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Ecoutes de Sarkozy et Herzog : le syndicat majoritaire des magistrats interpelle Hollande

Le bâtonnier de Paris a dénoncé une atteinte au secret professionnel et aux libertés publiques, lundi. La ministre de la Justice a rétorqué que les avocats ne devaient bénéficier d'aucune impunité.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle à Rungis (Val-de-Marne), le 21 février 2012. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Les écoutes téléphoniques de Nicolas Sarkozy et de son avocat, Thierry Herzog, passent mal auprès de la profession. Depuis que Le Monde a révélé l'affaire, vendredi 7 mars, la corporation exprime sa désapprobation des méthodes des juges.

Ces derniers ont ouvert une information judiciaire contre X visant l'ancien président pour violation du secret de l'instruction et trafic d'influence, après sa mise sur écoute dans l'enquête sur d'éventuels financements par la Libye de sa campagne présidentielle de 2007.

Acte 1 : des avocats défendent le secret professionnel

Dès samedi, des centaines d'avocats ont signé un texte pour dénoncer des "atteintes graves et répétées" au secret professionnel après les révélations du Monde. Ils pointent la saisie du téléphone portable de Thierry Herzog lors d'une perquisition à son bureau, la semaine dernière.

Cela "menace l'essence même de notre profession d'avocat et son indépendance", estiment les avocats signataires dans ce texte soutenant Thierry Herzog, dont l'AFP a pris connaissance. 

"Que les cabinets d'avocats soient aujourd'hui devenus un lieu privilégié dans lequel les juges songent à rechercher les éventuelles preuves des instructions qui leur sont confiées suscite l'inquiétude", peut-on encore lire dans le texte. "Nous alertons les pouvoirs publics sur le danger pour la démocratie de telles dérives et sur l'impérieuse nécessité de protéger le secret professionnel, pilier de la profession d'avocat et sans lequel aucune défense ne peut s'exercer", interpellent encore les signataires.

Acte 2 : le bâtonnier de Paris va "saisir" François Hollande

Le bâtonnier de Paris leur a emboîté le pas, lundi 10 mars. Sur Europe 1, Pierre-Olivier Sur a indiqué qu'il allait saisir François Hollande sur cette affaire "afin qu'il puisse arbitrer dans cette affaire et prendre les mesures qui conviennent qui sont à son niveau". "Il s'agit de son niveau, justifie l'avocat. On est au-dessus des juges d’instruction, on est au-dessus du parquet."

Pour lui, "il s'agit de la défense de nos libertés publiques, et les libertés publiques, c'est le secret professionnel chez l'avocat, le secret professionnel chez le médecin, le secret professionnel chez le curé". Les juges "sont sortis de leur saisine, et c'est cela qui nous révolte", juge Pierre-Olivier Sur. "A partir du dossier [libyen], ils sont allés sentir comme des chiens de chasse, à droite, à gauche, jusqu'à tomber des mois plus tard sur autre chose." 

Acte 3 : le Conseil des barreaux pointe un "détournement de procédure"

Le Conseil national des barreaux (CNB), instance de représentation de la profession d'avocat, a lui aussi réagi, lundi. Selon son président, Jean-Marie Burguburu, les juges ayant diligenté les écoutes de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog se sont rendus coupables d'un "détournement de procédure". Pour lui, il n'y avait pas, au départ, d'indices graves et concordants justifiant le placement sur écoutes de l'avocat.

"Aucune écoute d'un avocat ne peut être ordonnée ni réalisée à titre préventif pour rechercher les indices éventuels d'un éventuel fondement à des poursuites pénales", s'indigne le CNB dans un communiqué. "Ces règles ont visiblement été contournées", considère le Conseil, qui dénonce les méthodes des juges, qui ont attendu "assez longtemps pour ramener quelque chose".

Jean-Marie Burguburu affirme donc "la solidarité des 60 000 avocats de France avec Me Thierry Herzog" et appelle "les pouvoirs publics à clarifier d'urgence cette inquiétante atteinte au bon fonctionnement de notre démocratie". Le président du CNB dénonce enfin "une certaine dérive" au sein de la magistrature.

Acte 4 : Christiane Taubira leur répond

La réponse de la ministre de la Justice n'a pas tardé. "Il y a des procédures, elles valent pour les puissants, pour les humbles, pour le citoyen ordinaire", a répondu Christiane Taubira à la corporation indignée, sur France Info.

La garde des Sceaux a indiqué son refus de voir la profession d'avocat bénéficier d'une quelconque impunité, tout en indiquant que "s'il y a eu non-respect du droit, il y a des recours possibles sur les procédures et le fond de l'affaire".

Acte 5 : l'Union syndicale des magistrats interpelle le chef de l'Etat

Christophe Régnard, président de ce syndicat (majoritaire chez les magistrats), demande lundi au président de la République de rappeler le principe de séparation des pouvoirs.

Il répond ainsi à l'appel du bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, qui a dit se placer sous la "haute protection" du président en tant que "garant des libertés publiques".

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