Parrainages pour la présidentielle : "Il y a de la mise en scène" chez Marine Le Pen, selon un spécialiste de l'extrême droite
D'après le politologue Erwan Lecoeur, la candidate du Rassemblement national fait "face à une concurrence dans son camp avec Eric Zemmour", ce qui peut amener à des "transfuges en parrainages" et des élus qui vont "s'abstenir de donner leurs parrainages à l'un ou l'autre de façon à ne pas empiéter sur l'avenir".
Erwan Lecoeur, politologue et sociologue, spécialiste des questions liées à l'extrême droite et au populisme, estime mardi 22 février dans l'après-midi sur franceinfo qu'"il y a de la mise en scène sur le manque de parrainages" de Marine Le Pen, qui a annoncé mardi matin suspendre sa campagne pour se concentrer sur l'obtention des 500 parrainages nécessaires pour se présenter à l'élection présidentielle.
franceinfo : Comment analyser la suspension de campagne de Marine Le Pen ?
Erwan Lecoeur : On peut l'analyser de deux façons. D'abord, il y a toujours eu pour les campagnes des Le Pen une montée en gamme, une mise en scène sur le manque de parrainages, à dire que ce système est anti-démocratique. Ce qui est un peu nouveau, c'est qu'elle en a un peu moins qu'en 2017, mais pas tant que ça. La nouveauté aussi, c'est qu'elle doit faire face à une concurrence dans son camp avec Eric Zemmour et d'autres candidats potentiels à la droite de la droite. Elle essaie peut-être de faire valoir qu'avec l'arrivée d'Eric Zemmour, il y a une personne de trop dans le champ. Ça ne change pas fondamentalement le cours de la campagne, elle avait prévu de toute façon de se reconcentrer sur les médias nationaux, elle arrête juste sa campagne sur le terrain. Ça ne changera pas grand-chose mais médiatiquement, ça peut relancer sa campagne sur le thème : "La démocratie, c'est nous, ce système ne reconnaît pas le vote des français".
On est juste dans la mise en scène pour vous ?
Il y a de la mise en scène. Ca n'empêche pas que, cette fois, ce soit peut-être encore plus dur, notamment car le RN a fait de très mauvais scores aux dernières municipales et régionales, il a beaucoup moins d'élus locaux qu'en 2017. C'est aussi une question de gestion et de stratégie interne. Tout a été mis en oeuvre pour la présidentielle, beaucoup de gens se sont plaints que Marine Le Pen n'avait pas fait le travail pour les municipales, départementales et régionales. Quelque part, elle paie peut-être un peu les pots cassés de ce désintérêt pour les élections locales.
Il y a un phénomène de vases communicants entre les parrainages pour Marine Le Pen et Eric Zemmour ?
C'est en partie des vases communicants surtout chez des militants et gens très engagés, pas tellement dans les électorats qui sont assez différents sociologiquement. Chez les élus, il y a eu des transfuges du RN vers Eric Zemmour, donc on peut penser qu'il y a aussi des transfuges en parrainages, puisque ce sont les élus qui peuvent donner leurs parrainages. Il peut aussi y avoir un effet de certains élus qui ne veulent plus donner leurs noms, car depuis 2016, la liste est rendue publique. Ça pose un problème pour Eric Zemmour comme pour Marine Le Pen : les élus qui les parraineraient auraient leurs noms affichés en public. En ce moment, comme il y a une guerre des droites, beaucoup d'élus vont s'abstenir, on ne sait jamais qui pourrait être élu et en vouloir aux élus qui ont parrainé le concurrent.
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