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Des candidats se sont régulièrement plaints du traitement médiatique qui leur a été réservé

Entre des candidats qui se sont plaints de leur traitement médiatique et des journalistes agressés par des militants, la campagne s’est durcie au fil des jours. La nature des relations entre les uns et les autres relève de rapports ambigus. Analyse.
Article rédigé par Adrian Buffel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Nicolas Sarkozy lors du sommet européen de février 2011 à Bruxelles (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Entre des candidats qui se sont plaints de leur traitement médiatique et des journalistes agressés par des militants, la campagne s'est durcie au fil des jours. La nature des relations entre les uns et les autres relève de rapports ambigus. Analyse.

Pour beaucoup, les médias "font" l'élection. Mais d'après les politologues, leur influence ne serait qu'indirecte.

Pourtant, cela n'explique pas cette relation amour/haine qui constitue les rapports entre les candidats et les médias. Car ceux-ci sont loin d'être de tout repos, encore plus à l'approche du second tour du scrutin.

Dernier incident en date : deux journalistes de BFM TV ont été pris à partie par des militants UMP, à la fin du meeting de Toulon du président sortant, jeudi 3 mai.

"On nous a traités de vendus, de collabos, il y a eu des crachats, quelqu'un disait ‘On est de droite et fiers de l'être'", a raconté la journaliste visée.

En réaction, Nicolas Sarkozy s'est dit "désolé", vendredi sur Europe 1, tout en estimant que certains pouvaient être "exaspérés par l'intolérance et le parti pris".

Il faut dire que Nicolas Sarkozy est convaincu que "le système médiatique" mise sur sa chute. Selon lui, les médias auraient "décidé" sa défaite et lui intenteraient un "procès stalinien", au motif qu'il parle aux électeurs du Front national.

Lors de son dernier meeting aux Sables d'Olonne (Vendée), vendredi, le candidat de l'UMP a dénoncé "les injures, la calomnie" et "les torrents d'outrance", qui se sont déversés sur lui pendant la campagne électorale.

Un déchaînement de haine ?

Pourtant, le "parti pris" de BFM TV contre M. Sarkozy et la majorité n'est pas flagrant. En tout cas, s'il existe, il est bien moins visible que celui de Médiapart, régulièrement dénoncé par M. Sarkozy.

Quelques jours plus tôt, une des journalistes de ce site d'information avait porté plainte, après avoir été agressée par des sympathisants UMP lors du meeting du candidat de l'UMP au Trocadéro à Paris.

La journaliste, âgée de 29 ans, a raconté sur son blog avoir été prise à parti par deux groupes de sympathisants différents et traitée de "sale gauchiste" alors qu'un badge l'identifiait comme journaliste de Mediapart.

Il faut dire que les relations entre Mediapart et les représentants la majorité présidentielle se sont largement dégradées depuis la publication d'un document affirmant que le régime libyen aurait accepté de financer la campagne présidentielle de M. Sarkozy en 2007.

Le député de Seine-et-Marne, Franck Riester, a envoyé une lettre au PDG de France Télévisions (BORIS HORVAT / AFP)

Autre cible médiatique de l'UMP, le service public, accusé de ne pas remplir équitablement sa mission d'information.

Fin avril, Franck Riester, député UMP, a envoyé une lettre au PDG de France Télévisions, Rémy Pflimlin, pour dénoncer le "traitement de l'information politique" sur les antennes du groupe public et les "manquements constatés", selon lui. Non sans l'avoir remise à l'AFP auparavant.

Le point de vue a été clairement résumé par Eric Ciotti la semaine dernière à Nice (à partir de 1' '05'').

"Vous êtes la vermine du Front national"

A gauche aussi, les relations sont tendues entre les candidats à la présidentielle et la presse. Jean-Luc Mélenchon a reproché à plusieurs reprises au Petit journal de travestir la réalité.

Le 1er mai, au coeur du cortège parisien du Front de gauche, un journaliste de l'émission a été verbalement rudoyé par M. Mélenchon, alors qu'il lui demandait ce que représentait le 1er mai pour lui.

