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Venezuela : six questions sur l'attentat au drone dont le président Nicolas Maduro affirme avoir été victime

Le président vénézuélien Nicolas Maduro a accusé le chef d'Etat colombien en fin de mandat, Juan Manuel Santos, d'avoir voulu l'assassiner, samedi, à Caracas.

Article rédigé par franceinfo
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Le président vénézuelien Nicolas Maduro assiste à une cérémonie pour célébrer les 81 ans de la garde nationale à Caracas (Vénézuela) le 4 août 2018. (STRINGER / ANADOLU AGENCY/AFP)

Dans un pays ravagé par une inflation galopante et marqué par une pénurie généralisée, le président du Venezuela, Nicolas Maduro, a échappé, samedi 5 août, à un attentat commis avec un drone chargé d'explosif, selon le gouvernement vénézuelien.

Le chef d'Etat accuse la Colombie d'avoir voulu l'assassiner, tandis que Bogota rejette une accusation "absurde". Mais le caractère inédit de cette attaque et l'absence de journalistes indépendants sur place soulèvent plusieurs questions.

Que s'est-il passé ?

Le son est brutalement coupé, samedi, alors que le chef d'Etat prononce un discours en plein air à Caracas, pour les 81 ans de la Garde nationale vénézuélienneEn pleine allocution, après une détonation, Nicolas Maduro, son épouse Cilia Flores et les hauts gradés qui les entourent sur une estrade regardent vers le ciel, l'air surpris et inquiet. "Abrite-toi, abrite-toi!", lance alors un membre de l'escorte présidentielle à Nicolas Maduro, qui répond : "Allons à droite !".

Sur les images télévisées, on peut ensuite voir plusieurs centaines de militaires rompre les rangs et courir sur l'avenue Bolivar, où se déroule la cérémonie, dans une certaine confusion.

Des militaires rompent les rangs lors d'une cérémonie militaire le 4 août à Caracas (Vénézuela) (HO / VENEZUELAN TELEVISION (VTV) / AFP)

La télévision d'Etat a ensuite coupé la retransmission. Des gardes du corps ont protégé le président Nicolas Maduro avec des panneaux pare-balles, comme le montrent des photos diffusées sur les réseaux sociaux.

"Il s'agit d'un attentat contre la personne du président Nicolas Maduro", a affirmé le ministre de la Communication, Jorge Rodriguez. Il a déclaré que le président "en est sorti complètement indemne et se trouve en ce moment en train d'effectuer son travail habituel", mais que sept soldats de la Garde nationale bolivarienne ont été blessés et hospitalisés.

Toujours selon le ministre, "une charge explosive (...) a détoné à proximité de l'estrade présidentielle" et d'autres charges ont explosé en plusieurs endroits de la parade militaire. Des images montrent une façade d'immeuble noircie, près de l'endroit où le président vénézuélien avait pris la parole. "Ce drone m'était destiné mais j'ai été protégé par un bouclier d'amour (...). Je suis sûr que je vivrai encore de nombreuses années", a déclaré un peu plus tard Nicolas Maduro.

Des agents des forces de sécurité inspectent un bâtiment après une explosion près de l'endroit où Nicolas Maduro prononçait un discours, samedi 4 août 2018 à Caracas. (JUAN BARRETO / AFP)

Que sait-on des auteurs présumés de cet attentat ?

L'attaque manquée ferait partie de l'"Opération phénix", selon le communiqué lu samedi soir par Patricia Poleo, une journaliste proche de l'opposition et basée aux Etats-Unis, sur sa chaîne YouTube. Cette farouche adversaire du gouvernement socialiste vénézuélien s'est limitée à lire ce texte qu'elle affirme avoir reçu d'un mystérieux groupe rebelle.

"Il est contraire à l'honneur militaire de maintenir au gouvernement ceux qui ont oublié la Constitution et ont fait de la fonction publique une manière obscène de s'enrichir", dénonce le texte signé par le Mouvement national des soldats en chemise

"Nous ne pouvons pas tolérer que la population soit affamée, que les malades n'aient pas de médicaments, que la monnaie n'ait plus de valeur, que le système éducatif n'enseigne plus rien et ne fasse qu'endoctriner avec le communisme, poursuit-il. Peuple du Venezuela, pour que cette lutte émancipatrice soit une réussite, il est nécessaire que nous descendions tous dans la rue, sans retour."

