Migrants : le message du pape est "très inconfortable pour les chrétiens"
Pour la journaliste et directrice de "Témoignage chrétien", Christine Pedotti, "le pape nous oblige à regarder la réalité en face et c’est une réalité difficile".
Le pape François a appelé à "la paix pour Jérusalem et toute la Terre Sainte" et a plaidé pour l'accueil des migrants, dans son message de Noël, lundi 25 décembre à Rome. La journaliste et directrice de Témoignage chrétien, Christine Pedotti, estime sur franceinfo que le pape a livré un message "très spirituel" et "très inconfortable pour les chrétiens".
franceinfo : Ce message est-il plus politique que religieux ?
Christine Pedotti : Je ne crois pas. Je crois que précisément, il est très spirituel. On dit que le pape fait de la politique, mais en fait ce qu'il nous dit, c'est : 'ces enfants, c'est Jésus lui-même'. Ce n'est pas de la politique, c'est spirituel. Pour les chrétiens, c'est un message très inconfortable. Un message politique, on peut dire : je ne suis pas du même avis que le pape. Un message spirituel, c’est plus compliqué.
Son discours a-t-il évolué ?
Non, il ne cesse de dire la même chose. Il ne nous dit même pas : 'nous c’est eux, ces migrants, ces peuples en guerre'. Il nous dit : 'c’est vraiment Jésus'. C’est incroyablement chrétien, ce n’est pas neuf. Cela nous met tous, nous les chrétiens, assez mal à l’aise. Cela nous demande une conversion extrêmement forte. Et en même temps on se rend bien compte que la politique se greffe sur cette question spirituelle et qu’elle est compliquée. Cela résonne très fort le jour de Noël. Marie et Joseph, les parents de Jésus, frappent à la porte de l’auberge et on leur dit : 'il n’y a pas de place pour vous'. Et ce 'il n’y a pas de place pour vous', dit aux parents de Jésus qui va naître, cela dit ce que nous disons, nous, aux migrants. Et ce que les peuples se disent les uns aux autres quand ils se repoussent, qu’ils n’acceptent pas de se parler. Je trouve ça très fort, et je prends ça très au sérieux, ce que dit le pape.
La question des migrants, des réfugiés, est-elle au cœur du pontificat de François ?
On ne peut pas être indifférent à cette question. Est-ce que tout le monde a une place sur la Terre, et laquelle ? On dit qu'on ne peut pas accueillir tout le monde. Est-ce que le bout de ce qu’on dit, c’est : 'on ne peut pas mettre tout le monde sur la Terre ?' La phrase de Michel Rocard, c’est 'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais on doit en prendre sa part'. C’est une question qu’on doit toujours se poser, est-ce qu’on prend suffisamment notre part ?
Vous parliez d’un message inconfortable du pape. Est-ce qu’il a l’habitude de passer des messages inconfortables comme ça ?
C’est vraiment sa spécialité. Il s’appelle François, il a choisi ce nom en rappelant le pauvre d’Assise. Saint-François d’Assise, qui a sans doute été la figure la plus ressemblante à Jésus au coeur du Moyen Age, quand la richesse éclatait au cœur des villes médiévales italiennes. Il nous rappelle que nous sommes des Européens, avec dans bien des maisons une forme d’opulence, même quand on n’est pas très riche, et les enfants qui sourient au pied du sapin. Tout cela nous renvoie à la question : qu’est-ce que je fais quand je regarde les gens qui n’ont pas d’endroit où poser leur valise ? Il y a une forme d’inconfort. Le pape n’arrête pas de nous dire ce genre de choses. C’est un pape très inconfortable, qui me dérange, et en même temps, je lui suis reconnaissante parce que je ne crois pas qu’être chrétien soit une identité ou une citoyenneté, c’est une façon de se situer dans le monde. Le pape nous oblige à regarder la réalité en face. C’est une réalité difficile.
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