Le clash entre Valls et Taubira, un classique de la vie politique
Un ministre de l'Intérieur qui s'oppose publiquement à sa collègue de la Justice : le couac entre Valls et Taubira a comme un air de déjà vu.
C'est un grand classique. En plein milieu de l'été, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a envoyé une lettre à François Hollande pour torpiller la réforme pénale de la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Cerise sur le gâteau, la missive s'est retrouvée dans les colonnes du Monde, mardi 13 août, avec la réponse cinglante de Christiane Taubira en bonus.
Un équilibre impossible entre forts caractères
Un tel couac n'est guère surprenant. En nommant Manuel Valls à l'Intérieur et Christiane Taubira à la Justice, François Hollande et Jean-Marc Ayrault pensaient tenir là un bon équilibre politique. L'ailier droit et l'électron libre. La fermeté et l'humanisme. Deux visages placés l'un à côté de l'autre au Conseil des ministres, tous les mercredis. Un symbole.
Jusqu'à présent, le duo semblait fonctionner. Auprès des sympathisants de gauche, Manuel Valls et Christiane Taubira sont les deux ministres les plus populaires, avec près de 60% d'opinions positives dans le dernier baromètre CSA-Les Echos (PDF). Mais voilà, les deux intéressés ont du tempérament, et, accessoirement, beaucoup d'ambition. Difficile, dès lors, de ne rien laisser paraître, lorsque Manuel Valls et Christiane Taubira ne sont pas sur la même ligne.
Ce désaccord sur la réforme pénale vient d'ailleurs s'ajouter à une longue liste de divergences entre les places Beauvau et Vendôme depuis l'élection de François Hollande : démantèlement des camps de Roms, lutte contre les contrôles au faciès, projet de loi antiterroriste…
L'Intérieur et la Justice, "le yin et yang"
Le divorce leur était de toute façon promis dès le premier jour de leur union. Car en plus de leurs approches très différentes de la sécurité et de la justice, Manuel Valls et Christiane Taubira occupent deux maroquins aux relations historiquement tendues. Le ministres de l'Intérieur et de la Justice "sont le yin et le yang", illustre l'historien Jean Garrigues dans Libération : "D'un côté l'ordre et la fermeté, de l'autre la justice et la liberté."
Ainsi, dans les années 70, Valéry Giscard d'Estaing avait dû arbitrer les conflits entre le droitier Michel Poniatowski (Intérieur) et le centriste Jean Lecanuet (Justice). Au printemps 1982, le socialiste Robert Badinter (Justice) avait accusé son camarade Gaston Defferre (Intérieur) de "donner à un gouvernement de gauche une image sécuritaire que même Alain Peyrefitte n'aurait pas réussi à donner". Au début des années 90, la cohabitation entre Charles Pasqua (Intérieur) et le centriste Pierre Méhaignerie (Justice) était elle aussi très délicate. A la fin des années 90, Jean-Pierre Chevènement (Intérieur) et Elisabeth Guigou (Justice) s'étaient vigoureusement écharpés sur la délinquance des mineurs. Plus récemment, Brice Hortefeux (Intérieur) avait lui aussi piétiné les plates-bandes de Michèle Alliot-Marie (Justice), s'attirant les foudres de cette dernière sur l'application des peines, la création des jurés populaires ou la rétention de sûreté.
Ceux qui croyaient – ou espéraient – que Manuel Valls et Christiane Taubira allaient réussir à ne pas tomber dans cet écueil se sont trompés. Mais surtout, avec cette virulente opposition publique sur la réforme pénale, ce qui constituait jusqu'à présent l'un des points d'équilibre du gouvernement et de la majorité s'est un peu plus fragilisé.
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