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Barack Obama veut trouver un terrain d'entente avec les républicains après leur victoire à la Chambre des représentants

Le président des Etats-Unis a téléphoné dès mardi soir au député John Boehner, qui devrait être le prochain de la Chambre des représentants, pour le féliciter du succès de son parti.Les républicains ont d'ores et déjà indiqué qu'ils sont prêts à coopérer avec Barack Obama s'il "change de cap".
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Barack Obama lors d'une rencontre avec le leader républicain à la Chambre des représentants, John Boehner (AFP - Mandel NGAN)

Le président des Etats-Unis a téléphoné dès mardi soir au député John Boehner, qui devrait être le prochain de la Chambre des représentants, pour le féliciter du succès de son parti.

Les républicains ont d'ores et déjà indiqué qu'ils sont prêts à coopérer avec Barack Obama s'il "change de cap".

Barack Obama et John Boehner se sont entretenus de l'emploi et de la réduction des dépenses publiques, selon un conseiller du parlementaire. "Notre nouvelle majorité préparera les choses différemment, adoptera une approche nouvelle qui n'a jamais été tentée auparavant à Washington par un parti, quel qu'il soit. Cela commence par réduire les dépenses plutôt que de les augmenter", a déclaré John Boehner.

Le locataire de la Maison blanche s'est également entretenu avec le sénateur républicain Mitch McConnell.

Cohabitation à l'américaine
Les Américains sont habitués à la cohabitation entre une Maison blanche et un Congrès de tendances opposées: dans leur temps, les présidents Harry Truman, Dwigt D. Eisenhower, Ronald Reagan et, plus récemment Bill Clinton, avaient ainsi dû composer avec un Congrès composé d'une majorité d'opposants.

Dès avant l'élection, Barack Obama avait fait savoir qu'il se préparait à une cohabitation avec ses adversaires républicains: il a ainsi confié qu'il avait lu les chroniques du journaliste Taylor Branch sur la présidence Clinton.

Le cas est donc loin d'être une première dans l'histoire des Etats-Unis. Le rôle et le fonctionnement de chacun (Maison blanche, Congrès) est bien défini par la Constitution et la pratique politique. Les institutions devraient donc continuer à tourner as usual. Les Américains ne s'engagent donc pas dans un scénario inconnu, comme en 1986 en France quand le président socialiste François Mitterrand avait dû prendre comme Premier ministre Jacques Chirac, leader de la droite.

D'ores et déjà, une chose semble sûre: Barack Obama sera limité dans son action. Car les républicains seront en mesure de contrôler le financement des politiques publiques. Et ainsi d'empêcher la Maison blanche de poursuivre ses grands chantiers. Le texte sur l'énergie et le climat, et celui sur l'immigration pourraient ainsi ne jamais voir le jour.

De la même façon, les républicains pourraient bloquer le financement de la réforme de la santé, à défaut d'abroger le texte (une abrogation nécessite l'accord des deux assemblées, Chambre des représentants et Sénat). Le probable futur président de la Chambre des représentants, John Boehner, a d'ores et déjà fait savoir que la Maison blanche n'obtiendra pas un sou pour ses programmes...

Quels compromis ?
Mais aux Etats-Unis, les frontières entre les deux camps sont parfois poreuses. Les choses ne sont pas forcément aussi figées qu'en France: des démocrates peuvent ainsi voter pour un texte républicain, et vice-versa...

Bill Clinton, le prédécesseur démocrate (1992-2000) de Barack Obama, évoque dans ses mémoires "sa" période de cohabitation comme "un mélange de guérilla et de compromis prudent".

En fait, le locataire de la Maison blanche était déjà passé, avant le scrutin, à ce qu'il appelle la "nouvelle phase" de son mandat. "Quel que soit le résultat de mardi, nous devrons nous rassembler pour aider ceux qui cherchent du travail à en retrouver", a-t-il récemment expliqué. En clair: l'état de l'économie doit l'emporter sur les calculs et les querelles politiques.

Dans le même temps, Barack Obama a nommé un nouveau directeur de cabinet, Peter Rouse, décrit comme "un homme effacé, susceptible de travailler" (Le Monde) avec le camp d'en face, et un bon spécialiste du Congrès. De plus, le départ (médiatisé) de ses principaux conseillers économiques, qui n'avaient guère l'expérience du privé, est un signal: celui que la Maison blanche pourrait se rapprocher des milieux d'affaires, traditionnellement pro-républicains.

Des compromis pourraient notamment être trouvés pour les accords de libre-échange.

L'un des premiers dossiers sur lequel les deux parties risquent de s'écharper concerne la prolongation des réductions d'impôts mises en oeuvre par George W. Bush. Les républicains veulent que ces mesures s'appliquent aux riches. Barack Obama entend, lui, qu'elles soient réservées aux classes moyennes. Dans le même temps, le président des Etats-Unis veut augmenter les impôts des Américains dont les revenus sont supérieurs à 250.000 dollars à l'année.

L'ancien conseiller de Bill Clinton, Mark Penn, qui avait aidé l'ancien président à se recentrer (et donc à se faire réélire), suggère un "grand marchandage" (bargain) sur les impôts, le déficit et les prestations sociales. Peut-être la possibilité de trouver une porte de sortie pour éviter un blocage...

Les républicains seront-ils unis ?
L'avenir dépend aussi largement de la cohésion du camp républicain. Son unité est en effet plus que branlante, entre l'establishment du Grand Old Party et les membre du Tea Party, dont certains membres veulent aller jusqu'à "impeacher" l'actuel président.

L'"impétuosité", pour reprendre une expression de Libération, de ces derniers, farouchement opposés au déficit et aux dépenses budgétaires, risque en effet de ne pas être facile à gérer. Surtout quand il faudra s'attaquer à la colossale dette fédérale...

Quel avenir pour Barack Obama ?
Il est évident que la période qui s'ouvre ne sera pas facile à vivre pour Barack Obama. Mais dans le même temps, les républicains seront désormais contraints de s'impliquer pour résoudre la crise économique et apporter des solutions à un chômage qui atteint près de 10%.

"Quand on partage le pouvoir, on partage aussi la responsabilité. Et à partir de la semaine prochaine, les républicains ne pourront plus se contenter de critiquer, ils devront aussi présenter des solutions concrètes", explique un commentateur.

Au bout du compte, rien ne dit qu'une éventuelle cohabitation ne profitera pas au patron de l'administration démocrate. Avant lui, ses prédécesseurs Truman, Eisenhower, Reagan et Clinton avaient tous subi une défaite lors des élections de mi-mandat. Cela ne les a nullement empêchés d'être reconduits à la Maison blanche...

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