Financement de l'Otan : au sommet de Bruxelles, Donald Trump "n'a pas hésité à recourir à la menace"
Donald Trump a demandé aux pays européens plus d'investissement dans les dépenses militaires, lors du sommet de l'Otan à Bruxelles, jeudi. Jenny Raflik, spécialiste de la défense, souligne l'attitude menaçante du président des États-Unis.
Donald Trump a, une nouvelle fois, réclamé jeudi, lors d'un sommet de l'Otan à Bruxelles, un meilleur "partage du fardeau" pour financer l’alliance Atlantique. Il a appelé à un rééquilibrage en invitant chaque pays à hausser son budget militaire à hauteur de 2% de son PIB d'ici 2024. Jenny Raflik, professeur à la faculté de Cergy-Pontoise spécialiste de la défense, a jugé, vendredi 26 mai sur franceinfo, son attitude menaçante.
franceinfo : Les Etats-Unis négocient depuis une dizaine d'années avec les pays européens pour qu'ils s'engagent financièrement davantage dans la défense. Donald Trump peut-il mettre la pression ? Est-il de nature à régler ce problème ?
Jenny Raflik : Effectivement, cela n'a rien de nouveau. Le mot d'ordre des Etats-Unis dans toute l'histoire de l'Otan a été de demander à leurs alliés de payer davantage. Là, Donald Trump a pris les choses de façon un petit peu différente : il n'a pas hésité à recourir à la menace pour appuyer sa demande et notamment en refusant de faire référence à l'article 5 qui garantit la solidarité des Alliés. Il n'a pas remis en cause l'existence de l'article, puisqu'il est dans le traité et que les États-Unis en sont signataires. Mais c'est la première fois qu'un président américain, qui prend sa fonction, n'y fait pas référence dans un discours. Symboliquement, c'est extrêmement fort. Finalement, c'est dans le non-dit qu'est la menace.
Est-ce que ce n'est pas une façon pour Donald Trump de mettre la pression, une sorte de "si vous ne payez pas, ce sera sans moi"?
C'est une façon de mettre la pression. Le vocabulaire qu'il a utilisé en parlant de la dette des pays européens également. Aucun pays européen n'a de dette à l'égard de l'Otan. Il est seulement question de conduire les pays européens à avoir des dépenses militaires nationales à hauteur de 2% du PIB. Il ne s'agit en aucun cas d'argent versé à l'Otan. Mais bien d'investissements dans les dépenses nationales. Donc, là aussi, il a exagéré dans le vocabulaire de façon à renforcer les menaces et la pression sur les pays européens.
Donald Trump peut-il entendre que cette règle est obsolète ?
Je ne sais pas si lui est capable de l'entendre, mais indéniablement cette règle est obsolète. Les critères ne sont pas clairs. Il y a eu des débats en France même, sur l'inclusion des pensions dans les 2% ou pas. Il y a le surcoût des Opex, qui entrent ou qui n'entrent pas en compte, en fonction des calculs. Et puis, 2% du PIB consacrés aux dépenses militaires, ça dépend évidemment largement du PIB des États. Les contributions peuvent être très très différentes. Il n'y a que cinq pays de l'Otan qui ont réussi à appliquer cette règle dont l'Estonie et la Pologne, qui sont très en demande de sécurité face à la menace russe et où la population est extrêmement favorable à l'organisation.
Donald Trump a appelé jeudi à un meilleur partage de la lutte contre le terrorisme. L'Otan va rejoindre la coalition internationale de lutte contre Daech.
C'était une demande des États-Unis et du Royaume-Uni depuis plus d'un an. Donc ce n'est pas qu'une demande de Donald Trump. Barack Obama l'avait déjà formulée auparavant. Evidemment, il ne s'agit pas d'envoyer des troupes de l'Otan combattre l'État islamique sur le terrain. Il s'agit juste, pour l'Otan, de prendre la coordination, à la place des États-Unis, de labelliser l'opération et de s'investir davantage dans la formation des armées irakiennes.
Emmanuel Macron a semblé lâcher du lest à Donald Trump. Est-ce une stratégie pour inciter le président américain à appliquer les règles de la COP 21 ? A-t-il bien fait ?
Sans doute. D'autant que, finalement, il a lâché symboliquement mais pas beaucoup sur le fond. Cela permet d'aller dans le sens de Donald Trump. Cela donne la possibilié à Donald Trump de rentrer aux Etats-Unis, pourquoi pas en disant à sa population qu'il a obtenu des concessions des alliés.
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