Quelle a été la réaction de Nicolas Maduro ?

Maduro a accusé samedi soir le président colombien Juan Manuel Santos d'être à la manœuvre : "Le nom de Juan Manuel Santos est derrière cet attentat", a-t-il martelé dans une allocution diffusée à la radio et à la télévision.

Il a ensuite pointé les Etats-Unis : "Les premières investigations nous indiquent que plusieurs des financiers [de l'attentat] vivent aux Etats-Unis, dans l'Etat de Floride", avant d'ajouter : "J'espère que le président Donald Trump est disposé à combattre les groupes terroristes".

Que répondent la Colombie et les Etats-Unis ?

"Il est absurde et infondé de dire que le président colombien serait responsable de l'attentat supposé contre le président vénézuélien", a répondu par communiqué le ministère des Affaires étrangères. Une source à la présidence colombienne a, elle aussi, jugé l'accusation "sans fondement" : '"Le président se consacre au baptême de sa petite-fille Celeste et non à renverser des gouvernements étrangers". Dans une interview récente à l'AFP, le président Juan Manuel Santos a toutefois  jugé "proche" la chute du "régime" chaviste avec l'hyperinflation que connaît le Venezuela, estimée par le Fonds monétaire international (FMI) à 1 000 000% pour cette année.

Les Etats-Unis démentent pareillement toute implication dans une tentative d'attentat. "Je peux dire catégoriquement qu'il n'y a eu absolument aucune participation du gouvernement américain là-dedans", a affirmé dimanche le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton.

"Si le gouvernement vénézuélien dispose de solides informations qu'ils veulent nous soumettre et qui montreraient une possible atteinte au droit pénal américain, nous les observerons sérieusement mais en attendant, nous devrions vraiment nous concentrer sur la corruption et l'oppression du régime au Venezuela", a-t-il assuré. L'incident de samedi, a-t-il ajouté, pourrait avoir été provoqué par "beaucoup de choses, comme un prétexte monté par le régime lui-même ou quelque chose d'autre".

Pourquoi cet attentat est sujet à caution ?

Pour le journaliste indépendant François-Xavier Freland interrogé par franceinfo dimanche, Nicolas Maduro "n’a pas comme seul ennemi le président colombien" qui laissera mardi 7 août "la place à un plus rude que lui qui vient d’être élu, Ivan Duque. Il aurait contre lui 85 % de sa population, selon des sondages sortis récemment qui sont évidemment à prendre avec des pincettes puisque qu’ils sont réalisés en général par les rares médias d’opposition qui subsistent dans le pays".

De plus, François-Xavier Freland rappelle qu'au Venezuela, "les journaux et les chaînes de télévision ont été repris en main par le pouvoir". Selon lui, "on n’a pas d’images car le direct a été coupé et il n’y a pas d’observateur sur place qui puisse vraiment vérifier s’il y a eu réellement une tentative d’attentat contre Maduro. On ne le saura d’ailleurs sans doute jamais."

Dans quel contexte intervient cette attaque ? 

Avec une inflation galopante, "entre 4 et 5 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays. Majoritairement les pauvres, autrefois électeurs chavistes, qui aujourd’hui fuient la malnutrition et les maladies qui ont ressurgi par endroits comme la tuberculose, rappelle François-Xavier Freland. Ils sont très nombreux à partir vers les pays libéraux de la région comme la Colombie et le Pérou, qui ont du mal à gérer ces arrivées massives de migrants".

Aliments, médicaments ou biens de consommation courante : la pénurie est généralisée dans ce pays où les services publics, des soins à l'électricité, en passant par l'eau ou les transports, se sont fortement dégradés.

L'incident intervient en outre le jour du premier anniversaire de la très contestée Assemblée constituante vénézuélienne qui a permis au gouvernement d'asseoir son pouvoir et de neutraliser l'opposition.

Profitant des divisions du camp anti-Maduro, cette instance, uniquement composée de partisans du chef de l'Etat et qui dispose de prérogatives élargies, s'est attribué la plupart des compétences du Parlement, seule institution du pays contrôlée par l'opposition.

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