Témoignages "Elle est réfléchie, bienveillante et dure quand il le faut" : sur les traces de Kamala Harris en Californie

La quinquagénaire, qui a obtenu le soutien de Joe Biden, semble poursuivre sa "mission" : briser les différents "plafonds de verre" qui s'élèvent au-dessus d'elle, comme le confiat en 2021 ses proches à franceinfo.
Article rédigé par franceinfo, Jérôme Jadot
Radio France
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Joe Biden et Kamala Harris lors de la célébration du Jour de l'Indépendance à Washington, aux États-Unis, le 4 juillet 2024. (MANDEL NGAN / AFP)

Coup de tonnerre sur la Maison Blanche : Joe Biden a annoncé, dimanche 21 juillet, renoncer à briguer un second mandat. Aussitôt, sa vice-présidente Kamala Harris s'est dite prête à le remplacer pour "battre Trump" dans une campagne démocrate désormais plongée dans l'inconnu. Comme un nouveau défi.

Cette annonce, attendue malgré les dénégations répétées du principal intéressé, bouleverse une campagne qui a déjà connu de nombreux rebondissements, au premier rang desquels la tentative d'assassinat de Donald Trump le 13 juillet. Âgée de 59 ans, Kamala Harris affiche une image de jeunesse face à Donald Trump, 78 ans, qui est sorti cette semaine renforcé de la convention d'investiture qui a vu le Parti républicain se mettre en ordre de marche derrière sa candidature. 

Un "modèle", une "fierté"

Et plus que jamais, celle qui est la première Afro-Américaine à avoir accédé à la vice-présidence des États-Unis semble résolue à poursuivre son destin qui semble de briser un par un les fameux "plafonds de verre" qui s'élèvent au-dessus d'elle. Pour le comprendre, retour sur ses traces, en Californie, où Kamala Harris est née le 20 octobre 1964. C'est d'ailleurs dans cet État de la côte ouest des États-Unis qu'elle a bâti toute sa carrière.

La maison dans laquelle a habité Kamala Harris avec sa mère et sa soeur sur Bancroft Street à West Berkeley. Le bâtiment abrite désormais une école Montessori. (JEROME GILLES / NURPHOTO)

En janvier 2021, franceinfo s'était rendu sur place : à commencer par son école primaire, sur les collines de Berkeley à côté de San Francisco. Une petite école où le portrait de Kamala Harris est désormais peint sur un mur. C’est un "modèle", nous dit Lily 11 ans, qui joue dans la cour. "Elle est vraiment cool et c’est motivant."

"Elle représente ce que tu peux atteindre en allant dans cette école, en étant une femme et même en étant une femme de couleur".

Lily, 11 ans, fréquente la même école primaire que Kamala Harris

à franceinfo

Au début des années 1970, c’était ici un quartier plutôt blanc. Kamala Harris, fille d’une Indienne et d’un Jamaïquain venus étudier en Californie, habite un quartier noir. Elle bénéficie d’un programme de déségrégation : un bus la conduit ici tous les jours. Carole Porter, amie d'enfance de la vice-présidente, prenait ce bus avec elle : "Elle n’aurait peut-être pas eu l’opportunité d’être là où elle est aujourd’hui s’il n’y avait pas eu ce bus. Elle écoutait les cours avec beaucoup d’attention. Elle avait aussi une forme de leadership naturel. C’était un excellent mentor. Elle avait par exemple pris sous son aile la fille adoptive d’une voisine". Cette voisine travaillait au rez-de-chaussée d’une maison désormais peinte en jaune dans le quartier de West Berkeley.

Une fresque avec le portrait de Kamala Harris (visage au centre) à été peinte sur un mur de la Thousand Oaks Elementary School à Berkeley, fréquentée par la vice-présidente dans les années 70. A gauche, Carole Porter, une ancienne camarade de classe. (JEROME JADOT / RADIO FRANCE)

La famille Harris habitait à l’étage. Ou du moins pas son père, car les parents de Kamala ont divorcé. L'économiste et la biologiste s’étaient rencontrés en militant pour les droits civiques à l’université aux côtés d’Aubrey Labrie. "Kamala m’appelle Oncle Aubrey parce que j’étais un ami de ses parents, racontait l'octogénaire en 2021. On faisait des manifs ensemble. La mère de Kamala l’emmenait à des actions de boycott d’entreprises qui faisaient de la ségrégation et Kamala a encore aujourd’hui ce souci de justice. Je suis fier de ce qu’elle a accompli..."

"Les progressistes ne l'aimaient pas"

Et puis, pas à pas, obstacle après obstacle, Kamala Harris bâtit sa carrière. Inspirée par sa mère, elle s’attache le soutien des caciques démocrates locaux et devient la première femme de couleur élue procureure du district de San Francisco en 2003, puis procureure générale de Californie en 2010. Louise Renne, ancienne directrice des services juridiques de San Francisco, l’avait recrutée au début de sa carrière. "Kamala peut être dure, quand il faut être dure. Elle est réfléchie, mais elle est aussi très bienveillante, nous confiait Louise Renne. Le premier jour où on a eu des procédures d’adoption, Kamala m’a dit : 'Louise, j’ai des peluches pour les enfants et leurs familles', ça m’a montré quelqu'un qui comprenait l’émotion de ce moment".

Louise Renne, ancienne directrice des affaires juridiques de la ville de San Francisco. Elle avait recruté Kamala Harris à ses côtés en 2000. (JEROME JADOT / RADIO FRANCE)

De ses années de procureure, Kamala Harris met en avant son bilan progressiste : refus de requérir la peine de mort, programme de réinsertion des ex-détenus.

Les associations anti-racistes lui reprochent sa passivité sur des affaires de tirs de police sur des hommes noirs. "Je peux vous dire qu’au bureau les progressistes ne l’aimaient pas, témoignait Chris Tiedemann, ancienne procureure générale adjointe de Californie. C’était une mauvaise administratrice et elle était très réticente à poursuivre les grosses entreprises. J’ai un proche collègue qui avait des dossiers sur des fabricants de tabac qui ciblaient les mineurs. Il n’a pas pu poursuivre. Elle ne voulait rien faire qui puisse nuire à sa carrière." 

Kamala et Doug, une famille recomposée moderne

L'ambition de Kamala Harris la conduit jusqu'à Washington. En 2016, elle devient la première femme d’origine sud-asiatique à être élue sénatrice (de Californie). Elle se fait remarquer pour ses interrogatoires serrés de ministres et de hauts fonctionnaires avant de se lancer dans la primaire. "Elle a posé de bonnes questions, mais est-ce qu’elle a apporté de l’argent à la Californie ? Est-ce qu’elle nous a aidés face au Covid ? La réponse est non, lâche Loretta Sanchez, ex-représentante démocrate, battue par Kamala Harris pour le siège de sénatrice de Californie. Sur quatre années au Sénat, elle en a passé deux en campagne pour la présidentielle. Elle n’a pas beaucoup d’expérience au niveau fédéral. Mais elle est intelligente et si elle travaille ses dossiers, j’ai bon espoir qu’elle réussisse".

Une success story qui s’écrit depuis six ans aux côtés de son mari Doug Emhoff, dont les enfants appellent Kamala Harris "Momala", image d’une famille recomposée moderne : sans broncher, ou presque, il a quitté son cabinet d’avocat pour devenir "second gentleman" des États-Unis... avant peut-être d’être, un jour, "First gentleman" ? Voici donc le dernier plafond de verre à briser pour Kamala Harris : celui de la Maison Blanche.

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