: Vidéo "Le Monde en 2040 vu par la CIA" : un rapport de l'agence américaine de renseignement détaille les défis à venir dans un horizon qui s'annonce "extrêmement complexe"
Progrès technologique, démographie, impact sociétal... Publié tous les quatre ans lors de l'investiture d'un nouveau président, ce rapport exhaustif repose sur deux mots-clé, explique le journalste Piotr Smolar qui en signe la préface française : "adaptation et innovation".
Pour la 7e fois, la CIA publie son rapport sur l'avenir du monde, rapport établi à destination de Joe Biden, le nouveau président américain pour l'aider à "lever le nez", explique sur franceinfo jeudi 6 mai Piotr Smolar, journaliste au journal Le Monde qui signe la préface de l'édition française de ce rapport intitulé Le Monde en 2040 vu par la CIA, disponible aux Éditions Les Équateurs.
L'ouvrage pointe les défis à venir dans un monde qui s'annonce "extrêmement complexe". "On assiste vraiment à une sorte d'accélération du temps, à une compression du temps avec des progrès technologiques foudroyants, mais aussi des nuages noirs qui s'accumulent au-dessus de nos têtes", pointe Piotr Smolar.
franceinfo : Pourquoi la CIA rend public ce rapport ?
Piotr Smolar : C'est un effort de prospective et de transparence qui est accompli par la communauté du renseignement américain. C'est le septième rapport de ce genre. Il est publié tous les quatre ans, au moment généralement où le président américain entre en fonction à la Maison-Blanche. C'est un document extrêmement dense et assez passionnant à destination du président américain qui lui dit : "Vous allez être confronté dans l'immédiat à des problèmes énormes, des problèmes de diplomatie, des problèmes de santé, des problèmes économiques, mais levez le nez, levez la tête, regardez l'horizon parce ce que l'horizon, d'ici 2040, s'annonce extrêmement complexe ! On assiste vraiment à une sorte d'accélération du temps, à une compression du temps avec des progrès technologiques foudroyants, mais aussi des nuages noirs qui s'accumulent au-dessus de nos têtes.
Les objets connectés et l'intelligence artificielle vont être absolument partout autour de nous. On se dit que celui qui contrôlera cette technologie peut être celui qui contrôlera la planète, non ?
Vous avez tout à fait raison. Les deux des mots clés dans ce rapport, c'est adaptation et innovation. Ce n'est pas des mots d'une originalité folle, mais par contre, la façon dont ils développent l'importance de l'innovation technologique dans ce rapport m'a assez fasciné. Il montre bien que le progrès technologique ne se refuse pas. On ne va pas s'enfermer dans une tente sans eau courante et sans électricité dans le Larzac. Le monde est tel qu'il est et la course à l'innovation va s'accélérer encore.
"Le progrès technologique ne se refuse pas, mais il est ambivalent. Il est porteur d'espoirs immenses en matière de santé, d'agriculture. Par contre, il faut bien voir qu'il y aura énormément de casse."
Piotr Smolar, journalisteà franceinfo
L'avenir n'est-il pas la fin définitive de la vie privée ?
Oui, en insistant davantage, évidemment, sur les États autoritaires, voire totalitaires qui, eux, se sont assis depuis longtemps sur les notions de droit à la vie privée, de confidentialité. Je pense notamment à la Chine. Les chiffres qui sont cités dans le rapport sur le nombre d'objets connectés est assez hallucinant. En 2018, il y avait 10 milliards d'objets connectés, ce qui est déjà pas mal, mais on va vers des milliers de milliards d'objets connectés. Il y aura une espèce d'immense réseau qui va être constitué avec tous ces appareils. Ça va permettre effectivement des progrès majeurs en matière de santé, en matière de transport. J'ai un fils de 7 ans et je lui dis souvent que je ne suis pas sûr qu'il aura à passer le même permis de conduire que moi. Peut-être que dans dix ans, dans 15 ans, les voitures seront autopilotées. Il n'y aura plus besoin d'un pilote humain. On sait aussi, en ce qui concerne les progrès par exemple de l'automatisation, qu'on ne pourra pas refuser. On cite souvent l'exemple des caissières au supermarché qui pourraient disparaître. Ça a déjà commencé. Mais même à plus haut niveau de qualification. C'est cela qui est passionnant. C'est ce ne sont pas seulement les emplois précaires ou à faible niveau de qualification qui pourraient être concernés. Il faut penser cet avenir.
La CIA a aussi estimé le cout des maladies mentales sur la planète. 16 000 milliards de dollars dans les 20 ans qui viennent. Ce chiffre vous a-t-il surpris ?
Ce chiffre est une gifle. Ensuite, il faut voir comment, effectivement, il est calculé dans le détail. Encore une fois, c'est une projection. Il y a d'abord, dans un premier temps, les conséquences de l'épidémie actuelle qu' il ne faut pas du tout minorer, c'est-à-dire qu'on est encore dans une phase active de la crise et on ne mesure pas toutes les conséquences sismiques de cette épidémie. Le bilan final va être évidemment catastrophique pour les jeunes, pour les emplois précaires, pour ceux qui sont mal logés, pour ceux qui ont éventuellement perdu leur emploi, pour ceux qui ont été désocialisés.
Mais est-ce uniquement l'effet de la crise ou c'est aussi parce qu'on va être remplacés par des robots ?
C'est la deuxième phase. C'est évident qu'il va y avoir une sorte de nouvelle révolution industrielle qui va laisser beaucoup de monde sur le carreau. Cette automatisation d'un certain nombre d'emplois, elle ne va pas être refusée par les pays. C'est impossible. Et la question est aussi liée, évidemment, à la démographie. Je tiens à insister là-dessus parce que c'est vraiment un point important. Ce qui est particulièrement intéressant dans ce rapport, c'est qu'il combine les disciplines. La plupart du temps quand vous lisez des rapports prospectifs sur l'avenir, en gros, c'est uniquement sur l'évolution de la démographie mondiale ou l'évolution de l'économie mondiale. Et là, la communauté du renseignement américain lie toutes ces disciplines. Elle montre qu'il y a une logique, que la démographie influe sur l'économie, que l'automatisation et le progrès technologique va influer aussi sur les autres domaines.
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