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Pourquoi la Chine est au cœur des tensions entre les Etats-Unis et la Corée du Nord

Alors que les tensions grandissent entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, la Chine se retrouve dans une position clé. Franceinfo vous explique pourquoi.

Article rédigé par franceinfo - Alexis Magnaval
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le président américain Donald Trump et le président chinois Xi Jinping, lors du dernier G20 à Hambourg (Allemagne), le 8 juillet 2017. (SAUL LOEB / AFP)

"Le feu et la fureur." Voilà ce qu’a promis Donald Trump à la Corée du Nord, mardi 8 août, si le pays réitérait ses menaces à l'encontre des Etats-Unis. En réaction, le régime de Kim Jong-un s’est dit prêt à donner "une sévère leçon" à son ennemi historique. Pyongyang a en effet déclaré "examiner soigneusement" un projet de frappe sur l’île de Guam, dans l’océan Pacifique, où se trouve une base militaire américaine. Affaiblie par les plus importantes sanctions économiques jamais votées à son encontre, la Corée du Nord se retrouve acculée.

Même Pékin, son partenaire traditionnel, se montre ferme face au régime communiste. Mercredi 9 août, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a joué les médiateurs, appelant Pyongyang et Washington à "continuer sur la voie d’une résolution pacifique de la question nucléaire dans la péninsule coréenne, et à éviter les paroles et actions susceptibles d’aggraver la situation". Une attitude qui pourtant ne satisfait pas entièrement Donald Trump, qui estimait jeudi que la Chine pourrait faire "beaucoup plus" dans le dossier nord-coréen. Franceinfo vous explique pourquoi la Chine s'est retrouvée au centre de ces tensions.

Parce que c’est un allié de circonstance des Etats-Unis en Asie

"La difficulté de la Chine est qu’elle a d’énormes atouts entre les mains", expose Valérie Niquet, spécialiste de l’Asie à la Fondation pour la recherche stratégique. "Elle est membre du Conseil de sécurité de l’ONU, elle peut voter les sanctions" … mais aussi y opposer son véto. C'est dire si le deuxième PIB mondial, également membre du G20, possède une grosse force de frappe diplomatique en Asie. Le couperet est d’ailleurs tombé samedi : les sanctions les plus importantes à l'encontre de la Corée du Nord ont bien été adoptées par les Nations unies. Habituée à commercer avec Pyongyang, la Chine s’est dite "prête à en payer le prix". Si Pékin a voté si rapidement des mesures aussi sévères pour son partenaire historique, c’est aussi le résultat de la nouvelle stratégie de négociation de Washington.

L’élection de Donald Trump a mis fin à l’ère de la "patience stratégique", mise e place sous Barack Obama, et qui privilégiait le dialogue et l’attente. "L’équipe de Trump a obtenu plus de choses de la Chine en six mois que ses prédécesseurs depuis 1993", rappelle à franceinfo Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Et pas seulement à grand renfort de tweets tapageurs : d'après le spécialiste de la Chine, si le ton adopté pour communiquer avec la Corée du Nord a changé, c’est la conséquence d'une nouvelle méthode.

L’approche de Trump est totalement nouvelle. Il gère son pays comme on gère une entreprise. C’est du business, du bilatéral pur.

Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques

à franceinfo

Cette approche "donnant-donnant" est au cœur des négociations, affirme Juliette Morillot, spécialiste de la péninsule coréenne. "On peut imaginer que pour obtenir de la Chine qu’elle vote aussi rapidement des sanctions, les Etats-Unis ont donné des garanties en échange sur d’autres zones d’Asie." Avec ces échanges de bons procédés, la Chine devient une partenaire privilégiée des Américains. Juliette Morillot n'y voit pas cependant un revirement. "Il ne faut pas s’emballer avec ce terme", tempère la co-auteure de La Corée du Nord en 100 questions. Car les relations chinoises avec la dictature coréenne sont toujours un peu schizophrènes.

