"Elle avait une forme de leadership naturel" : en Californie, dans les pas de Kamala Harris, briseuse de plafonds de verre
Franceinfo a rencontré celles et ceux qui ont accompagné la carrière de la vice-présidente de Joe Biden, première femme et première personne de couleur à accéder à cette fonction. Charismatique, dure mais bienveillante pour certains, elle est jugée trop carriériste et opportuniste par d'autres.
"Je suis peut-être la première femme à ce poste mais je ne serai pas la dernière!", avait déclaré Kamala Harris le 7 novembre dernier. La colistière de Joe Biden devient officiellement, mercredi 20 janvier, la première femme et première personne de couleur à accéder à la vice-présidente américaine.
Métissée, charismatique, relativement nouvelle en politique, qui est celle qu’on a parfois qualifiée d’Obama au féminin ?
"C’était un excellent mentor"
Kamala Harris est née en Californie il y a 56 ans et c'est dans cet État de la côte ouest des États-Unis qu'elle a bâti toute sa carrière. Nous nous rendons d’abord dans son école primaire, sur les collines de Berkeley à côté de San Francisco. Une petite école où le portrait de Kamala Harris est désormais peint sur un mur. C’est un "modèle", nous dit Lily 11 ans, qui joue dans la cour. "Elle est vraiment cool et c’est motivant."
"Elle représente ce que tu peux atteindre en allant dans cette école, en étant une femme et même en étant une femme de couleur".
Lily, 11 ans, fréquente la même école primaire que Kamala Harrisà franceinfo
Au début des années 1970, c’était ici un quartier plutôt blanc. Kamala Harris, fille d’une Indienne et d’un Jamaïquain venus étudier en Californie, habite un quartier noir. Elle bénéficie d’un programme de déségrégation : un bus la conduit ici tous les jours. Carole Porter, amie d'enfance de la nouvelle vice-présidente prenait ce bus avec elle : "Elle n’aurait peut-être pas eu l’opportunité d’être là où elle est aujourd’hui s’il n’y avait pas eu ce bus. Elle écoutait les cours avec beaucoup d’attention. Elle avait aussi une forme de leadership naturel. C’était un excellent mentor. Elle avait par exemple pris sous son aile la fille adoptive d’une voisine". Cette voisine travaillait au rez-de-chaussée d’une maison désormais peinte en jaune dans le quartier de West Berkeley.
La famille Harris habitait à l’étage, enfin, pas le père car les parents de Kamala ont divorcé. L'économiste et la biologiste s’étaient rencontrés en militant pour les droits civiques à l’université aux côtés d’Aubrey Labrie qui a aujourd’hui 83 ans. "Kamala m’appelle Oncle Aubrey parce que j’étais un ami de ses parents, raconte l'octogénaire. On faisait des manifs ensemble. La mère de Kamala l’emmenait à des actions de boycott d’entreprises qui faisaient de la ségrégation et Kamala a encore aujourd’hui ce souci de justice. Je suis fier de ce qu’elle a accompli."
"Les progressistes ne l'aimaient pas"
Ce qu'a accompli Kamala Harris, c'est une carrière de briseuse de plafonds de verre. Inspirée par sa mère, elle s’attache le soutien des caciques démocrates locaux et devient la première femme de couleur élue procureure du district de San Francisco en 2003, puis procureure générale de Californie en 2010. Louise Renne, ancienne directrice des services juridiques de San Francisco l’avait recrutée au début de sa carrière. "Kamala peut être dure quand il faut être dure. Elle est réfléchie mais elle est aussi très bienveillante, raconte Louise Renne. Le premier jour où on a eu des procédures d’adoptions, Kamala m’a dit : 'Louise, j’ai des peluches pour les enfants et leurs familles', ça m’a montré quelqu’un qui comprenait l’émotion de ce moment".
De ses années de procureure, Kamala Harris met en avant son bilan progressiste : refus de requérir la peine de mort, programme de réinsertion des ex-détenus. Les associations anti-racistes lui reprochent sa passivité sur des affaires de tirs de police sur des hommes noirs. "Je peux vous dire qu’au bureau les progressistes ne l’aimaient pas, témoigne Chris Tiedemann, ancienne procureure générale adjointe de Californie. C’était une mauvaise administratrice et elle était très réticente à poursuivre les grosses entreprises. J’ai un proche collègue qui avait des dossiers sur des fabricants de tabac qui ciblaient les mineurs. Il n’a pas pu poursuivre. Elle ne voulait rien faire qui puisse nuire à sa carrière"
Kamala et Doug, une famille recomposée moderne
L'ambition de Kamala Harris la conduit jusqu'à Washington. En 2016, elle devient la première femme d’origine sud-asiatique à être élue sénatrice (de Californie). Elle se fait remarquer pour ses interrogatoires serrés de ministres et hauts fonctionnaires avant de se lancer dans la primaire. "Elle a posé de bonnes questions, mais est-ce qu’elle a apporté de l’argent à la Californie? Est-ce qu’elle nous a aidés face au Covid ? La réponse est non, lâche Loretta Sanchez, ex-représentante démocrate, battue par Kamala Harris pour le siège de sénatrice de Californie. Sur quatre années au Sénat, elle en a passé deux en campagne pour la présidentielle. Elle n’a pas beaucoup d’expérience au niveau fédéral. Mais elle est intelligente et si elle travaille ses dossiers, j’ai bon espoir qu’elle réussisse".
Une success story qui s’écrit depuis six ans aux côtés de son mari Doug Emhoff dont les enfants appellent Kamala Harris "Momala", image d’une famille recomposée moderne. Lui quitte son cabinet d’avocat pour devenir second gentleman avant peut-être d’être un jour first gentleman. Étant donné l’âge de Joe Biden, 78 ans, il est envisageable qu’il ne se représente pas dans quatre ans, offrant potentiellement le dernier plafond de verre à briser pour Kamala Harris, celui de la Maison Blanche.
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