Affaire Cahuzac. Un an après, sa ville prépare difficilement les municipales
A l'approche des élections municipales, alors que Jérôme Cahuzac n'est plus présent à Villeneuve-sur-Lot, le paysage politique de la ville se recompose difficilement. Le FN va-t-il confirmer son score des législatives partielles du mois de juin ?
Un an après les révélations de fraude fiscale qui ont fait tomber Jérôme Cahuzac, le fantôme de l'ex-ministre socialiste du Budget plane sur Villeneuve-sur-Lot, municipalité qui semble avoir sombré dans la déprime et penche vers le Front national.
"Il est passé il y a deux semaines", raconte une de ses amies de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). "Je l'ai vu il y a un mois et demi sur le marché", assure le candidat UMP aux municipales, Renaud Leygue. "Il me téléphone tous les quinze jours environ", témoigne le directeur de cabinet à la mairie, Yannick Lemarchand.
Un an après les révélations de Mediapart sur l'existence d'un compte bancaire en Suisse appartenant à Jérôme Cahuzac, qui ont entraîné le ministre et le gouvernement dans cinq mois de tourbillon médiatique jusqu'à ses aveux du 2 avril, l'ancien député-maire n'a pas renoncé à ses liens avec cette bastide en bordure du Lot.
Jérôme Cahuzac, 61 ans, maire de 2001 à 2012, a un temps envisagé de briguer un nouveau mandat aux municipales de 2014, mais "il est totalement exclu qu'il se présente", explique un proche: "Cela serait médiatiquement l'horreur et compliquerait sa défense" judiciaire.
Son bureau de conseiller municipal à la mairie est vide et il a mis en vente sa maison de Pujols, localité cossue proche de Villeneuve, indique-t-on de sources locales. Jérôme Cahuzac est davantage "centré sur sa vie privée" et a trouvé en plus un emploi "dans le conseil", explique-t-on de mêmes sources.
Contacté par l'AFP, Jérôme Cahuzac n'a pas souhaité s'exprimer. "Ma vie est désormais privée et je souhaite qu'elle soit respectée", a-t-il dit à La Dépêche du Midi.
Dans la petite ville de 25.000 habitants, les réalisations que l'on attribue à l'ancien chirurgien restent: une Maison de la vie associative, un complexe sportif, un grand hôpital qui doit être inauguré dans les mois qui viennent.
"Il a encore une certaine aura", témoigne Renaud Leygue: "Il a laissé une bonne image". "Même quand il était ministre, tous les samedis matins, il était au marché". "Mais, s'il se présentait, les Villeneuvois ne voteraient pas pour lui. C'est comme un ami qui vous a trahi. Cette relation affective s'est retournée contre lui", ajoute-t-il.
Les associations, qui profitaient de sa réserve de fonds parlementaire, ne peuvent que regretter sa chute, notamment les "Léopards" du club local de rugby à 13 ou encore la Maison des femmes. Le manque à gagner est de deux millions d'euros, dont 900.000 allaient directement dans les caisses de la municipalité, admet le maire sortant PS, Patrick Cassany, qui lui a succédé.
Alors Villeneuve-sur-Lot, si fière en 2012 d'avoir un brillant ministre au gouvernement, semble redécouvrir ses problèmes endémiques: son enclavement, faute de gare et d'autoroute, la désindustrialisation responsable d'un taux de chômage record de 17,7%. La bastide, qui fêtera en 2014 ses 750 ans, a perdu plus de 10% de ses emplois entre 2008 et 2012, seule détentrice de ce triste record au sud de la Loire.
Ici, la population, dont un tiers a plus de 60 ans, vit mal la dégradation du centre historique, où sont installés les plus pauvres, les immigrés, les familles monoparentales, et où se produisent la plupart des incivilités. "C'est une ville de vieux ici", se lamente Agnès Lothe, 58 ans, ex-cadre dans le secteur paramédical. "Nous vivons un déclin terrible depuis quelques années", se plaint aussi Philippe Eloy, pompier de 57 ans: "Il y a quelques années, dans cette rue, on vendait 80 calendriers, maintenant à peine 15".
Une problématique chère au Front national, dont le jeune candidat, Etienne Bousquet-Cassagne, 24 ans, est arrivé second avec 46,24% des voix lors de la législative partielle organisée en juin et remportée par l'UMP. "Les gens ont essayé la droite et la gauche. Là, ils ont envie d'essayer autre chose, ils sont prêts", assure-t-il en précisant qu'il a déjà commencé à tracter. Le maire sortant, Patrick Cassany, ne ferme pas les yeux: "Quand les gens dans la rue me parlent d'opposition, ils me parlent du FN".
D'autant que la droite se présente en ordre dispersé, avec une liste UMP, une liste de centre-droit soutenue par l'UDI, "Villeneuve Passion". A gauche aussi le maire devra faire face à une dissidence avec la candidature de Jean-Paul Caubet, ancien élu de la majorité et sans doute une liste d'extrême gauche.
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