Parce qu’elle a une position ambiguë vis-à-vis de la Corée du Nord

"Pékin se retrouve assis entre deux chaises dans le concert des nations", note Juliette Morillot. D’un côté, elle suit les grandes puissances en votant régulièrement les sanctions des Nations unies – et en se montrant ferme à l’occasion. Lors d’une récente rencontre, le ministre chinois des Affaires étrangères aurait déclaré à son homologue nord-coréen : "N’enfreignez pas la décision des Nations unies, ne provoquez pas la communauté internationale en lançant des missiles ou en faisant des essais nucléaires." Mais la Chine craint aussi son voisin pour une autre raison.

Ils ont une peur bleue des réfugiés nord-coréens. Cinq ou six millions de réfugiés qui arrivent dans une province déjà pas très stable à cause des échanges avec la Russie, ça inquiète.

Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques

à franceinfo

Dans cette région déjà peuplée par des habitants d'origine coréenne, la perspective d'un afflux massif de réfugiés et d'une baisse du niveau de vie fait peur. Jean-Vincent Brisset évoque d'ailleurs le déploiement de troupes chinoises à la frontière pour empêcher d'éventuels réfugiés de passer.

De l’autre côté, le gouvernement de Xi Jinping n’applique jamais réellement les sanctions des Nations unies. "Même quand elles ont été adoptées, souvent Pékin a fait en sorte qu’elles soient moins dures", relève Valérie Niquet. La Chine représente donc une bouée de sauvetage économique pour la Corée du Nord : la seule pipeline qui alimente en pétrole la péninsule coréenne passe par la Chine. Autour de la frontière, le commerce se maintient"Une enquête du comité des experts des Nations unies montre comment Pékin, à travers un réseau tentaculaire de sociétés écrans, aide le régime nord-coréen à contourner les sanctions internationales en faisant 'commerce de marchandises interdites'", explique le chercheur Jean-Sylvestre Mongrenier dans Challenges.

Donald Trump s’est d’ailleurs dit déçu de l’engagement insuffisant de la Chine, menaçant un temps de se couper de Pékin, pour forcer Xi Jinping à mettre la pression sur Kim Jong-un. Dans un tweet daté d'avril, le président américain déclarait : "La Corée du Nord cherche les ennuis. Si la Chine décidait de nous aider, ce serait formidable. Sinon, nous réglerons le problème sans eux !"

Parce que Pékin craint une trop grosse influence de Washington en Asie

Mais la Chine ne peut pas non plus laisser tomber la Corée du Nord. Elle a besoin de son allié historique pour faire tampon et maintenir les Etats-Unis à distance dans la région, déjà acquise à la cause des Américains avec les alliés sud-coréens et japonais. "Pékin continue de penser que pour ses intérêts, les Etats-Unis seraient plus nuisibles que la Corée du Nord, analyse Valérie Niquet. Ils ne veulent donc pas voir Pyongyang s’effondrer, pour éviter qu’une Corée réunifiée, militarisée et américanisée ne voit le jour." Ce qui amènerait des troupes américaines à la porte de la frontière chinoise, une image insoutenable pour Xi Jinping.

Les velléités sont d'ailleurs réciproques. Si Donald Trump met autant d’énergie dans ce dossier coréen, c’est aussi parce qu'il voit plus loin que la Corée du Nord. "C'est un jeu classique de la part des Américains, quel que soit leur parti, expliquait Pascal Dayez-Burgeon, chercheur au CNRS, après l’envoi d’un porte-avions nord-coréen dans le Pacifique en avril. La Corée du Nord n'est en réalité qu'une infime partie de la politique américaine envers l'Asie, qui est concentrée sur la Corée du Sud ou la Chine."

Le poids de l’histoire pèse enfin dans le dilemme des Chinois. "Symboliquement, un effondrement coréen serait une défaite, affirme Juliette Morillot. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Chinois sont intervenus pour sauver la Corée du Nord. Ils ont perdu plein de civils. Renoncer à cela, c’est reconnaître une sorte d'échec". A travers ce conflit, le sens de l’histoire pourrait justement être en train de pivoter vers l’est, selon Juliette Morillot. "Le pôle des tensions mondiales est en train de se déplacer vers l’Extrême-Orient, avec des grandes puissances. L’enjeu est énorme."

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