démocratie au sein de l'Union des scientifiques inquiets. Pour franceinfo, il explique comment le monde de la recherche se mobilise pour résister au prochain président américain.

Franceinfo : En tant que scientifique, pourquoi êtes-vous inquiet depuis que Trump a été élu ?

Andrew Rosenberg : La campagne a été très perturbante, en général, mais aussi sur les sujets liés à la science. Mais depuis l’élection, l'inquiétude grandit en raison des déclarations de Donald Trump, de l'équipe qu'il se choisit et des commentaires provenant du nouveau Congrès. Tous semblent suivre une même tendance : exclure la science.

Vous savez, ce qui se passe, c'est qu'on a désormais affaire à des individus très conservateurs, qui ont souvent travaillé dans les énergies fossiles. Et ils veulent avoir un rôle au sein du gouvernement. Ils ne croient pas dans la science climatique, ils ne croient pas dans les régulations pour les industries, ils pensent qu'on doit laisser l’industrie se débrouiller seule.

A titre personnel, je n'ai pas peur pour mon travail car je travaille dans une ONG. Je m'inquiète surtout du rôle que la science jouera dans les décisions politiques, des attaques qui pourraient viser les scientifiques ou encore des suppressions ou des manipulations possibles de la matière scientifique.

Vous craignez aussi pour le fruit de votre travail : les données.

Oui, et les scientifiques s'inquiètent beaucoup de la possibilité que le gouvernement ferme des sites contenant des informations scientifiques, concernant le réchauffement climatique par exemple, ou restreigne l'accès à ce genre de données. Cela n'est pas encore le cas – et j'espère que cela n'arrivera pas –, mais la communauté scientifique est préoccupée car il y a déjà eu des problèmes sous George W. Bush.

En ce moment, on assiste donc à un effort des scientifiques pour tout archiver et protéger. Dans tout le pays, des chercheurs isolés, des groupes de scientifiques s'intéressent aux données qui pourraient disparaître. Nous devons prendre des précautions car après, il sera trop tard.

C'est le principe du "Data Refuge Project", lancé en fin d'année dernière, juste après l'élection de Donald Trump.

C'est un mouvement organisé par des bénévoles et assez significatif au sein du monde scientifique. Concrètement, les chercheurs se rapprochent de structures, comme des universités, des entreprises privées de confiance ou des organisations à but non lucratif, pour essayer de sauver leurs données.

Au sein de notre organisation, nous pouvons archiver. Aussi vite qu'on le peut, on s'assure d'avoir une copie de tout ce que contiennent les sites gouvernementaux. Ainsi, si le contenu disparaît mystérieusement, nous pourrons le rendre de nouveau accessible au public à nouveau.

On pourra aussi constater d'éventuels changements dans les textes. Mon équipe a par exemple déjà sauvegardé des informations sur les systèmes naturels et la biodiversité, notamment des travaux sur les espèces en danger.

Avez-vous des raisons concrètes d'avoir peur ? Voyez-vous déjà des changements, avant même l'investiture de Donald Trump ?

Il semble y avoir un gros mouvement en faveur de l'industrie et une réticence à s'occuper des problèmes de santé publique. La Chambre des représentants vient tout juste de voter une loi qui ressemble à une recette pour arrêter toute régulation dans ce domaine : le REINS Act. Toute nouvelle règle ayant un impact sur l'économie ou un coût pour l'industrie doit désormais être approuvée par le Congrès. En gros, ça dit "on s'en fiche des analyses scientifiques, on décide sur une base politique, si on le veut". Pas de normes, pas de processus basé sur la science. 

Pendant la transition, l'équipe Trump a demandé au département de l'Energie de fournir les noms des personnes qui avaient travaillé sur l'accord de Paris ou qui avaient mené des travaux cherchant à comprendre l'impact du réchauffement climatique. A mon avis, ils voulaient soit discréditer ceux qui avaient travaillé sur ces thèmes, soit les affecter à un autre service. L'affaire a suscité un tollé et l'équipe de transition a dit qu'il y avait eu une erreur, que c'était une initiative personnelle d'un des membres... Ce qui ne fait aucun sens.

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