"Travail de sagouin", "gros connard"... Quatre fois où Emmanuel Macron et son équipe s'en sont pris aux journalistes
L'émission "Quotidien", le magazine "Les Inrocks" ou encore France 2... Ces dernières semaines, de nombreuses rédactions ont subi le courroux de l'équipe du président.
Rien ne va plus entre Emmanuel Macron et les médias. Pas moins de 25 sociétés de journalistes – dont celle de franceinfo –, des directeurs de rédaction et l'organisation Reporters sans frontières ont écrit jeudi 18 mai au président de la République pour protester contre l'organisation de sa communication. L'Elysée est notamment accusé de vouloir choisir les journalistes couvrant les déplacements du président de la République.
Face à l'émotion suscitée par cette décision, la présidence a assuré vendredi ne pas vouloir "imposer un journaliste plutôt qu'un autre", mais "ouvrir l'Elysée aux journalistes sectoriels" – comprendre spécialisés dans une thématique – plutôt que de les réserver aux journalistes politiques. Pour sa part, le nouveau porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a jugé que le différend devait être "réglé" car "c'est la liberté de la démocratie française qui est en cause". D'autant que ce n'est pas la première fois que les relations entre l'équipe d'Emmanuel Macron et les journalistes sont pour le moins tendues.
Les images de la Rotonde : "Vous voulez faire passer le FN, c’est ça ?"
Les relations entre l'équipe de campagne du candidat et les médias se sont brusquement tendues au soir du premier tour de l'élection présidentielle, lors de l'épisode de la Rotonde, relate M, le magazine du Monde. Emmanuel Macron invite ses troupes dans la célèbre brasserie parisienne. Les images tournent en boucle sur les chaînes de télévision. Elles rappellent celles de Nicolas Sarkozy invitant ses proches au très sélect Fouquet's au soir de sa victoire en 2007.
Les conseillers du candidat appellent immédiatement les journalistes pour leur reprocher leur traitement de l'information. "Vous voulez faire passer le FN, c’est ça ?", lancent-ils, selon des propos rapportés par Le Monde.
Interrogés quelques jours plus tard, Emmanuel Macron lui-même ne cache pas son agacement. Interrogé en conférence de presse, il lance : "C'est vous qui n'êtes pas réveillés là ! Vous n'êtes plus en lien avec le terrain ! (...) Tournez la page, redescendez, vous ! Passez à autre chose, passez à la vraie vie du pays !"
« Redescendez, vous, passez à autre chose ! » Emmanuel Macron répond à la une de Libération. @HugoClement #Quotidien pic.twitter.com/DBpFrRoiyv
— Quotidien (@Qofficiel) 26 avril 2017
Yann Barthès : le "gros connard" menacé de boycott
Au lendemain du premier tour et de cette soirée à la Rotonde, un journaliste de "Quotidien", l'émission de Yann Barthès diffusée sur TMC, pose la question qui fâche : "La Rotonde, c’est votre Fouquet’s ?" La réponse d'Emmanuel Macron est cinglante. Il réplique au reporter qu'il n'a "rien compris à la vie", et que lui n'a "pas de leçon à recevoir du petit milieu parisien".
.@PaulLarrouturou demande à #Macron si sa fête à La Rotonde est son Fouquet's. "Je n'ai pas de leçon à recevoir du petit milieu parisien" ⤵️ pic.twitter.com/2diUSAH8fd
— Quotidien (@Qofficiel) 24 avril 2017
En représailles, relate Le Monde, l'émission reçoit "des menaces de boycott et des pressions directes". Sylvain Fort, l'attaché de presse du candidat, devenu depuis le directeur de la communication de l’Elysée, qualifie Yann Barthès de "gros connard" et de "débile profond". Dans le magazine du quotidien du soir, l'intéressé récuse la seconde formule... mais pas la première.
Michel Field : victime de "l'exaltation de la soirée" électorale
Au soir du second tour, un autre épisode déplaît aux équipes du désormais président élu. Pendant sa couverture de la soirée électorale, France 2 diffuse le discours de Jean-Luc Mélenchon.
Le directeur de l'information de France Télévisions, Michel Field, reçoit alors un coup de téléphone. Au bout du fil, un conseiller du président fraîchement élu est furieux et critique ce choix éditorial. "J’ai mis ça sur le compte de l’exaltation de la soirée, excuse Michel Field. Ils ont dû se chauffer la tête. Je leur ai expliqué le b.a.-ba de l’information et de la priorité au direct."
"Les Inrocks" : un "travail de sagouin"
Le documentaire "Emmanuel Macron : les coulisses d'une victoire", diffusé sur TF1 au lendemain de l'élection du champion d'En marche !, comporte une autre séquence révélatrice. On y voit Sibeth Ndiaye, l'incontournable chargée des relations presse du candidat, passer un savon à un journaliste des Inrocks. Elle lui reproche un article intitulé : "Macron prend la défense de La Manif pour tous et revendique de parler avec Zemmour et de Villiers". Les Inrocks reprennent une interview d'Emmanuel Macron dans L'Obs. Le candidat y déplore "l'humiliation" qu'auraient subie, selon lui, les opposants au mariage pour tous, après l'adoption de la loi Taubira.
"Je me permettais de vous appeler parce que j'étais un peu étonnée par un titre dans un papier sur votre site internet. Vous indiquez que Macron prend la défense de La Manif pour tous et revendique de parler avec Zemmour et de Villiers. Son propos est légèrement plus nuancé, en particulier concernant Zemmour", commence-t-elle. Et elle poursuit, furieuse : "Non, il n'a pas dit : 'On a humilié La Manif pour tous, putain !' Faites votre boulot les gars aussi. Non mais là, ça me saoule. Franchement, là, je suis saoulée(...) Ça, c'est pas du travail de journaliste. C'est du travail de sagouin."
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