Pourquoi Christiane Taubira est dans le viseur de la droite
La ministre de la Justice reste la cible privilégiée des critiques de l'opposition, depuis l'arrivée des socialistes au pouvoir.
Depuis le début du quinquennant de François Hollande, Christiane Taubira reste l'une des cibles préférées de la droite. Avec la remise en liberté, jeudi 1er août, de trois condamnés à des peines de prison ferme, en raison du manque de places en prison, l'opposition a repris ses assauts contre la ministre de la Justice.
"Indigné et révolté", le député-maire UMP de Nice Christian Estrosi réclame des explications. Au journal Sud Ouest, l'ex Garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, confie : "On décrédibilise la loi et on perturbe le fonctionnement de la société". Eric Ciotti, député UMP, accuse même la ministre de "mettre en péril notre pacte républicain" par sa politique "dangereuse et irresponsable", en demandant à François Hollande de supprimer la circulaire Taubira qui affirme "le recours à l'incarcération doit être limité aux situations qui l'exigent strictement".
Devant la multiplication des attaques, la résidente de la place Vendôme s'est même vue contrainte de s'expliquer lundi au 20 heures de France 2. En choisissant de faire de la Garde des Sceaux son punching-ball, la droite tient un angle pour déstabiliser le gouvernement.
Sécurité contre laxisme, le thème favori de la droite
Depuis longtemps, la droite intente un procès en "laxisme" à la gauche. Après en avoir fait une arme fatale contre le socialiste Lionel Jospin, en 2002, l'opposition a souvent dénoncé, depuis le début du quinquennat Hollande, l'abrogation de mesures décidées Nicolas Sarkozy et son gouvernement (tribunaux correctionnels pour mineurs, peines plancher...).
La droite est à l'aise sur le thème de l'insécurité et elle n'hésite pas à dessiner un lien de cause à effet entre les choix de Christiane Taubira et les éventuels problèmes d'ordre public. "Les actes et déclarations de madame Taubira ont été parfaitement compris par les voyous", dans une contribution sur le site Newsring, Bruno Beschizza, le secrétaire national de l'UMP chargé de la sécurité, trace un parallèle entre les événements de Trappes ou ceux du Trocadéro (lors de la célébration du titre du PSG) et la politique pénale de la ministre de la Justice.
En portant ses critiques, la droite apporte aussi sa solution. "Il manque 20 000 places pour les prisons", martelait Nadine Morano le 30 juillet sur RTL. Mais à force d'insister, il arrive que les ténors de l'opposition se fourvoient. Ainsi, comme le démontre Le Monde, Valérie Pécresse a reproché au gouvernement le 23 juillet, la loi sur l'aménagement des peines... votée par le gouvernement de François Fillon en novembre 2009.
Abattre l'icône du mariage pour tous
Pendant de nombreux mois, Christiane Taubira s'est battue pour défendre devant le Parlement la loi sur le mariage et l'adoption pour les couples de même sexe. Acclamée à plusieurs reprises par les députés de sa majorité, la ministre est devenue en quelques semaines une sorte d'idole pour la gauche et pour les partisans du mariage pour tous.
Un nouveau statut qui incite l'opposition à redoubler d'efforts pour abattre la ministre favorable au "mariage pour tous". Le mouvement de la "manif pour tous", qui a fait de Christiane Taubira une ennemie public lors de ses manifestations, continue à organiser son combat. La droite, qui n'y est pas parvenue jusque-là, peut tenter une nouvelle fois de capter ce mouvement de contestation.
Dans une lettre ouverte, le député UMP Gérald Darmanin réagit à la remise en liberté des trois condamnés de Dreux. Après avoir dénoncé le "discours laxiste" de Christiane Taubira, le député s'autorise cette remontrance : "votre rôle, madame la Garde des Sceaux, n’était pas de passer de longs mois à défendre le projet de loi sur le mariage homosexuel".
Exploiter les failles de la solidarité gouvernementale
Les réactions des amis politiques de Christiane Taubira sur l'événement de Dreux ont montré que la droite disposait d'un angle de tir pour exploiter une faille dans la solidarité gouvernementale. Bruno Le Roux, pourtant président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, a réclamé des "explications" concernant cette "affaire qui n’est pas normale".
De son côté, le ministre de l'intérieur Manuel Valls s'est dit "très surpris de cette décision et inquiet de ses conséquences", selon son entourage, cité par Le Monde. Ce n'est pas la première fois que des tensions apparaissent entre la place Beauvau et la place Vendôme.
Plusieurs désaccords sont apparus lors de la première année du mandat de François Hollande, comme sur la délivrance d'un récépissé de contrôle d'identité par les forces de police, rapportait Le Lab d'Europe 1. Depuis, les deux ministres tentent de faire front ensemble, mais l'entente reste fragile. La droite, qui fait tout pour opposer et mettre dos à dos les deux ministres, pourrait réussir à créer une division au sein du gouvernement socialiste.
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