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Primaire écologiste : pourquoi les résultats du premier tour montrent la fragmentation de l'électorat vert

Seulement cinq points séparent Yannick Jadot, arrivé en tête du scrutin, d'Eric Piolle, qui termine lui quatrième.

Article rédigé par Charles-Edouard Ama Koffi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les cinq candidats à la primaire écologiste, le 20 août 2021 à Poitiers (Vienne).  (NOSSANT/HARSIN ISABELLE/SIPA)

Un duel entre deux lignes opposées. L'eurodéputé Yannick Jadot et l'économiste Sandrine Rousseau se sont qualifiés, dimanche 19 septembre, pour le second tour de la primaire écologiste avec respectivement 27,70% et 25,14% des voix. Les deux candidats s'affronteront donc du 25 au 28 septembre pour représenter leur famille politique à l'élection présidentielle de 2022. Environ 84% des 122 000 inscrits se sont prononcés sur les cinq jours de vote (c'est la première fois que la primaire écologiste mobilisait autant de participants). Pourtant, les résultats des cinq candidats en lice du premier tour peuvent laisser un goût d'inachevé aux différents protagonistes. Franceinfo vous explique pourquoi ces résultats illustrent le morcellement de l'électorat écolo.

Parce que les scores sont très serrés 

"Je suis très heureux et très fier de la famille écologiste", s'est félicité Yannick Jadotau micro de France Inter au lendemain des résultats. Mais le premier tour de l'élection s'est joué dans un mouchoir de poche, alors que l'eurodéputé partait favori. Finalement, seules 3 000 voix le séparent de sa rivale Sandrine Rousseau. Avec 27,70% des suffrages exprimés sur les quelque 122 000 inscrits pour participer, l'ancien président de Greenpeace n'a pas rassemblé autant que prévu. Eric Piolle, le maire de Grenoble, a quant à lui recueilli 22,29% des voix, soit 5,41 points de moins que Yannick Jadot.

"Les résultats sont surprenants parce qu'on pensait que Yannick Jadot ferait un meilleur score. 27%, ce n'est pas un grand résultat et l'assemblée des votants est pratiquement divisée en quatre quarts", analyse le politologue Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof. Même si, selon lui, "c'est l'écologie plutôt radicale qui s'est exprimée car il y avait une large offre politique notamment avec Delphine Batho et son idée de décroissance, ou Sandrine Rousseau et le concept d'écoféminisme". Les scores combinés des deux candidates aux thèmes de campagnes plus radicaux que les autres correspondent ainsi à 47,46% des suffrages exprimés. On pourrait d'ailleurs y ajouter les 22,29 % d'Eric Piolle, qui se revendique lui-même comme "pragmatique" et "radical".

"Il y a une certaine ouverture au moment d'une primaire. Les partis écologistes ne sont pas figés comme pourraient l'être des partis de gouvernement."

Daniel Boy, politologue

à franceinfo

Pour Vincent Dubail, élu EELV proche de Yannick Jadot, notamment en charge de la décentralisation, le résultat de dimanche est morcelé car les différents candidats "ont chacun leur propre approche sur la manière de faire avec des nuances différentes de l'écologie". Et de poursuivre : "Il y a un équilibre à trouver entre l'écologie portée par tous les candidats et les plus radicaux." Pour Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole EELV à Paris et soutien de Sandrine Rousseau, "ces résultats serrés sont une bonne surprise et sont peut-être la preuve que la primaire n'est pas un casting basé sur la notoriété. Quand on fait une bonne campagne, on est récompensé".  

Parce que le mode de vote a changé

Le succès de participation de cette primaire, qui n'était pas seulement réservée aux quelque 12 000 militants d'Europe Ecologie-Les Verts, a toutefois déplacé le curseur politique habituel vers une écologie plus "pragmatique" et "ancrée dans le réel", défendue par l'eurodéputé. "On connaît la radicalité des membres d'EELV, et Yannick Jadot n'y a pas une bonne image puisqu'il représente environ 20% au sein du parti. Finalement, les 122 000 votants représentent une population un peu décalée par rapport au cœur du parti", analyse Daniel Boy au regard du score obtenu par l'eurodéputé.   

"L'électorat des primaires EELV est en général très à gauche, contrairement à l'électorat écologiste global plus pragmatique", confirme Annie-Laure Hagel, responsable EELV à Antony (Hauts-de-Seine). Selon elle, l'ouverture de la primaire a changé la donne : "120 000 inscrits, cela décale forcément tout ce qu'on a pu connaître avant puisque l'ouverture est plus large." Difficile néanmoins de savoir ce qui s'est joué chez les électeurs et où se sont réellement portées les nouvelles voix : "On n'arrive pas à savoir la sociologie des gens qui ont voté", reconnaît Vincent Dubail.

Parce que le second tour est très incertain

A quelques jours du second tour, le flou subsiste sur son issue. "On ne sait pas du tout ce que cela va donner", confirme Annie-Laure Hagel. De fait, les résultats des deux finalistes ne dégagent pas vraiment de favori. D'autant que du côté des candidats déçus, aucune consigne de vote n'a été donnée. Seul Jean-Marc Governatori s'est démarqué de ces trois concurrents en appelant à voter pour Yannick Jadot. Pour sa part, Delphine Batho n'a rien laissé filtrer de ses intentions. 

"Pour le second tour, les électrices et les électeurs qui ont voté pour le projet alternatif de la décroissance feront librement leur choix."

Delphine Batho, candidate à la primaire écologiste

dans un communiqué

Malgré une proximité politique avec Sandrine Rousseau, Eric Piolle n'a pas donné non plus de consigne à ses électeurs. "Cette primaire appartient aux votants. Ils auront la lucidité de choisir celui ou celle qui leur convient. Je les laisse décider", a déclaré le maire de Grenoble à l'issue du scrutin. Une stratégie qui contient le risque de voir un des finalistes s'imposer avec seulement une courte avance.

Si tel est le cas, serait-il difficile de créer une dynamique autour du candidat ou de la candidate écolo en vue de la présidentielle ? "Je ne pense pas, coupe Annie-Laure Hagel. Cela n'empêchera pas le ou la vainqueur de faire la campagne présidentielle car les enjeux sont trop importants." Mais en coulisses, les tractactions vont bon train. Sollicité par les deux finalistes, Eric Piolle a annoncé qu'il allait les rencontrer "à leur demande".

Cette rencontre pourrait s'avérer décisive pour Sandrine Rousseau ou Yannick Jadot, si l'un d'entre eux parvient à convaincre le maire de Grenoble de les rejoindre, et avec lui une bonne partie de ses électeurs. Un ralliement d'Eric Piolle permettrait de se projeter avec plus de certitudes vers le second tour. "Ce dernier est assez peu lisible, reconnaît Vincent Dubail. Je pense que le positionnement dans le débat de mercredi soir sera crucial." Les deux finalistes s'affronteront sur LCI. 

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