Ecoutes, dédicace de Sarkozy… Comment les enquêteurs ont coincé les Balkany
"Libération" révèle, mardi, différents indices qui ont permis aux enquêteurs de pousser Isabelle Balkany à reconnaître des faits qu'elle niait en bloc concernant une villa située sur l'île de Saint-Martin, dans les Antilles françaises.
C'était le 22 mai 2014. Ce jour-là, devant les enquêteurs de la Direction centrale de la police judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine), Isabelle Balkany craque. Après plusieurs heures de garde à vue, la première adjointe au maire de Levallois-Perret reconnaît ce qu'elle niait en bloc jusque-là : depuis 1997, elle est bien la propriétaire d'une villa sur l'île de Saint-Martin, dans les Antilles françaises, acquise via une société offshore. Libération révèle, mardi 24 février, comment les enquêteurs ont réussi à obtenir ces aveux, alors que la mise en examen du couple Balkany pour "blanchiment de fraude fiscale" vise principalement l’acquisition - via des sociétés offshore - de deux villas. Et ces éléments sont, en effet, accablants.
Un propriétaire au Liechtenstein… avec le mail de Balkany
Un faisceau d'indices met à mal la défense d'Isabelle Balkany, qui assure n'être qu'une simple locataire de la villa de Saint-Martin. Les policiers sont en possession d'un contrat multirisque habitation au nom de Patrick Balkany ? "Je ne reconnais pas la signature de mon mari", rétorque-t-elle. Le propriétaire officiel de la demeure – immatriculée au Liechtenstein – a pour adresse e-mail patrick.balkany@wanadoo.fr ? "Je ne me l'explique pas", élude-t-elle. Le couple rémunère trois employés de maison ? "L'Ursaaf s'est trompée", répond-elle. Un livre dédicacé par Nicolas Sarkozy "à Isabelle et Patrick" est retrouvé dans la bibliothèque de la villa ? "On l'a oublié lors de nos vacances", jure-t-elle.
Selon Libération, c'est finalement une note de Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère des Finances, qui pousse Isabelle Balkany dans ses derniers retranchements. Celle-ci atteste qu'elle est bien l'ayant-droit de la société offshore qui détient la fameuse "villa Pamplemousse". Après plusieurs heures de garde à vue et une nuit en geôle, l'élue des Hauts-de-Seine passe aux aveux.
Les soupçons d'une fiduciaire suisse
Elle reconnaît tout, ou presque. Si elle concède avoir acheté la villa de Saint-Martin après un important héritage familial, Isabelle Balkany continue de nier être la propriétaire d'une autre villa à Marrakech (Maroc), elle aussi détenue par une société offshore. Selon Tracfin, son ayant-droit est, cette fois, Jean-Pierre Aubry, le bras droit des Balkany à Levallois-Perret depuis des années. Mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale, Jean-Pierre Aubry a toujours nié être le propriétaire de la demeure.
Les policiers ont toutefois recueilli le témoignage d'une salariée d'une société suisse, Gestrust, spécialisée dans la gestion de patrimoine. Celle-ci a alerté la justice helvétique, après avoir reçu à Genève Jean-Pierre Aubry, le soupçonnant de "ne pas être le réel propriétaire" de la société offshore qui détenait la villa de Marrakech
"Viens au moins une semaine à Marrakech..."
Dans le même temps, l'écoute d'une discussion téléphonique, au printemps de 2013, entre Isabelle Balkany et une amie, a également conforté les soupçons des enquêteurs. "Viens au moins une semaine à Marrakech. (...) Tu as la chambre en bas. J'ai invité ma belle-sœur, je vais donc lui demander quelle semaine elle prend, et je te donnerai l'autre", propose Isabelle Balkany. "OK chérie, mais ça commence à devenir un peu honteux quand même, de venir systématiquement", répond, gênée, son amie. "Honteux de quoi ? Arrête…", reprend Balkany. "De venir chez toi", insiste l'interlocutrice.
Au terme de son enquête, Tracfin a conclu que l'accumulation "d'achats de mobilier, de décoration et de dépenses alimentaires pourrait laisser supposer que M. et Mme Balkany disposent de la jouissance véritable et effective de la villa" de Marrakech. Des indices, nombreux et concordants, qui, pour le moment, n'ont toutefois pas poussé Patrick et Isabelle Balkany, tous deux mis en examen, à passer aux aveux.
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