"Stress", "manque d'entraînement", "vent" : des experts en balistique analysent le tir qui a failli coûter la vie à Donald Trump

Article rédigé par Joanna Yakin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Donald Trump, le 15 juillet 2024, avec un pansement sur son oreille touchée après la tentative d'assassinat. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)
De nombreux internautes s'étonnent que le tireur à l'origine de la tentative d'assassinat contre Donald Trump n'ait touché que l'oreille de l'ex-président, laissant entendre qu'il aurait pu volontairement rater son tir. Une théorie du complot parmi d'autres, à laquelle les experts en balistique ne croient pas.

"Je n’y crois pas, c’est arrangé. Une petite plaie à l’oreille, ne vous laissez pas berner". Quoi de plus propice aux théories du complot qu'une tentative d'assassinat sur un ancien président ? L'attaque dont Donald Trump a été la cible, samedi 13 juillet, a laissé place à de nombreux messages complotistes, ou a minima à de gros doutes sur la version officielle.

Plusieurs messages partagés sur X émettent l'idée d'un "coup monté" par Donald Trump lui-même. (TWITTER - STEPHANIE BERLU)

"Faux sang", "mise en scène", "coup" de Joe Biden ou du Secret service... Qu'il s'agisse des partisans de Donald Trump ou de ses opposants, on assiste à une remise en cause de la version officielle, avec, entre autres, cette question qui revient : comment le tireur a-t-il pu rater sa cible ? Franceinfo a interrogé plusieurs experts judiciaires en balistique qui sont formels : à cette distance, "viser précisément l'oreille, ce n'est pas possible".

Un tir "pas bien compliqué" sur le papier...

D'après les premiers éléments communiqués par les autorités américaines, Thomas Matthew Crooks, l'assaillant de 20 ans qui a tiré sur Donald Trump avant d'être abattu, était armé d'un fusil semi-automatique AR-15. Le jeune homme a tiré plusieurs coups de feu depuis le toit d'un bâtiment situé à quelque 150 mètres du candidat républicain à la présidentielle. "Je suis plutôt un bon tireur, à 200 mètres, je tue à 100%", confie un expert balistique habitué au tir.

Les trois experts interrogés par franceinfo et qui requièrent l'anonymat confirment effectivement qu'en théorie, un tir à cette distance n'est pas difficile. "À environ 130 mètres, surtout avec ce type de munitions, ce n’est pas bien compliqué de viser une zone qui fait 30 à 40 cm", abonde un autre balisticien de Gironde. 

.... mais "beaucoup de paramètres qui rentrent en compte"

Mais tous tempèrent leurs propos dans le même sens : "Ça dépend de qui est derrière le fusil et des conditions du tir." "Peut-être que l'arme n'était pas réglée, peut-être qu'il était un peu fébrile. Quand on s'apprête à tirer sur un ex-président, on peut être un peu fébrile", juge un expert. 

Même si l'AR-15 est "une arme très classique", "très ergonomique", "soit il manquait d'entraînement et était novice dans l'utilisation de l'arme, ou alors s’il l'utilisait régulièrement il n'était pas très bon", estime l'expert girondin. Il prend immédiatement soin de préciser qu’"entre du tir sportif où vous allez tirer allongé, avec votre arme sur un support, avec une cible en papier qui est fixe et dans une situation qui ne génère pas de stress, il y a effectivement une différence. Il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en compte."

Parmi ces paramètres, un expert en balistique de l'Yonne avance celui du vent. "Vous avez un projectile qui fait 3,5 grammes, avec le vent, ce projectile sur 150 mètres peut être déstabilisé et être déplacé sur sa trajectoire". Et il tempère légèrement l'analyse de ses collègues : 

"C'est loin d'être évident de toucher quelqu'un qui bouge. Il n'y a rien de plus facile que de louper une cible".

un expert en balistique de l'Yonne

à franceinfo

Viser l'oreille délibérément est "impossible"

Alors le tireur a-t-il pu faire "exprès" de ne viser que l'oreille de Donald Trump ? "Viser précisément l'oreille à la distance en question, là ce n'est pas possible, donc les théories du complot disant qu'il ne visait que l'oreille pour faire mousser Donald Trump, ça, je n'y crois pas. Vous voyez la taille de la cible ? À 130 mètres ça commence à faire petit", confie l'expert francilien. Une analyse confortée par les propos d'un autre spécialiste, catégorique : "Il n'a pas fait exprès de le louper."

Sur X, un internaute qui se présente comme physicien et professeur des universités à l'Université libre de Bruxelles émet par ailleurs l'hypothèse que la balle n'aurait pas vraiment touché l'oreille de Donald Trump. C'est "l'onde de choc" de la balle qui aurait "arraché la peau de M. Trump", avance-t-il. Une hypothèse balayée, voire moquée par les experts interrogés. 


L'onde de choc, "c'est plus de la légende urbaine", juge l'expert girondin. Pour être blessé, "il faut qu'il y ait un impact", assure-t-il. Exactement le même son de cloche chez son confrère : "Pour être blessé par une balle, il faut être touché".

Quant à cette photo virale prise par un photographe américain et publiée dans le New York Times, les trois experts près les Cours d'appel appellent à la "méfiance". "Moi j'émets d'énormes réserves. Généralement pour pouvoir apercevoir un projectile il faut des appareils à haute vitesse. Je reste très très réservé sur ce trait blanc. Pour moi, ce n'est pas le projectile, mais ça n'engage que moi." Un autre abonde : "Peut-être", mais "le trait sur la photo n'est pas à la hauteur de l'oreille"."Méfiez-vous", conclut-il.

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