Pédophilie dans l'Église : la lettre du pape est "un changement d'échelle dans le discours face aux abus sexuels"
"Il n'y a pratiquement pas une phrase pour dire 'cela va mieux'. Il donne toute la mesure du problème dans son texte", pour Guillaume Goubert, directeur du journal La Croix.
"Il y a un changement d'échelle dans le discours pontifical face au drame des abus sexuels de la part du clergé", a expliqué lundi 20 août sur franceinfo Guillaume Goubert, directeur de La Croix et ancien correspondant à Rome pour le quotidien. Le journal publie mardi la lettre du pape François "au peuple de Dieu" à l'adresse des catholiques du monde entier.
Pour Guillaume Goubert, le discours pontifical "est sans précédent" car il rejette "toute forme de cléricalisme" et dénonce "l'esprit de corps" du clergé "qui fait que l'on dissimule les choses de manière endémique".
franceinfo : Est-ce que cette démarche du pape François montre que, désormais, il considère qu'il s'agit du combat majeur de son pontificat ?
Guillaume Goubert : C'est certainement un combat majeur de son pontificat. C'est un combat qui a pris une ampleur particulière depuis quelques mois. Il avait fait un voyage au Chili qui ne s'était pas bien passé du tout. Il avait rejeté les accusations qui étaient portées contre les évêques chiliens. Quelques temps après, il a reconnu qu'il a commis une erreur. Maintenant, il y a un changement d'échelle dans le discours pontifical face au drame des abus sexuels de la part du clergé.
À quoi constate-t-on ce changement d'échelle ? Il dit des choses nouvelles ?
Ce qu'il dit de plus marquant dans cette lettre, c'est le rejet du cléricalisme. Et dire non aux abus c'est dire non de façon catégorique à toute forme de cléricalisme. Que ce soit le chef l'Église qui appelle tous les membres de l'Église à se mobiliser contre le cléricalisme, c'est quelque chose qui, historiquement, est sans précédent. Le fait de dire que, s'il y a des abus, c'est parce qu'il y a une certaine culture cléricale d'auto-préservation, un esprit de corps qui fait que l'on dissimule les choses de manière endémique et qu'il faut que tous les baptisés, tous les membres de l'Église participent à la lutte contre les abus sexuels de la part du clergé, c'est tout à fait inédit. Il emploie tout au long de son texte des expressions très fortes. Quand il parle de corruption spirituelle, d'atrocité, ce sont des mots qui sont absolument sans concession. Il n'y a pratiquement pas une phrase pour dire 'cela va mieux'. Cela a souvent été le discours de l'Église de dire il y a des progrès qui sont fait. Là, il donne toute la mesure du problème dans son texte.
Il dit aussi que lui-même n'a pas pris totalement la mesure du phénomène avant d'être pape et depuis qu'il est au Vatican ?
Il a donné le sentiment, au moment de l'affaire chilienne, d'ouvrir les yeux sur quelque chose qu'il n'avait pas regardé en face, dont il n'avait pas conscience du caractère de gravité, du caractère organisé du processus de dissimulation, de complicité entre des prêtres fautifs. On est à un moment où il y a une série de révélations. Par cette lettre au peuple de Dieu - une forme dans le discours pontifical dont je ne vois pas de précédent - il a voulu appeler à la mobilisation de l'Église comme jamais contre ce mal endémique des abus sexuels.
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