Centrale d'achats à l'étranger, guerre des prix... Cinq questions sur l'amende record de 117 millions d'euros contre Leclerc
Bercy tape du poing contre le géant de la distribution. En cause : les pratiques des centrales d'achats du groupe pour casser les prix.
Coup de tonnerre dans le monde de la grande distribution. Dimanche 21 juillet, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, et sa secrétaire d'Etat Agnès Pannier-Runacher ont assigné le groupe Leclerc en justice pour leur réclamer une amende record de 117,3 millions d'euros. Franceinfo répond à cinq questions sur cette sanction sans précédent pour le secteur de la grande distribution.
1Qu'est-ce qui est reproché à Leclerc ?
En réalité, quatre entités chapeautées par Leclerc sont visées par Bercy : Scabel, Galec, ACDLec et surtout Eurelec, la centrale d'achat belge du groupe. Le ministère de l'Economie l'accuse de "pratiques commerciales abusives (...) pour contourner la loi française et imposer des baisses de tarifs très importantes, sans aucune contrepartie, à certains de ses fournisseurs". En d'autres termes, Bercy accuse le géant de la distribution de passer par l'étranger pour contourner la législation française et abuser de ses fournisseurs.
Ces accusations reposent sur une longue enquête menée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui avait perquisitionné les locaux du groupe en février 2018. Verdict ? Leclerc "aurait eu recours à l'application de mesures de rétorsion fortes, pour obliger ses fournisseurs à accepter les conditions posées par Eurelec", indique le ministère.
2C'est quoi ces centrales d'achats ?
Ces organismes, qui regroupent les commandes des différents magasins, sont le nerf de la guerre pour la grande distribution. Elles jouent un rôle d'interlocuteur unique auprès des fournisseurs dont les produits sont revendus dans les supermarchés du groupe. C'est avec elles que les négociations sont organisées... et que les tensions entre producteurs et intermédiaires sont les plus fortes. En 2016, des agriculteurs avaient ainsi déversé du fumier devant la centrale d'achats de Leclerc à Moulins (Allier) pour protester contre la baisse des prix.
Et ce n'est pas la première fois que l'une des centrales d'achats du groupe Leclerc est visée par une amende. En juin 2018, Bercy avait en effet déjà assigné Galec, principale centrale d'achat du groupe, devant le tribunal de commerce de Paris. La raison ? Cette dernière aurait imposé des prix moins chers à une vingtaine de fournisseurs, hors des contreparties prévues par leurs contrats. La justice doit encore se prononcer.
3Pourquoi une amende de 117 millions d'euros ?
Cette fois, Bercy a décidé de taper un grand coup. Le ministère réclamait déjà 108 millions d'euros au groupe Leclerc depuis un an pour des irrégularités dans l'une de ses centrales d'achats. Il a donc décidé de doubler la mise en en exigeant une nouvelle amende sans précédent pour le secteur : 117 millions d'euros.
Une somme presque identique au premier coup d'œil ? En réalité, celle-ci est de nature très différente. En effet, les 108 millions réclamés depuis un an comprenaient surtout les remboursements exigés auprès des fournisseurs. Cette fois, les 117 millions réclamés se résument bien à une amende pure et simple. Le montant a été calculé sur la base des profits indûment retirés par Leclerc de ses pratiques, indique Le Figaro. Il est donc sans précédent dans la grande distribution et sans commune mesure avec ceux généralement demandés par Bercy, qui tournent autour de quelques millions d'euros.
4Comment réagit l'entreprise ?
Leclerc ne compte pas se laisser faire. Le groupe a dénoncé une volonté politique du gouvernement, promettant de faire valoir ses droits et rappelant que les négociations visées concernaient de grands groupes multinationaux et non des petites et moyennes entreprises (PME). "Derrière ces attaques permanentes dont sont témoins les consommateurs depuis deux ans, il s'agit clairement de mettre la pression sur Leclerc afin qu'il renonce à sa politique de prix bas pour les consommateurs", a déclaré Olivier Huet, président du Galec, dans un communiqué transmis à l'AFP.
En clair, du côté de Leclerc, on estime que cette amende est une mesure de rétorsion du gouvernement après leur bras de fer sur la loi Alimentation. En septembre 2018, la tension était montée d'un cran lors d'une réunion à Matignon. Un des patrons de la grande distribution présents raconte que Michel-Edouard Leclerc avait "pété un plomb". Quelques mois plus tard, Bercy a inscrit la décision annoncée dimanche dans l'esprit de cette loi, rappelant sa volonté de "garantir l'équilibre des relations commerciales".
5Que va-t-il se passer ensuite ?
Première étape : le ministère de l'Economie a assigné les différentes entités du Leclerc pour réclamer cette amende record. Et l'assignation est bien arrivée sur le bureau du groupe de grande distribution, indique Le Figaro, dimanche 21 juillet. Désormais, le dossier change de main, puisque c'est la justice qui prend le relais et va poursuivre la procédure. Une étape qui pourrait durer encore au moins un an avant d'obtenir une décision du tribunal. L'assignation lancée par Bercy en juin 2018, elle, n'a pas encore abouti.
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