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Croissance, déficits… Comment Hollande a perdu sa crédibilité

Standard & Poor's dégrade la note de la France, Bruxelles conteste l'amélioration promise par la France sur ses comptes publics. La période est difficile pour le président, qui avait fait de la réduction des déficits une de ses priorités.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le président de la République, François Hollande, lors d'une rencontre avec le président tunisien, Moncef Marzouki, le 5 novembre 2013 à l'Elysée. (PHILIPPE WOJAZER / REUTERS)

L'agence de notation Standard & Poor's a de nouveau abaissé la note de l'Hexagone d'un cran, de AA+ à AA, vendredi 8 novembre. Et dans ses dernières prévisions (en PDF), mardi 5 novembre, la Commission européenne émettait une série de doutes sur le scénario prévu aujourd'hui par Paris en matière de croissance, de déficit public et d'emploi. 

Or François Hollande en avait fait l'une des pierres angulaires de sa campagne. Parmi ses 60 engagements (PDF) dévoilés début 2012, le président de la République promettait de "redresser la France, redresser ses finances et son économie". "Le redressement, ajoutait-il, est indispensable." Et le futur chef de l'Etat de marteler, quelques jours avant son élection, que "le sérieux budgétaire est le premier moyen pour rétablir l'équilibre des comptes publics". Près de deux ans plus tard, le voilà confronté à la dure réalité.

Francetv info vous explique comment François Hollande a perdu sa crédibilité sur les finances publiques depuis son élection.

En surestimant la reprise lorsqu'il était candidat

Le principal problème remonte probablement à 2012. A l'époque, le candidat socialiste promet que son projet "se fonde sur des hypothèses de croissance à la fois prudentes et réalistes". François Hollande prédit alors qu'après une progression de 0,5% en 2012, la croissance retrouvera un rythme soutenu : 1,7% en 2013, 2% en 2014 et entre 2% et 2,5% les années suivantes. Une croissance qui doit tirer l'économie française vers le haut, et permettre de ramener le déficit public sous la barre des 3% du PIB, dès 2013. Remplir cet objectif est alors une question de "responsabilité" et de "crédibilité", selon les mots du ministre de l'Economie, Pierre Moscovici. En vain. Reporté une première fois à fin 2014, le retour sous les 3% a de nouveau été repoussé à fin 2015.

Ces derniers jours, de nombreux députés socialistes reconnaissent que "l'ampleur de la crise a peut-être été sous-estimée". "On savait que ce serait difficile, mais peut-être pas autant", résume l'un d'eux. En réalité, selon les dernières prévisions de Bruxelles, la croissance ne devrait repartir que très lentement : 0,2% en 2013, 0,9% en 2014 et 1,7% en 2015. Le déficit public, lui, devrait encore s'élever à 3,7% du PIB fin 2015. 

En repoussant plusieurs grandes réformes

Sur le fond, à droite comme à gauche, on reproche à François Hollande de ne pas être allé assez loin dans les réformes de début de mandat. Dans les rangs de la majorité, beaucoup déplorent par exemple que le chef de l'Etat ait renoncé à engager la grande réforme fiscale promise durant la campagne. Un "choix politique" arbitré à l'été 2012, selon l'un de ses plus proches conseillers, par crainte de "créer une tétanie à un moment où les gens sont très sensibles à tout changement"

Résultat : l'exécutif a préféré opérer par petites touches, au risque de donner le sentiment d'un zigzag fiscal"Les Français n'en peuvent plus d'entendre l'annonce d'une nouvelle taxe tous les matins à la radio. C'est antinomique avec un retour de la croissance", fustigeait, il y a quelques jours, l'économiste Elie Cohen, soutien de François Hollande en 2012.

Sur un tout autre sujet, la réforme des retraites, François Hollande s'est aussi attiré les critiques de Bruxelles, en optant pour un projet a minima. "La France va dans la bonne direction, mais il y a encore beaucoup à faire", regrettait début septembre le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rhen.

En ne s'attaquant pas assez à la dépense publique

Enfin, beaucoup d'observateurs estiment également que François Hollande s'est fourvoyé en refusant de baisser massivement la dépense publique. Certes, le gouvernement rappelle que 80% du budget 2014 reposera sur des baisses de dépenses, à hauteur de 15 milliards d'euros. Mais aux yeux de Bruxelles, ce ne sera pas suffisant : pour rentrer dans les clous, la France devra faire coûte que coûte davantage d'économies. 

"Il n'y a pas d'autres solutions que d'agir plus sur la dépense. On se demande dans quelle langue il faut le dire en France !", s'impatiente l'ancien ministre centriste du Budget Alain Lambert, dans un entretien à francetv info.

Bernard Cazeneuve, lui, prépare les esprits. En plein ras-le-bol fiscal, le gouvernement a promis aux Français qu'il n'augmenterait plus les impôts. En 2015, la France fera donc à nouveau des économies à hauteur de "15 milliards au moins. Et s'il est nécessaire de faire plus, nous le ferons", prévient le ministre du Budget. Mais la marge de manœuvre reste étriquée. Sur quels domaines faire des économies ? Et avec quels impacts sur le quotidien des Français ? Sur ces questions, l'exécutif reste peu prolixe.

D'autant que si François Hollande avait promis que le premier temps du quinquennat serait celui "des efforts", il avait ajouté que viendrait ensuite le temps de la "redistribution des efforts". Les perspectives actuelles laissent penser que ce deuxième temps devra être repoussé. Avec un risque principal pour François Hollande : voir sa cote de popularité s'enfoncer un peu plus.

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