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Comment réagissent les voisins de la Corée du Nord face à la menace d'un conflit ouvert avec les Etats-Unis ?

La Corée du Sud, le Japon et la Chine seraient en première ligne en cas de conflit armé entre Pyongyang et Washington.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Un vendeur regarde des écrans de télévision retransmettant des images transmises par la Corée du Nord et montrant un possible essai nucléaire, le 6 janvier 2016 à Séoul (Corée du Sud). (KIM HONG-JI / REUTERS)

"Les solutions militaires sont maintenant complètement en place, et prêtes à l'emploi, si la Corée du Nord se comporte imprudemment", a affirmé Donald Trump vendredi 11 août dans un tweet. La veille, le président américain avait défendu sa formule controversée promettant "le feu et la fureur" à Pyongyang, estimant même qu'elle n'était "peut-être pas assez dure". En face, le leader nord-coréen Kim Jong-un a présenté des plans précis de tirs simultanés de quatre missiles en direction de l'île de Guam, située à l'est des Philippines, où se trouve une importante base militaire américaine.

La surenchère des menaces plonge la région dans un climat tendu. Comment réagissent la Corée du Sud, la Chine et le Japon, voisins de la Corée du Nord, face au spectre d'un conflit armé ? Franceinfo fait le point. 

En Corée du Sud, des appels à la création d'un arsenal nucléaire

Le climat de tension électrisé par les déclarations de Donald Trump et Kim Jong-un a ravivé le débat sur l'armement nucléaire de la Corée du Sud. Le pays n’a pas le droit de fabriquer ses propres armes nucléaires depuis la signature avec Washington, en 1974, d’un traité sur l’énergie atomique. En retour, les Etats-Unis se sont engagés à protéger Séoul avec son "parapluie nucléaire". Les Etats-Unis ont retiré leurs armes nucléaires postées en Corée du Sud en 1992, lorsque les deux Corées ont signé la Déclaration commune pour la dénucléarisation de la péninsule coréenne. 

Mais les médias sud-coréens ont récemment pris la tête d’une campagne pour demander à Séoul de revoir sa politique. "Le temps est venu d’évaluer les armes nucléaires", a écrit, vendredi 10 août, le Korea Herald (en anglais) dans un éditorial, qui estime que "la confiance dans le parapluie américain peut être ébranlée". Même son de cloche du côté du quotidien Chosun (en anglais), pour qui "toutes les options, même celles qui semblaient impensables, doivent être sur la table". "Nous devons disposer de nos propres options militaires pour défaire le Nord", juge à l’unisson le Korea Economic Daily, appelant à "l’équilibre de la terreur". 

Les députés conservateurs se sont également fait l'écho de ces appels à la nucléarisation. "C'est désormais le moment de réfléchir activement à l'hypothèse de faire revenir des armes nucléaires tactiques" en Corée du Sud, a déclaré Chung Woo-taik, chef de file du principal parti d'opposition au Parlement, Liberté Corée. 

Si la Corée du Sud le décidait, les analystes estiment qu'elle pourrait mettre une bombe nucléaire au point en seulement quelques mois. Mais la recherche d'un équilibre de la terreur fait craindre "un effet domino" dans le reste de la région, estime Yang Moo-Jin, professeur à l'université des études nord-coréennes de Séoul : "Le Japon accueillerait cette perspective à bras ouverts, cela lui fournirait l'excuse parfaite pour réviser la Constitution pacifique et développer son propre arsenal nucléaire." 

Le Japon, fébrile, se prépare au pire 

Le 9 août, date de commémoration du bombardement atomique américain de Nagasaki en 1945, a eu une résonnance particulière cette année au Japon, puisque la veille, Donald Trump menaçait Pyongyang, qui ripostait à son tour par des menaces de frappes contre l'île de Guam.  

Dans ce contexte, l'archipel se range derrière les Etats-Unis et souhaite, pour assurer sa propre défense, renforcer leur coopération sécuritaire. Des chasseurs F-2 des forces nipponnes d’autodéfense ont d'ailleurs participé le même jour à des manœuvres avec des bombardiers américains B-1B à proximité de la péninsule coréenne, rapporte Le Monde. Le porte-parole du gouvernement japonais, Yoshihide Suga, a rappelé que Tokyo appuyait la position de Donald Trump, pour qui toutes les options, y compris militaires, sont "sur la table". Le gouvernement a également réitéré jeudi que le Japon ne pourrait "jamais tolérer les provocations" de la Corée du Nord.

Le ministre japonais de la défense, Itsunori Onodera, a plaidé à plusieurs reprises pour que le Japon se dote de moyens permettant d'effectuer des frappes en territoire ennemi. Mais au lieu de refondre complètement sa politique sécuritaire, jusqu'ici purement défensive, le gouvernement envisagerait plutôt de renforcer ses capacités antimissiles, indique Le Monde. La menace a aussi poussé le gouvernement à fournir des recommandations à suivre en cas d’attaque de missiles sur le site internet de la Sécurité civile. Des exercices d’évacuation ont également été menés dans différentes villes.  

Dans la crainte d'une attaque, de plus en plus de Japonais se sont décidés à investir dans l'installation d'abris anti-atomiques. Ces deux derniers mois, l'entreprise Oribe Seiki, qui vend également des purificateurs d'air censés protéger de radiations, a reçu deux fois plus de commandes que sur toute l'année 2016, selon BFMTV.  

La Chine reste en retrait face à l'escalade

La Chine, propulsée au cœur des tensions entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, a elle multiplié les appels au calme. "Nous appelons toutes les parties à faire preuve de prudence dans leurs mots et leurs actions, et à agir davantage pour apaiser les tensions", a déclaré Geng Shuang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, dans un communiqué. Il leur faut "renforcer leur confiance mutuelle plutôt que recourir à de vieilles recettes consistant à enchaîner les démonstrations de force à tour de rôle", a cinglé le diplomate.

La Chine, principal allié diplomatique et partenaire commercial de la Corée du Nord, renvoie volontiers les deux Etats dos à dos. Elle avait ainsi proposé, à plusieurs reprises, un double "moratoire", l'arrêt simultané des essais nucléaires et balistiques de Pyongyang et celui des manœuvres militaires conjointes des Etats-Unis et de la Corée du Sud.

"Pékin n'est pas en mesure, cette fois-ci, de ramener au calme Washington et Pyongyang", estime vendredi un éditorial du quotidien d'Etat chinois Global Times publié par le Quotidien du peuple"La Chine ne dispose d'aucun levier effectif pour initier une désescalade de la situation, si à la fois Trump et le régime de Kim (Jong-Un) continuent d'agir de façon impulsive", appuie de son côté Xu Guoqi, expert en relations internationales à l'université de Hong Kong.

Mais vendredi, les médias chinois ont laissé entendre que si le pays resterait neutre en cas d'attaque nord-coréenne, il s'interposerait au cas où les États-Unis frapperaient en premier. Si Washington et Pyongyang "mènent des frappes et essaient de destituer le régime nord-coréen et de changer le modèle politique de la péninsule coréenne, la Chine les empêchera d'en faire ainsi", insiste l'éditorial du Global Times.

Pékin redoute en effet que la chute de Kim Jong-un n'aboutisse à une Corée réunifiée alliée des Etats-Unis, alors que la Corée du Nord joue pour le moment un rôle d'Etat-tampon entre la Chine et les forces américaines basées en Corée du Sud et au Japon. Le Global Times est catégorique : "La péninsule coréenne est le lieu de convergence des intérêts stratégiques de toutes les parties, et aucune ne devrait tenter de dominer la région de manière absolue".

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