Affaire McKinsey : on vous résume les révélations de "Cash Investigation" sur le rôle du cabinet de conseil dans la campagne présidentielle 2017 d'Emmanuel Macron
Jusqu'à quel point le cabinet américain McKinsey a-t-il œuvré pour la campagne présidentielle menée par Emmanuel Macron en 2017 ? L'émission "Cash Investigation", diffusée mardi 17 septembre sur France 2, révèle des messages qui prouvent que les équipes de McKinsey sont impliquées dans la préparation de cette campagne sans avoir été rémunérées. Pourtant, la loi interdit aux entreprises d'aider les candidats sans recevoir de rémunération en contrepartie. On fait le point sur ces révélations, alors que des investigations sont toujours en cours sous la conduite de juges d'instruction, a appris franceinfo de source judiciaire.
Un projet politique baptisé "Chicxulub"
Consultant à la tête du département service public du cabinet McKinsey, Karim Tadjeddine connaît Emmanuel Macron depuis 2007. A cette époque, ils ont collaboré dans le cadre de la commission Jacques Attali, lancée à l'époque par l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy. Au fil des ans, Karim Tadjeddine a tissé des liens étroits avec Emmanuel Macron. C'est lui qui lance le projet politique baptisé "Chicxulub", du nom d'un immense cratère près de la péninsule du Yucatán, au Mexique, causé par la chute d'un astéroïde géant il y a environ 66 millions d'années. Comme pour signifier la fin de l'ère des dinosaures en politique. Les détails de l'opération sont aujourd'hui révélés grâce à une centaine d'e-mails, auxquels ont eu accès l'émission "Cash Investigation" et Le Nouvel Obs.
Un dîner décisif autour d'Emmanuel Macron en 2015
Le 15 octobre 2015, un dîner appelé "Fondation" est organisé à Bercy. A l'époque, Emmanuel Macron est ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique sous la présidence de François Hollande. Les invitations sont envoyées par mail, via son secrétariat. "Cash Investigation" s'est procuré ce message et a rencontré un homme qui faisait partie des invités. Il s'exprime pour la première fois et témoigne à visage masqué. Ce dernier se rend à ce dîner sans se douter qu'il sera décisif. Selon ce témoin, la tablée comprend une vingtaine de personnes, dont Emmanuel Macron, sa femme Brigitte, des membres de son cabinet, mais aussi des salariés de McKinsey, quelques patrons d'entreprises et des dirigeants de groupes de réflexion politiques. Il s'agit d'un dîner formel, avec serveurs en tenue.
"D'abord, Emmanuel Macron introduit la séance en expliquant qu'il réfléchit à son avenir, tout simplement, raconte le témoin dans l'émission de France 2. Et Brigitte Macron explique notamment qu'elle croit que son mari a un rôle pour la France à jouer, qu'il faut lui faire des propositions ambitieuses." Le message est clair : le ministre se prépare pour la prochaine élection présidentielle.
Vingt-cinq rendez-vous non rémunérés en 2016
L'année suivante, le 6 avril 2016, Emmanuel Macron lance son parti politique, En Marche. A partir de là, tous les dons, cotisations, et autres avantages en nature doivent être déclarés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Pourtant, l'implication de consultants du cabinet McKinsey s'amplifie. "Son directeur de cabinet, Alexis Kohler, l'adjoint de ce dernier, Julien Denormandie, et son conseiller en communication, Ismaël Emelien, sont aidés de trois employés de McKinsey, dont Karim Tadjeddine", révèlent "Cash Investigation" et Le Nouvel Obs. Sur la base de courriels, les deux médias affirment que 25 réunions de préparation sont organisées en présence de salariés, de juin à novembre 2016.
"'Les amis, j'ai vu Emmanuel Macron ce week-end qui souhaite que l'on avance vite', écrit Karim Tadjeddine, le 13 juin 2016. Deux jours plus tard, il envoie un second e-mail à ses collègues : 'Go pour Chicxulub, on se voit dans les locaux d'En Marche le 18 juin.'", rapporte Le Nouvel Obs. Le cabinet McKinsey fournit donc une prestation. Pourtant, les trois salariés de McKinsey sont mobilisés "à titre gracieux", estime Mediapart. Le 16 novembre 2016, Emmanuel Macron annonce officiellement qu'il se présente à l'élection présidentielle.
Cette période de la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron intéresse aujourd'hui la justice, qui cherche à savoir si McKinsey a bénéficié, ou non, d'un avantage à la suite de liens politiques tissés par ses salariés. Car "le cabinet de conseil a ainsi vu son activité en lien avec le secteur public exploser de 2017 à 2022, bénéficiant d'au moins 72,8 millions d'euros de contrats publics sur cette période faste", résume Mediapart.
En octobre 2022, le Parquet national financier (PNF) ouvre deux informations judiciaires, notamment pour "tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d'éléments comptables dans un compte de campagne, portant sur les conditions d'intervention de cabinets de conseils dans les campagnes électorales de 2017 et 2022", et pour "favoritisme et recel de favoritisme". "Le service enquêteur exploite les informations obtenues par perquisition ou réquisition", précise une source judiciaire à franceinfo, mercredi, qui ajoute que "des personnes ont été entendues, mais aucune mise en examen ni placement sous statut de témoin assisté ne sont intervenus pour le moment".
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