Moralisation de la vie politique : la méthode Jospin
Non-cumul des mandats, proportionnelle aux législatives... Les propositions de la commission sur la rénovation de la vie publique, présidée par l'ex Premier ministre, ont été dévoilées. Mais comment se sont déroulés les débats ?
POLITIQUE - Sorti de sa retraite politique le 14 juillet par François Hollande pour présider la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Lionel Jospin, raide et rigoureux, avait indéniablement le profil. Non-cumul des mandats, proportionnelle aux législatives, statut pénal du chef de l'Etat, parrainages pour la présidentielle : le contenu du rapport, remis officiellement vendredi 9 novembre à l'Elysée, a été dévoilé jeudi 8 novembre.
Francetv info revient sur le rôle joué par l'ancien Premier ministre dans les débats.
Sur la forme, une certitude : les quatorze personnalités de la commission n'ont pas eu le temps de blaguer. Avec parfois trois réunions par semaine, le rythme était intensif et les débats souvent interminables. Pas de consultations ni d'auditions de parlementaires ou de spécialistes, au grand dam de nombreux membres. La commission avait trois mois pour réfléchir, alors pas le temps de papillonner.
Ne pas embarrasser François Hollande
Sur le fond non plus d'ailleurs. "Lionel Jospin, qui est quelqu'un de très rigoureux, très travailleur, était très attaché à la lettre de mission", témoigne un membre de la commission interviewé par francetv info. "Le seul regret, à titre personnel, c'est que nous nous soyons contentés de la lettre de mission", confirme un autre. Quitte à entraver le travail du groupe pour ne pas déranger l'Elysée ?
C'est ce que raconte Roselyne Bachelot, elle aussi présente autour de la table, dans Libération. Lionel Jospin n'a pas hésité à recadrer les discussions, "toujours avec l’objectif que notre travail n’embarrasse pas Hollande", assène-t-elle dans le quotidien, qui cite aussi un membre anonyme : "Il nous a souvent remis dans le droit chemin à la manière d’un chien de berger."
Faux, archi-faux, pestent quatre universitaires membres de la commission, joints par francetv info. "On a eu une totale liberté de parole", dit l'un. "Je suis tellement énervé par ce que j'ai lu que j'accepte de parler", s'agace un autre, qui "dément formellement" le récit de leur travail fait par Libération.
L'épineux dossier du non-cumul des mandats
Oui, les débats ont été "houleux", "animés", "très vifs", reconnaissent-ils. Mais "on ne s'écharpe que parce qu'on a la liberté de parler", souligne l'un d'entre eux, qui martèle : "Tout le monde pouvait s'exprimer." "Lionel Jospin a été très respectueux de la parole de chacun et s'il y a eu recentrage des débats, ce n'est pas sur commande de l'Elysée", affirme une autre personnalité.
"Je ne suis pas au courant de ce qui a pu se tramer derrière, mais je n'ai certainement pas eu le sentiment de recevoir d'instructions", corrobore un participant, qui, tout de même, "imagine bien qu'il y a eu des contacts directs entre la présidence de la commission et l'Elysée".
Au moins sur l'ultrasensible question du non-cumul des mandats.Comme l'a révélé Le Nouvel Observateur, Lionel Jospin a demandé aux membres de la commission de revoir leur position. A l'origine, ils avaient opté pour le strict mandat unique, l'une des positions les plus extrêmes sur cette réforme qui divise le PS. "La semaine suivante, Lionel Jospin nous a expressement demandé de revoir la position de la commission", confirme un de ses membres à francetv info. "Ses 'contacts au plus haut niveau' n'ont pas apprécié la grenade dégoupillée", croit savoir Le Nouvel Obs.
"Je ne me suis pas senti bridé"
"On est revenus plusieurs fois sur ce qu'on avait dit ; certains étaient très soucieux de l'accueil réservé à notre rapport par les élus", confirme, plus prudent, un universitaire à francetv info. "Sur le mandat unique, oui, il y a eu des considérations politiques qui ont joué", explique un autre.
Mais quoiqu'il arrive, il ne "s'est pas senti bridé, en tous cas pas par Lionel Jospin". Et d'ajouter : "Il n'ouvrait jamais les débats avec son point de vue, par exemple. Il ne l'exposait qu'une fois divers arguments présentés." "J'ai même parfois eu le sentiment d'aller plus loin que les positions de Jospin ou que ce qu'on attendait de la commission", jure un autre. "Sur un sujet en particulier, je revois Jospin sourire d'un air entendu alors qu'on rédigeait une proposition, en sachant que ça allait provoquer des remous", promet à francetv info un dernier, qui ne veut rien préciser tant que François Hollande n'a pas officiellement le document en main.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.