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"Mon amie est morte car rien n'a été fait" : une survivante de la tuerie de Parkland raconte son combat contre les armes à feu

Le 14 février, un ancien élève tuait 17 personnes au sein du lycée Marjory Stoneman Douglas de Parkland, en Floride (Etats-Unis). Anisha Saripalli, 17 ans, a survécu à cette tuerie. Franceinfo l'a interrogée.

Article rédigé par Valentine Pasquesoone - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des fleurs et bougies déposées devant le lycée Marjory Stoneman Douglas à Parkland, en Floride (Etats-Unis), le 27 février 2018.  (RHONA WISE / AFP)

Elle est partie de Parkland, en Floride (Etats-Unis), avec près de 500 autres élèves, pour fouler les pavés de Washington et faire entendre sa voix, samedi 24 mars. Anisha Saripalli, 17 ans, est en dernière année au lycée Marjory Stoneman Douglas. Le 14 février, elle a survécu à l'une des fusillades les plus meurtrières de ces dernières années aux Etats-Unis. Dix-sept de ses camarades sont morts, dont l'une de ses amies. 

Samedi après-midi à Washington, Anisha et plusieurs centaines de ses camarades mènent de front la "marche pour nos vies", qu'ils espèrent être le plus grand rassemblement contre les armes à feu de l'histoire américaine. Plusieurs centaines d'autres "marches" de ce type sont attendues à travers le pays. Franceinfo a interrogé cette survivante sur les motivations de sa mobilisation. 

Franceinfo : Comment avez-vous vécu la fusillade au sein de votre lycée, le 14 février à Parkland ?

Anisha Saripalli : J'étais dans un bâtiment situé à l'opposé du lieu précis de la tuerie. Quand nous avons entendu l'alarme, nous pensions qu'il s'agissait d'une simple fumée. Nous nous disions que les élèves en cours de cuisine avaient peut-être fait brûler quelque chose. 

J'étais parmi les premiers élèves évacués. Il y avait énormément de confusion, car cela n'était jamais arrivé dans notre lycée. Au cours de l'évacuation, nous avons vu les hélicoptères et les forces de police arriver. À ce moment-là, nous nous sommes rendu compte que les rumeurs de fusillade entendues plus tôt dans les couloirs n'étaient pas une mauvaise blague.

J'avais peur, j'étais dans un état d'incrédulité totale. Je le suis toujours d'ailleurs. J'ai envoyé des messages à tous mes amis qui se trouvaient dans le bâtiment à ce moment-là. Quasiment tous m'ont répondu. Sauf celle qui a été tuée. J'ai appris qu'elle faisait partie des victimes le lendemain de l'attaque. Ma tristesse s'est rapidement transformée en colère : mon amie était en faveur d'un contrôle renforcé des armes à feu. Elle est morte car rien n'a été fait. 

Depuis cette tuerie, vos camarades se sont montrés très actifs dans la lutte contre les violences par armes à feu. Comment avez-vous développé un tel mouvement ? 

Mes amis ont lancé ce mouvement quelques jours après la fusillade, pour s'assurer que nos camarades n'étaient pas morts en vain. Ils ont rapidement commencé à préparer cette "marche pour nos vies", et ont obtenu l'aide d'activistes qu'ils connaissaient. En lançant ce mouvement, ils ont réussi à mobiliser de nombreux élèves et enseignants de notre lycée.

En moins de deux mois, nous nous sommes rendus au capitole de notre Etat, pour tenter de convaincre nos élus d'agir. Nous avons interpellé des hommes politiques et la NRA au cours d'un débat sur CNN. Plusieurs de mes amis ont rencontré Paul Ryan, le président de la Chambre des représentants, ainsi que des sénateurs. 

Et aujourd'hui, nous avons la marche. Je le fais pour mon amie, pour nos idées. Nous partagions les mêmes valeurs en matière de contrôle des armes à feu. Après la tuerie de Sandy Hook, après la fusillade de Las Vegas, nous nous disions qu'il fallait que tout cela cesse. Des enfants de 5, 6 ans sont morts ! Nous étions pour un renforcement des contrôles, et puisque rien n'a été mis en place, elle a été tuée. Si j'étais à sa place, elle marcherait pour moi aussi. 

Qu'espérez-vous avec cette marche ? Quels changements peut-elle vraiment amener ? 

Près de 500 000 personnes ont déjà prévu de participer à cette marche. Et il pourrait y avoir beaucoup plus de monde. Avec un tel mouvement, un tel soutien de l'opinion publique, nous espérons que les hommes politiques vont agir. Qu'ils vont enfin se dire : "Le contrôle des armes à feu est peut-être, en fin de compte, la réponse." J'espère vraiment qu'ils agiront, qu'ils relèveront l'âge légal pour se procurer une arme. Et qu'ils s'assureront qu'une personne qui pourrait se blesser, ou faire du mal aux autres, ne pourra plus détenir d'arme. 

Nous ne voulons pas interdire toutes les armes à feu. Nous voulons simplement le plus de contrôles possible. Je suis optimiste. Je sais qu'après la tuerie de Parkland, d'autres fusillades ont eu lieu. Notre génération a grandi dans une société où les fusillades de masse sont devenues la norme. Mais nous n'en pouvons plus de l'inaction. Et ce qui est positif, c'est que nous maîtrisons les réseaux sociaux. Nous mobilisons les gens à travers ces plateformes, et nous réussissons. C'est ce qui me rend plus optimiste : je vois que cette fois-ci, nous arrivons enfin à faire bouger quelques lignes. 

La marche ne sera pas la fin de notre action. On poursuivra le travail. Pour nous, la prochaine étape est de s'assurer que nos camarades, qui auront bientôt 18 ans, s'inscrivent bien sur les listes électorales pour voter lors des élections de mi-mandat en novembre. Parce que si vous ne votez pas, votre voix n'est pas entendue. 

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