ENTRETIEN. "Un moyen de décrédibiliser les femmes" : comment Trump et les conservateurs utilisent la misogynie comme arme politique

"Folle", "hystérique", il n'est pas rare que des politiques s'attaquent à des femmes avec des termes misogynes. Un moyen de décrédibiliser la parole des femmes.
Article rédigé par Claire Guedon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Donald Trump, lors de son discours de campagne à Charlotte, en Caroline du Nord, le 24 juillet 2024. (LOGAN CYRUS / AFP)

Dans son dernier discours, Donald Trump a attaqué Kamala Harris, avec des mots parfois violents, et des termes jugés sexistes. La probable future candidate à la présidentielle a été qualifiée de "folle", "tueuse de bébés". Des expressions qui ne sont pas anodines, adressées à une femme, et qui sont récurrentes dans les discours politiques des conservateurs américains, mais pas seulement. Décryptage avec Ursula Le Menn, porte-parole de l'association Osez le féminisme.

franceinfo : C'est fréquent, en politique, d'utiliser des arguments misogynes ? 

Ursula Le Menn : C'est vrai que c'est assez récurrent de faire passer les femmes pour folles en politique, pour les décrédibiliser. De dire qu'elles sont trop émotionnelles, trop sensibles, inaptes à exercer le pouvoir. On a besoin que la parole de l'adversaire ne soit pas crédible, de conseiller au public de ne pas écouter cette personne. Dans le cas de Trump, on est aussi face à une inversion énorme, puisqu'on a un homme qui passe sa vie à déblatérer des mensonges éhontés et des théories du complot, et c'est lui qui traite Kamala Harris de folle.

"Quelle meilleure façon de décrédibiliser quelqu'un, que de le faire passer pour fou ?"

Ursula Le Menn, d'Osez le féminisme

à franceinfo

Mais c'est aussi quelque chose qu'on observe partout, que ce soit en politique ou quotidiennement, de se référer à cette prétendue folie des femmes : "elle est folle", "hystérique". C'est omniprésent, donc ce n'est pas tellement une surprise qu'on trouve ça dans les discours des hommes politiques. Dans leurs stratégies, ils vont faire appel à des poncifs, des lieux communs, et alors, ils n'ont même pas besoin de convaincre. En fait, ils font appel à des choses qui sont tellement présentes dans la société que, quelque part, ça devient évident : elle est folle, comme toutes les femmes en fait.

Dans le cas du discours de Trump, il y a une violence aussi dans le fait de la qualifier de "tueuse de bébés". À quoi cela renvoie-t-il ? 

Ce n'est pas anodin du tout qu'il ait lié les deux termes, "folle", qui est misogyne, avec "tueuse de bébés", pour parler de l'avortement. On voit bien que cela cible vraiment les droits des femmes. Le fait qu'elle soit une femme et qu'elle défende les droits des femmes comme l'avortement est, pour lui, l'argument numéro un pour l'attaquer. C'est une aussi une stratégie habituelle de Trump d'avoir des propos complètements infamants. Mais là, le fait qu'il l'ait ciblée spécifiquement en tant que femme, c'est très démonstratif de sa misogynie.

Est-ce que c'est une stratégie réservée aux milieux conservateurs ?

Déjà, c'est vraiment particulièrement le cas de Trump, qui est assez pauvre dans ses argumentaires en général. Il va simplement être dans des discours très manichéens de bien, de mal, donc ce n'est pas très surprenant de lui. Mais bien sûr, les discours misogynes, sans complexe, c'est très présent chez les conservateurs américains, bien plus que chez les démocrates. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de misogynie chez les démocrates évidemment, mais dans les discours conservateurs, c'est décomplexé. On va avoir des visions archaïques des femmes traditionnelles, qui doivent faire des enfants, être à la cuisine, etc. C'est un discours assumé, qu'ils vendent à leurs électeurs. 

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