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Beauvau de la sécurité : quatre questions sur la création d'une délégation parlementaire pour contrôler les forces de l'ordre

Emmanuel Macron a fait cette annonce, mardi, lors de son discours de clôture du Beauvau de la sécurité. 

Article rédigé par franceinfo
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Un CRS lors d'une manifestation contre le pass sanitaire à Paris, le 31 juillet 2021. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Allier la "confiance" et "l'exigence". Emmanuel Macron a annoncé la création d'une délégation parlementaire pour contrôler les forces de l'ordre, en réponse aux appels répétés pour un "contrôle plus strict" et indépendant de l'activité des policiers et des gendarmes. "Quand on aime les forces de l'ordre, on ne leur passe pas tout, ce n'est pas vrai", a déclaré le président mardi 14 septembre, lors de son discours de clôture du Beauvau de la sécurité.

A la nomination d'une personnalité extérieure à la tête des actuelles instances de supervision, l'IGPN et l'IGGN, le chef de l'Etat a préféré la mise en place d'une instance de contrôle parlementaire, sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement. Décryptage.

1Qu'est-ce que la délégation parlementaire au renseignement ?

Commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, elle a été créée en 2007 à l'initiative du président de l'époque, Nicolas Sarkozy, conformément à un engagement pris en 2005 alors qu'il était ministre de l'Intérieur. La mise en place de cette délégation mettait fin à une "spécificité française", la France étant la seule grande démocratie à être dépourvue d'un organe parlementaire dans ce domaine. 

Composée de quatre députés et de quatre sénateurs, cette délégation a pour "mission de suivre l'activité générale et les moyens des services de renseignement, précise l'Assemblée nationale sur son site. A cet effet, elle peut entendre le Premier ministre, les ministres concernés, le secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale et les directeurs de ces services."

Ses travaux font l'objet d'un rapport annuel rendu public, expurgé des éléments couverts par le secret-défense. La délégation peut adresser des recommandations à l'exécutif. Celles-ci ont été majoritairement prises en compte, essentiellement pour la lutte contre le terrorisme. Mais son champ d'investigation est varié. Dernièrement, elle devait ainsi enquêter sur le dossier Pegasus, du nom du logiciel espion produit par la société israélienne NSO Group pour le compte de différents gouvernements. 

2Comment fonctionnerait une délégation dédiée aux forces de l'ordre ?

"Nous devons tendre à l'irréprochabilité (...) Quand il y a des fautes, elles doivent être sanctionnées", a souligné le chef de l'Etat dans son allocution. Il n'a toutefois pas précisé les modalités de ce "contrôle indépendant" des forces de l'ordre exercé par cette délégation parlementaire, dont il avait déjà évoqué la mise en place dans un entretien au Figaro en date du 18 avril. 

Selon Europe 1, députés et sénateurs se verraient confier les dossiers où il existe des soupçons d'usage excessif de la force. Contrairement à une commission d'enquête parlementaire temporaire, les élus seraient spécialisés sur ces questions de manière permanente, précise la radio, soulignant qu'une telle délégation ne pourrait toutefois pas voir le jour avant 2022, le temps que les deux chambres entérinent sa création.

3Pourquoi confier les questions de violences policières aux parlementaires ?

La réforme de la police des polices, et de son équivalent côté gendarmerie, l'IGGN, est un serpent de mer. Avec les nombreux blessés recensés du côté des manifestants lors du mouvement des "gilets jaunes", la question des violences policières, dénoncées depuis des années dans certains quartiers, s'est imposée dans le débat public. En juin 2020, l'ancien ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, promettait "plus de cohérence, plus de collégialité et surtout plus d'indépendance" pour réformer l'institution. La refonte n'a pas eu lieu

Fin novembre de la même année, l'actuel locataire de la place Beauvau, Gérald Darmanin, avait évoqué des pistes devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, dont la fusion des trois inspections, l'IGPN, l'IGGN et l'Inspection générale de l'administration (IGA).

A huit mois de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron s'est gardé de se lancer dans ce chantier de longue haleine, préférant externaliser ce contrôle en réponse aux critiques récurrentes qui visent les "bœuf-carottes". Le chef de l'Etat a pris soin de préciser au passage que sur les 7 564 appels reçus par la plateforme antidiscriminations, seuls "4%" concernaient les forces de l'ordre et leur déontologie.

4Comment cette annonce est-elle accueillie ?

Lorsque cette délégation avait été évoquée par le président en avril dernier, l'idée avait été froidement accueillie par les sénateurs Les Républicains, rappelle Public Sénat. "Nous effectuons ce contrôle de la police et de la gendarmerie au sein de la commission des lois", "compétente pour s'intéresser au fonctionnement des forces de sécurité", avait souligné le sénateur LR Philippe Bas. "L'analogie avec la délégation au renseignement a un intérêt limité", car les activités de renseignement "supposent le secret", à la différence des forces de sécurité, avait-il ajouté.

"On va rajouter une couche supplémentaire parfaitement inutile", a renchéri sur franceinfo, mardi, Frédéric Péchenard, ancien directeur général de la police nationale et vice-président LR du conseil régional d'Ile-de-France. "Les trois quarts du travail – et notamment sur les violences – de l'IGPN sont des délégations des magistrats, c'est-à-dire que ce sont les magistrats, juges d'instruction, procureurs de la République qui saisissent les officiers de police judiciaire de l'IGPN (…) Il n'y a pas dans notre pays quelqu'un qui est plus indépendant que le juge d'instruction", a-t-il estimé.

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