"Ils ont volé l'espoir" : une ancienne capitaine de l'armée de l'air vénézuélienne raconte pourquoi elle s'est enfuie
Condamnée à huit ans de prison par un tribunal militaire après un procès "politique", Laided Salazar a réussi à quitter le Venezuela au mois de juillet. Son récit, emprunt de nostalgie, témoigne de l'horreur du régime de Maduro.
"Actuellement je suis fugitive, j'ai été prisonnière politique", témoigne Laided Salazar, 46 ans. "Il y a encore une centaine de militaires torturés, détenus, car selon Nicolas Maduro et son régime de narcotrafiquants, ils ont voulu se rebeller", poursuit cette ancienne capitaine de l'armée de l'air de 46 ans.
En trois ans, 1,6 million de Vénézuéliens ont fui les pénuries et l'insécurité qui minent leur pays. Ils se réfugient dans les pays voisins, en Colombie, au Pérou, au Brésil ou encore en Equateur. Dans ce flux massif de migrants, les profils sociaux sont très variés, on y trouve même d'anciens militaires, qui ont vu l'envers du décor, et qui dénoncent aujourd'hui la corruption au plus haut niveau de l'Etat vénézuélien.
Un procès expéditif
Laided Salazar s'est échappée du Venezuela fin juillet avec son fils. Elle a suivi des sentiers illégaux pour passer les frontières. Nous l’avons rencontrée dans un autre pays d'Amérique latine que nous garderons secret à sa demande : "J'ai peur," explique-t-elle, "car dans tous les pays d'Amérique latine, sont implantées des cellules des services de sécurité de Nicolas Maduro, et ils peuvent essayer de nous tuer, mon fils et moi".
En 2015, Laided Salazar, capitaine de l'armée de l'air vénézuélienne pendant 13 ans, a été condamnée à huit ans de prison par un tribunal militaire. Avec d'autres gradés et haut-gradés de l'aviation bolivarienne, elle a été accusée de conspiration et de rébellion. "Un procès expéditif", raconte Laided Salazar. "Ils n'ont pas trouvé de preuve, pas d'arme, aucun élément probant sur le fait qu'on était en rébellion. C’était un procès politique ordonné par Nicolas Maduro", poursuit-elle.
"Nous participions juste à une réunion, une discussion pour évoquer la situation du pays, la politisation des forces armées, la corruption, la mort d'étudiants lors des manifestations de 2014, la misère, la famine..." se souvient Laided Salazar. Elle se justifie : "Je suis une militaire, mais je suis aussi une citoyenne vénézuélienne. Sauf que si tu penses différemment, on te considère comme un traître à la patrie."
"Torturée, humiliée, affamée"
Un engagement citoyen qui lui vaudra de passer plus de 2 ans derrière les barreaux. "J'ai été torturée, humiliée, affamée. J'en suis venu à peser 43 kilos. On me donnait deux ou trois petits bouts de viandes par jour....on me servait souvent de la nourriture avariée," témoigne l'ex-militaire.
Je tombais malade, beaucoup de diarrhée, de vomissements. Dans la cellule, il n'y avait pas d'eau courante, on me laissait un seau d'eau pour me laver, nettoyer la cellule et laver mes vêtements
Laided Salazarfranceinfo
"Pour boire, j'avais un pot...et parfois pendant 48 heures, plus rien. Et l’eau était légèrement salée, comme de l'eau de mer. Je devais boire ça sinon je mourais de soif. J'étais placée à l'isolement", témoigne Laided Salazar, qui explique qu'elle n'a pas pu voir son fils pendant sept mois. "Et quand ils ont accordé une visite par mois à ma famille, c'était filmé", ajoute-t-elle.
Affaiblie physiquement et psychologiquement, elle bénéficie d'une mesure humanitaire : sa détention se poursuit à domicile pendant deux ans, sous étroite surveillance. Mais le manque de personnel au sein de l'armée, raconte Laided Salazar, lui permet de fuir un jour où ses gardiens sont absents.
"Nous allons sortir de ce cauchemar"
"Ils ont volé l'espoir, la joie. Les jeunes, les vieux se meurent dans les hôpitaux sans médicaments, sans nourriture. Les forces armées sont en putréfaction : trafic de drogue, corruption... Elles sont aux ordres d'un seul homme : Nicolas Maduro et tous les délinquants derrière lui," se désole Laided Salazar.
"J'ai de l'espoir car il y a encore des gens pour lutter pour la liberté du Venezuela", dit-elle, fredonnant la chanson Llevo tu luz y tu aroma en mi piel (que l'on peut traduire par "Je porte ta lumière et ton parfum sur ma peau"), une chanson vénézuélienne que chantent parfois les migrants. "Cette chanson c'est l'espoir, la force et la foi. Nous allons sortir de ça, de ce cauchemar", conclut Laided Salazar, nostalgique. Elle a le Venezuela au cœur, et l'exil ne fait que renforcer son amour de la patrie, son sentiment de trahison et sa colère envers ceux qui dirigent son pays aujourd'hui.
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