"C'est pour afficher des résultats" : une note interne sur les contrôles des rodéos urbains agace les policiers
La préfecture de police de Paris vient d'ordonner un renforcement des contrôles. Mais ces exigences, chiffrées, sont jugées incohérentes par une partie des agents sur le terrain.
C'est une note d'instruction, datée du 18 août dernier, qui agace une partie des policiers de la région parisienne. Elle traite d'un sujet devenu prioritaire pour le gouvernement et le ministère de l'Intérieur après plusieurs faits divers cet été : la lutte contre les rodéos urbains. Le 8 août, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé une intensification des contrôles contre les personnes effectuant des rodéos urbains après que deux enfants ont été grièvement blessés à Pontoise (Val-d'Oise), percutés par un motocross.
Dès le premier paragraphe de cette note que franceinfo a pu consulter, la direction de la préfecture exige "des contrôles renforcés dans les lieux connus comme étant des lieux de rodéos pour contribuer aux objectifs fixés par les autorités gouvernementales". La préfecture donne même des objectifs chiffrés à ses troupes, chaque département francilien devant réaliser un nombre de contrôles minimum chaque jour : 32 à Paris, 8 dans les Hauts-de-Seine ou 14 en Seine-Saint-Denis. La note est suivie d'une liste de lieux identifiés pour les rodéos urbains.
"C'est complètement idiot"
Mais c'est surtout à la rubrique "missions" que la note irrite. Il est demandé de multiplier les contrôles, d'une durée d'une heure, "très visibles", pour "dissuader" et relever toutes les infractions "sans distinction". Une méthode improductive, selon un policier mobilisé sur ces contrôles et spécialisé dans les infractions routières. "Le problème, c'est qu'en faisant ces contrôles, on est vite repérés et signalés par les auteurs de rodéos. Donc très vite, on n'a plus rien. C'est complètement idiot", explique cet agent à franceinfo. Les contrôles deviendraient ainsi, selon lui, de banals contrôles routiers, où l'on vérifie les cartes grises, les assurances, les permis de conduire...
Autre motif de mécontentement : les policiers doivent faire des comptes-rendus à chaque contrôle et les transmettre immédiatement à leur hiérarchie. Une méthode contraire à l'usage, les policiers ne faisant traditionnellement leurs rapports qu'à la fin de leur service. "On sent bien que c'est hyper politique. C'est décidé du jour au lendemain, pour afficher des résultats", poursuit ce policier.
Ces opérations chronophages, qui réclament beaucoup d'effectifs, surprennent aussi du côté des syndicats. "Tout au long de l'année, l'administration nous demande de ne pas chasser les rodéos. Maintenant, c'est une opération toutes les 20 minutes", glisse une source syndicale. "On verbalise tout le monde et n'importe qui si la moto se trouve dans des quartiers connus pour être des lieux de rodéos", poursuit ce policier syndicaliste. Est-ce une volonté de "gonfler les chiffres", comme il le redoute ? Sollicitée, la préfecture n'a pas répondu sur ce point précis. Elle assure que "l'efficacité de ces dispositifs se confirme dans les résultats, qui sont très élevés. Maintenir un contrôle plusieurs heures au même endroit perd de son efficacité".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.