Après l'avoir d'abord ignoré, le leader du Front de gauche lui a lancé : "Ça ne vous regarde pas, c'est pas pour vous. C'est la classe ouvrière, c'est la gauche. Au revoir, allez-vous en ! Vous êtes la vermine Front national. Allez hop ! du balai... Laissez pas le Front national approcher les camarades. Jetez ça ! Ça va les fachos ? Allez à votre manif là-bas, à Jeanne d'Arc".

Voir la vidéo (à 9'45'').

"Ils m'ont, eux, gravement insulté pendant la campagne : parce que je leur avais interdit d'entrer dans une salle, on m'a montré en noir et blanc, vociférant comme si j'étais une espèce de Doriot du XXIe siècle, c'est une insulte très grave", s'est expliqué le leader à l'écharpe rouge en fin de semaine.

Eva bashing

Même la candidate écologiste, Eva Joly, s'est dite victime des médias durant la campagne. Début février dans un entretien à l'hebdomadaire Politis, elle a affirmé que "le petit monde politico-médiatique" l'avait "prise en grippe".

Une manière pour elle de dénoncer le traitement médiatique qui, dit-elle, lui a été réservé durant la campagne, tout en se posant en candidate anti-système contre les élites.

Eva Joly (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

Il faut dire que le "Eva Bashing" a été de bon ton pendant plusieurs mois. Dans un entretien au Inrocks daté du 12 décembre, l'ancienne magistrate avait dénoncé "le club des vieux mâles éditorialistes" ligué, selon l'écologiste, contre elle par "un réflexe conservateur".

"Les attaques à mon encontre viennent exclusivement d'hommes de 50 à 60 ans, blancs, qui pour beaucoup ont fait l'ENA, avait-elle déclaré. Ils sont au chaud, entre eux, et ne comprennent pas bien ce que je viens faire dans leur monde (…). Leurs réactions très violentes sont disproportionnées par rapport au message que je porte."

Une rhétorique d'esquive

La dénonciation des élites relève toutefois du cliché. C'est même un grand classique pour tout candidat qui veut se démarquer. Plus encore, c'est une marque de fabrique pour la candidate du Front national. Marine Le Pen use des coups de colère comme d'une esquive, afin d'éviter d'avoir à répondre aux questions qui lui déplaisent.

Fin janvier, lors d'un entretien sur France Inter, elle s'est emportée alors qu'elle était questionnée sur sa position quant à la Syrie.

"Nous sommes ici à France Inter et le niveau des questions, honnêtement, que vous posez et l'intérêt que vous avez pour des choses qui sont juste dérisoires démontrent qu'effectivement vous participez de cette élite qui est complètement déconnectée de la réalité et des préoccupations des Français."

"Quand on est candidat à la présidence de la République, la politique étrangère fait partie des sujets importants", a justifié Patrick Cohen.

Autre coup de sang, autre esquive toujours fin janvier au Press club à Paris, où elle a présenté son programme économique. Cette fois, Marine Le Pen s'est offusquée des questions posées par un journaliste sur son chiffrage économique.

La presse pro-Hollande ?

Même François Bayrou a fini par perdre son sang-froid face aux médias durant la campagne.

A force d'être interrogé sur sa consigne de vote au second tour, l'ancien candidat centriste - qui a déclaré, jeudi 3 mai, avoir l'intention de voter personnellement pour François Hollande - a poussé un cri de colère fin avril, après une esquive manquée.

Seul François Hollande semble ne s'être jamais plaint du traitement médiatique qui lui a été réservé.

Favoritisme affiché de la presse ou satisfaction d'un candidat qui n'a pas eu à souffrir d'un retard, alors que les sondages l'ont toujours donné vainqueur ?

Le candidat socialiste s'est tout de même amusé début mai des "Unes" du Figaro, dont la ligne éditoriale ne lui a pas été favorable, imaginant celle du lundi 7 mai, s'il était élu :

"Je me demande même si le 7 mai, le Figaro ne titrerait pas "François Hollande élu président de la République : embarras au Parti socialiste"."

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