Reportage "Les chercheurs se sentent directement menacés" : à Atlanta, l'inquiètude du monde scientifique depuis la réélection de Donald Trump

La future administration conservatrice du président élu des Etats-Unis s'est, par le passé, ouvertement opposée à la démarche et la liberté scientifique.
Article rédigé par franceinfo - Cécile de Kervasdoué
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
A Atlanta, en Géorgie, la réélection de Donald Trump fait craindre une restriction des recherches scientifiques à certains. (CECILE DE KERVASDOUE / RADIOFRANCE)

Les résultats de l'élection présidentielle aux Etats-Unis fait trembler le monde de la recherche américaine. Parmi les deux millions de chercheurs du pays, beaucoup s’inquiètent de l’arrivée au pouvoir de personnalités dans l'administration Trump qui se sont déjà ouvertement opposées à la démarche et la liberté scientifique.

À Atlanta, des chercheurs des instituts de recherche et des universités confient être "sonnés", voire "terrorisés" depuis la réélection de Donald Trump face à Kamala Harris. La grande ville du Sud-Est des Etats-Unis, siège de nombreuses grandes entreprises est également un centre de recherche et d’innovation, avec des universités prestigieuses comme la Georgia Tech ou Emory. Elle accueille surtout le plus important centre de contrôle et de prévention des maladies de tout le pays. Et depuis le 6 novembre dernier, et la réélection de Donald Trump, ses chercheurs se font très discrets.

Meissa Selida, docteur en chimie, organise chaque année un festival de vulgarisation scientifique très prisé à Atlanta. Elle avoue avoir mis la tête dans un trou depuis mardi : "Les cerveaux les plus brillants en santé publique et épidémiologie sont ici. Ils se sentent directement menacés, ils s'inquiètent pour leur poste".

"On se souvient de la gestion du Covid-19 avec toute la vague antivaccins et on est très inquiets"

Meissa Selida, docteur en chimie

à franceinfo

Et de poursuivre : "Si on ne met pas des scientifiques à la tête des institutions de santé publique, on va voir le retour de maladies qui pourrait être évité comme la rougeole", estime-t-elle.

"Les lois qui sont faites par des gens qui n’ont aucune formation scientifique n’ont pas lieu d’être"

Les chercheurs craignent aussi de voir leurs subventions diminuer, ainsi que devoir se soumettre à des lois absurdes comme celle, ici, en Géorgie qui interdit l’avortement au-delà de six semaines. "La biologie, la santé, la reproduction, c’est compliqué, et, surtout, c’est nuancé !, fait remarquer Avery Davis Bell, généticienne à l’université Emory. Les lois qui sont faites par des gens qui n’ont aucune formation scientifique n’ont pas lieu d’être, parce que la loi, c'est blanc ou noir, mais ça ne peut pas s’appliquer à des choses complexes comme le moment où un embryon devient une personne. En tout cas, ce n'est certainement pas six semaines !", s'agace-t-elle.

La nomination qui semble se profiler du vaccinosceptique Robert Kennedy Jr à la santé n’a donc rien de rassurant pour les chercheurs dont la plupart refusent de parler à la presse. "Non, je ne me sens pas à l'aise pour parler", glisse par exemple l'un d'eux lorsqu'on lui tend le micro.

"Je crois que notre plus grande inquiétude en tant que chercheurs, c’est l’incertitude, tranche Kevin Sparrow, professeur assistant en science politique à l'université d'Etat de Géorgie. On s'inquiète de comment ça va affecter notre recherche. On n’a déjà dû expurger nos écrits du langage inclusif vis-à-vis de la diversité et de l’égalité, mais si on nous demandait d’aller plus loin que le langage ça serait vraiment effrayant. Mais on se soutiendra entre université et institution pour trouver une solution...", croit-il. Et il va falloir s’unir, conclut-il, parce que, cette fois, les électeurs ont donné tous les pouvoirs à Donald Trump.

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