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Quand les Etats-Unis fermaient leurs frontières aux réfugiés juifs du nazisme

1939. Un paquebot allemand, le «Saint-Louis», transporte des centaines de juifs qui fuient le Reich nazi. Ces réfugiés tentent en vain d’entrer aux Etats-Unis, régis par de sévères règles d'immigration, et repartent vers l'Europe. Cette histoire a été rappelée par de nombreux Américains après la décision de Trump de fermer la porte aux citoyens de sept pays. Retour sur cette histoire américaine.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Panneau signifiant «Interdit aux juifs» aux Pays-Bas pendant l'occupation nazie. (Berliner Verlag / Archiv / dpa-Zentralbild / DPA)

A l’occasion de la vague de protestations qui a suivi, aux Etats-Unis notamment, la décision du président Trump d’interdire l’entrée aux citoyens de sept pays, peuplés majoritairement de musulmans, de nombreux Américains ont rappelé qu’à la fin des années 30 leur pays avait quasiment bloqué l’arrivée de réfugiés juifs d’Europe et d’Allemagne, alors que se dessinait la solution finale.

L'odysée du «Saint-Louis»
Cette page sombre de l'histoire américaine est symbolisée par l'odyssée de ce paquebot, le Saint-Louis, transportant des réfugiés juifs qui fuyaient l'Allemagne nazie. Ces juifs ne purent jamais entrer aux Etats-Unis en raison de la politique restrictive de l'immigration. 


Ces règles remontant à une loi de 1924 s'appliquaient dans un contexte tendu aux Etats-Unis où une grande partie de la population était hostile à toute participation de leur pays dans les conflits qui se dessinaient en Europe, sans parler du soutien que les thèses nazies pouvaient rencontrer ici ou là. 

Dans un sondage de juillet 1938, 67% des Américains déclaraient au magazine Fortune que l’Amérique ne devrait pas du tout laisser entrer les réfugiés politiques allemands, autrichiens et autres, rappellait en 2015 le journal Time of Israël qui ajoute: «En janvier 1939, 61% des Américains ont repondu à l’institut Gallup qu’ils s’opposaient à l’installation aux Etats-Unis de 10.000 enfants réfugiés, pour la plupart, juifs.»

Dans l'Amérique de la Grande dépression, la propagande isolationniste voire xénophobe battait son plein. Tout comme les campagnes anti-communistes, parfois à caractère antisémite. En 1939, le président Roosevelt remettait en jeu son mandat et ne voulait pas prendre de risques.

Résultat: le Saint Louis repartit vers l'Europe avec les conséquences que l'on imagine, même si de nombreux passagers purent se réfugier dans d'autres pays européens. «En fin de compte, nombre de ses passagers périrent dans les camps de concentration ou d’extermination», précise le site américain sur l'holocauste


La politique restrictive d’immigration a laissé des traces dans la mémoire américaine. Il suffit de lire ce que dit le site consacré à l’holocauste de Washington: «Le Département d'Etat américain rendit très difficile l'obtention de visas d'entrée aux réfugiés et ce, malgré la persécution des juifs en Allemagne. La politique du Département d'Etat fut influencée par les difficultés économiques liées à la Grande dépression qui favorisaient le développement de l'antisémitisme, de l'isolationnisme et de la xénophobie. Le nombre de visas d'entrée fut également limité par l'application stricte d'une loi d'immigration restrictive adoptée par le Congrès américain en 1924. A partir de 1940, les Etats-Unis limitèrent encore davantage l'immigration en ordonnant aux consuls américains, en poste à l'étranger, de retarder l'approbation des visas pour des raisons de sécurité nationale.»

Le site précise cependant qu'«en 1939 et 1940, un peu plus de la moitié de tous les immigrants aux Etats-Unis étaient juifs, la plupart d'entre eux réfugiés d'Europe». 

«Malgré de nombreux obstacles, plus de 200.000 Juifs trouvèrent refuge aux Etats-Unis de 1933 à 1945, la plupart d'entre eux avant la fin de 1941», ajoute-il, notant que «bien que 85.000 réfugiés juifs soient parvenus aux Etats-Unis entre mars 1938 et septembre 1939, le nombre de visas d'entrée accordé demeura bien en deçà du nombre de la demande.» 

L'exemple de Varian Fry
Cette situation provoqua des réactions poussant certains à aider les réfugiés, coincés en Europe. En 1940, un groupe de personnes crée à New York le «Comité de sauvetage d’urgence» (Emerging rescue committee) pour aider des réfugiés européens, dans le cadre des limitations d’accès aux Etats-Unis. 

L'Américain Varian Fry lutta en France, pendant la guerre, pour obtenir des visas américains en faveur de réfugiés fuyant le nazisme. (Fred Stein / picture alliance / DPA)

C'est ainsi que l'un des membres de cette organisation, Varian Fry, devient célèbre. Installé dans le sud de la France, Varian Fry aida les réfugiés juifs et non juifs a obtenir des visas vers les Etats-Unis. Il utilisa souvent des faux documents pour arriver à ses fins.

Repéré par Vichy, il finit par être expulsé vers les Etats-Unis. Pendant les 13 mois où son organisation fonctionna, il réussit à aider plus de 2000 personnes à quitter la France, grâce notamment au soutien d'un diplomate américain de Marseille. Sur sa liste, on trouve des personnalités comme Hannah Arendt, Pablo Casals, Marc Chagall, Wanda Landowska et Alma Mahler. Il publia un livre racontant son opération en France, dans lequel il dénonçait l'attitude américaine.

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