Villiers-le-Bel : quelles sont les zones d'ombre qui entourent la mort d'un jeune homme à moto en marge d'un contrôle policier ?
Une information judiciaire pour "homicide involontaire" a été ouverte après la mort d'Ibrahima, dimanche 6 octobre, à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise). L'enquête doit lever le flou sur les circonstances entourant sa chute à moto.
La famille d'Ibrahima réclame "la vérité". Le jeune homme de 22 ans est mort au guidon de sa moto, dimanche 6 octobre, à Villiers-le-Bel, dans le Val-d'Oise, après avoir percuté un poteau en marge d'un contrôle policier. Les circonstances de l'accident restent imprécises et deux versions des faits, l'une officielle et l'autre défendue par la famille, s'opposent. Le parquet de Pontoise a annoncé jeudi 10 octobre l'ouverture d'une information judiciaire contre X pour "homicide involontaire". Elle devra faire la lumière sur cet accident, car de nombreuses zones d'ombre subsistent.
Que s'est-il passé au moment de l'accident ?
Les faits se sont produits dimanche 6 octobre, peu avant 17 heures, dans le quartier de la Cerisaie, à Villiers-le-Bel. Alors qu'ils réalisent un contrôle routier, les policiers voient arriver un jeune homme en moto cross à "vitesse élevée", indique un communiqué de la préfecture, publié quelques heures après l'accident. L'un des policiers esquisse "le geste de ralentir, en enjoignant verbalement au pilote de freiner pour éviter qu'il vienne percuter les policiers ou l'un des véhicules de police", détaille le préfet. Le communiqué ajoute qu'Ibrahima monte sur le trottoir, accélère et perd le contrôle de son engin. Il termine sa course dans un poteau métallique. Malgré le massage cardiaque pratiqué par les policiers puis les secours, le jeune homme, originaire de Sarcelles, meurt à son arrivée à l'hôpital, vers 18h30.
Une version officielle contestée par la famille d'Ibrahima, qui s'appuie sur les témoignages d'habitants ayant vu la scène. Interrogées par Le Parisien, deux personnes se présentant comme témoins assurent qu'à l'arrivée de la moto, un camion des forces de l'ordre lui a bloqué la route. Ibrahima aurait alors tenté de l'éviter en montant sur le trottoir mais "la moto a volé sur la route, et lui, dans le poteau", raconte l'un des témoins au quotidien francilien. D'après la déposition d'un automobiliste, qui se trouvait derrière la moto, celle-ci a percuté "un fourgon de police", rapporte L'Obs (article payant). Ce conducteur affirme avoir vu "le motard voler de sa moto" et être "projeté en direction du poteau".
La moto était-elle volée, comme l'affirme la préfecture ?
Dans son communiqué, la préfecture du Val-d'Oise assure que la moto cross d'Ibrahima, une Yamaha Y2 125, était "non homologuée". D'après les premiers éléments de l'enquête, elle avait également été "signalée volée", selon la préfecture.
La famille d'Ibrahima assure quant à elle que le jeune homme n'a pas volé le deux-roues. '"C’est faux ! Il était propriétaire de cette moto depuis des mois. C’est indigne de criminaliser la victime comme ça", s'est insurgé le grand frère de la victime, auprès du Monde (article payant), lors d'un hommage à Ibrahima qui a réuni un millier de personnes à Villiers-le-Bel, lundi 7 octobre. Selon L'Obs, Ibrahima était bien le propriétaire de la moto. L'hebdomadaire révèle même le certificat de cession du deux-roues.
Si la moto appartenait bien au jeune homme, elle avait toutefois pu être signalée volée "en amont de la transaction" effectuée par Ibrahima, explique Le Parisien. Le parquet de Pontoise a maintenu jeudi l'information selon laquelle la moto était inscrite au fichier des véhicules volés.
Le parquet a-t-il tardé à ouvrir une information judiciaire ?
L'ouverture d'une information judiciaire contre X pour "homicide involontaire" par le parquet de Pontoise, annoncée jeudi, doit permettre "aux proches de la victime qui se constitueront partie civile d'avoir accès aux pièces de la procédure", a réagi le procureur de Pontoise, Eric Corbeaux. La famille d'Ibrahima avait, elle, déposé plainte contre X pour "homicide volontaire" dès le lundi 7 octobre, soit le lendemain des faits. Elle pourra notamment consulter les vidéos des caméras de surveillance qui ont filmé la scène. "Cela va permettre d'apaiser la situation et d'apporter de la transparence à cette affaire", s'est félicité Jean-Louis Marsac, le maire (DVG) de Villiers-le-Bel, dans Le Parisien.
Mais l'ouverture d'une information judiciaire est jugée tardive par les proches d'Ibrahima. "Un juge d'instruction aurait dû être saisi dès le début de l'affaire", a regretté l'avocat de la famille, Yassine Bouzrou, sur franceinfo. "Aujourd'hui, nous ne sommes pas satisfaits. Nous déplorons que le procureur de Pontoise ait attendu aussi longtemps avant de saisir un juge indépendant. Nous avons perdu un temps précieux", a-t-il ajouté. L'avocat a demandé la saisine de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices.
Lors de l'hommage à Ibrahima, lundi, la famille a exigé la "vérité" sur cette affaire. Sur Twitter, des milliers d'internautes ont réagi avec le hashtag #JusticePourIbrahima. Le flou autour de cet accident ravive des souvenirs similaires. En 2007, deux adolescents de la ville, âgés de 15 et 16 ans, étaient morts dans la collision de leur moto avec une voiture de police. L'événement avait déclenché des émeutes urbaines et de violents affrontements avec les forces de l'ordre.
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