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Pourquoi "Le Télégramme" et "La Voix du Nord" ont refusé l'interview d'Emmanuel Macron à la presse régionale

Les deux quotidiens dénoncent les conditions de cet entretien collectif, accordé par le président de la République à plusieurs grands groupes de la presse régionale et publié mardi 21 mai.

Article rédigé par franceinfo
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Le président de la République, Emmanuel Macron, sur le parvis de l'Elysée, le 16 mai 2019. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

"Ce n'est pas un acte héroïque. Quand on propose une interview, on peut toujours la refuser", souffle Hubert Coudurier, le directeur de l'information du Télégramme. Son quotidien, tout comme La Voix du Nord, n'a pas souhaité participer à l'interview collective d'Emmanuel Macron à la presse régionale. Cet entretien, publié mardi 21 mai, a été mené par neuf journalistes des grands groupes de la presse régionale. Les responsables de ces deux quotidiens expliquent à franceinfo ce qui a motivé leur décision.

Parce que cela posait un souci d'équilibre

Cette interview intervient à cinq jours des élections européennes, qui se tiennent dimanche 26 mai. Ce timing a soulevé un débat à La Voix du Nord, explique Gabriel d'Harcourt, son directeur général délégué et directeur de la publication, à franceinfo. "A cinq jours du scrutin, cette interview du président de la République avait valeur d'engagement, pour une liste [Renaissance]", estime-t-il. "Si on faisait cette interview-là du président de la République aujourd'hui, les autres candidats pourraient tout à fait dans les jours à venir nous demander d'avoir le même traitement. On a préféré, pour respecter l'équilibre, ne pas reprendre cette interview", ajoute-t-il. Une vision partagée sur Twitter par le rédacteur en chef du quotidien Patrick Jankielewicz et comprise par l'Elysée, rapporte Le Monde.

Parce qu'ils refusaient les conditions de l'interview

Dans son tweet, Patrick Jankielewicz évoque les relectures imposées par l'Elysée avant la publication. Une coutume que La Voix du Nord entend limiter le plus possible, comme l'a annoncé le rédacteur en chef sur Twitter en janvier 2018. "Nous nous sommes engagés il y a quelques mois auprès de nos lecteurs à ne plus permettre les relectures par les hommes et femmes politiques. Par souci de cohérence, on a préféré ne pas répondre favorablement [à la proposition d'interview de l'Elysée]. Il n'y a pas de raison qu'on fasse une exception pour le président de la République", confirme Gabriel d'Harcourt à franceinfo. 

Dans Le Monde, l'entourage présidentiel a réagi en assurant que la relecture "n'était pas une exigence, mais une préférence". "Les huit autres groupes de presse quotidienne régionale ont accepté le principe d’une relecture, mais si on nous avait dit non, l’interview aurait quand même eu lieu", assure l'Elysée.

En outre, le principe de l'interview collective a fait tiquer Hubert Coudurier. "On fait venir des journalistes, certains publient intégralement, d'autres peuvent picorer et reprendre ce qu'ils veulent, ce qui peut poser des soucis d'interprétation… C'est une interview sans en être une", regrette-t-il. 

Parce que la presse régionale "mérite plus d'égards"

Cette interview collective tombe dans la dernière ligne droite d'une campagne dans laquelle le président de la République s'est pleinement engagé. Mais Hubert Coudurier ne souhaite pas que son journal serve "de bouche-trou de fin de campagne". "Il ne faut pas y voir de l'orgueil mal placémais on tire à 200 000 exemplaires, on mérite plus d'égards", développe-t-il.

Il craignait qu'avec cette interview, son journal "perde son identité". "On est là pour promouvoir nos identités, nos territoires et nos marques", affirme-t-il.

Cette décision de refuser l'interview, prise en concertation avec le rédacteur en chef du Télégramme, a été bien accueillie par les journalistes, "contents qu'on soit capables de refuser" une interview au président de la République, conclut-il.

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