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François Fillon a-t-il les moyens de ses ambitions ?

Le député de Paris a laissé entendre qu'il participerait au premier tour de la présidentielle si l'UMP n'organisait pas de primaires en 2016. Mais comment ? 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
François Fillon, le 2 juillet 2013, durant un meeting à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).  (WITT/SIPA)

C’est une phrase glissée en petit comité. Après sa charge contre Nicolas Sarkozy, jeudi 11 juillet à La Grande-Motte (Hérault), François Fillon a déclaré en coulisses : "S'il n'y a pas de primaire, le premier tour sera la primaire." Sous-entendre, même si Nicolas Sarkozy revient, même sans le soutien de l’UMP, je serai candidat à la présidentielle de 2017. Mais l’ancien Premier ministre a-t-il les moyens de ses ambitions ? Eléments de réponse.

Les moyens politiques

Idéologiquement, François Fillon a pris les devants, pour se démarquer. Dans un premier temps, en dénonçant la droite sécuritaire lors de la bataille acharnée qui l'a opposé à Jean-François Copé pour la présidence du parti. Puis, ces dernières semaines, en revendiquant un droit d’inventaire sur le quinquennat Sarkozy, dont il était pourtant Premier ministre. "Il a développé sa propre vision politique et programmatique bien en amont", abonde Thomas Guénolé, politologue et auteur de l'ouvrage Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ? (éd. First), interrogé par francetv info.

"Fillon, c’est la droite gaulliste, formée à l’école Séguin, c’est une droite qui existe beaucoup plus que ce qu’on imagine, avec une doctrine politique, économique et sociale très complète", précise l'enseignant à Sciences Po. Et de noter que le discours de Nicolas Sarkozy, lundi 8 juillet devant l’assemblée extraordinaire du parti, était gaulliste. "Probablement pour couper l’herbe sous le pied de Fillon."

A ces facteurs s’ajoute le rejet de l’ancien président par une petite frange des militants du parti, comme ceux rencontrés par Europe 1 au meeting de Fillon. "Sarkozy est passé, il n'a pas plu, on n'a pas envie que ça recommence, on ne peut pas se le permettre", explique une militante à la radio. Cependant, ces frondeurs seraient minotaires : selon un sondage Ifop, 87% des sympathisants de l'UMP interrogés souhaitent la candidature de l'ancien président, et 46% celle de l'ancien Premier ministre.

Les moyens organisationnels

"Un candidat qui se lance en solitaire, sans parti bien implanté, fait régulièrement un score piteux", assène Thomas Guénolé, qui nuance : "A moins de réussir à emmener avec lui une partie de l’appareil politique, ce qu'essaye de faire François Fillon."

"Ils étaient environ 60% des élus de l'UMP à le soutenir dans la guerre interne en novembre", évalue Bastien Millot, professeur de communication politique à Sciences Po. "Aujourd'hui, combien sont-ils ? C'est très difficile à définir, mais il a un socle d'élus locaux et de parlementaires sur lequel s'appuyer", assure le politologue.

Une base que l’ancien Premier ministre est en train de structurer. D’une part, en entamant son implantation sur le territoire, via des relais locaux. Mercredi 10 juillet, il a ainsi nommé 83 personnes chargées de développer son micro-parti, Force républicaine, dans 53 départements. Un blog spécialisé du Monde en a publié la liste exhaustive. D'autre part, pour chapeauter l'ensemble, il a récruté Patrick Stefanini, proche d'Alain Juppé, ex-préfet de 60 ans, et surtout, ancien directeur des campagnes de Jacques Chirac en 1995 et 2002. 

"Il y a une prime à celui qui tient les rênes du parti mais, en 1995, Edouard Balladur a réussi à obtenir un score très serré quand il a tenté l'aventure [contre Jacques Chirac, alors patron du RPR]", rappelle Bastien Millot. 

Les moyens financiers 

C'est le dossier le plus épineux pour François Fillon. "Il n'a pas de fortune personnelle, donc sa campagne s'appuiera uniquement sur des dons", décrypte le politologue.

Invité de France 2 le 8 avril, le député de Paris a dévoilé son patrimoine : "Je suis propriétaire d'une maison dans la Sarthe, achetée il y a vingt ans, 440 000 euros. J'ai moins de 100 000 euros d'épargne, et j'ai deux voitures qui ont plus de dix ans. Ma maison, je l'ai achetée 440 000 euros, en empruntant. Aujourd'hui, je pense qu'elle vaut à peu près 650 000 euros." 

"Pour un premier tour sérieux, il faut au moins 10 millions d'euros", rappelle Thomas Guénolé. Or "l'UMP est déjà mobilisée pour son sauvetage financier, ce qui est autrement plus urgent", rappelle le chercheur, qui assène : "Il faut mettre la main sur le parti pour mettre la main sur sa caisse." Pour lui, "s'il veut s'assurer la tenue de primaires, François Fillon devrait plutôt briguer la présidence du parti fin 2015."

D'autant plus qu'un autre risque menace le Premier minstre : celui de qualifier le Front national pour le second tour en multipliant les candidatures à droite au premier. Un risque que ne prendront pas nombre de ses soutiens, dont le sénateur de la Meuse Gérard Longuet : "Donner la moindre chance [au FN] serait tout simplement insupportable", lâche à francetv info celui qui représente Force républicaine dans la Meuse, tout en se disant "d'aucune équipe, mais de l'UMP." 

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