Affaire Fillon : pourquoi la Suède est-elle considérée comme un modèle de transparence en politique ?
François Fillon tente de poursuivre sa campagne présidentielle malgré des soupçons d'emplois fictifs visant sa femme. Une situation jugée aberrante en Suède où les responsables politiques sont tenus à des contraintes très strictes.
En Suède, François Fillon "aurait démissionné dans les trois jours, voire dans la demi-heure". Le candidat de la droite à la présidentielle aurait été emporté par les accusations d'emplois fictifs pesant sur son épouse et deux de ses enfants. C'est en tout cas la conviction de Magnus Falkehed, correspondant à Paris du tabloïd suédois Expressen. Car dans le royaume scandinave, la probité et la sobriété sont les piliers de la vie politique. Un principe de transparence - "offentlighetsprincipen" en VO - a même été institué dès 1766 dans sa Constitution. Franceinfo revient sur cinq cas qui expliquent pourquoi la Suède est citée en exemple de probité.
Il suffit de boire deux verres de vin en trop pour être forcé à démissionner
En 2016, au beau milieu du mois d'août, l'étoile montante du parti social-démocrate, la ministre de l'Enseignement secondaire et de la formation des adultes, Aida Hadzialic, annonce sa démission, au cours d'une conférence de presse. La plus jeune ministre de l'histoire de la Suède, nommée deux ans plus tôt à seulement 27 ans, confesse, émue, avoir commis "la plus grande erreur de [sa] vie". Elle révèle avoir été contrôlée par la police de Malmö au volant d'une voiture avec 0,2 g d'alcool par litre de sang, tout juste la dose constituant un délit au regard du droit suédois, relate la BBC. Deux verres de vin qui donnent un coup d'arrêt à son ascension politique.
Un gouvernement peut vaciller à cause d'un "nannygate"
Dix ans plus tôt, en 2006, deux démissions en trois jours ébranlent le gouvernement de centre-droit à peine formé, raconte L'Express. Les médias suédois ont découvert que la ministre du Commerce, Maria Borelius, avait employé une nounou au noir et qu'elle n'avait pas payé sa redevance audiovisuelle dans les années 1990. La ministre argue qu'elle n'avait pas les moyens à l'époque d'employer une baby-sitter légalement. Las, ses déclarations fiscales prouvent qu'elle disposait, avec son mari, de revenus bien supérieurs à ceux d'une famille suédoise moyenne.
Circonstances aggravantes, sa maison de vacances dans le sud du pays est détenue par une société basée sur l'île britannique de Jersey, ce qui lui aurait permis de ne pas payer d'impôts sur ce bien en Suède. Maria Borelius aurait aussi, selon la presse, vendu 500 actions d'une société dont elle est membre du conseil d'administration, sans en informer l'inspection des finances dans les délais légaux, un délit passible d'amende.
La ministre de la Culture, Cecilia Stegö Chilo, est, elle aussi, contrainte de démissionner pour avoir employé des baby-sitters sans les déclarer au fisc. Sans oublier qu'elle n'avait pas, elle aussi, payé sa redevance pendant seize ans. Elle doit au moins 15 000 couronnes (1 600 euros environ) à l'Etat.
De simples Toblerone peuvent faire tomber une vice-Première ministre
En 1995, Mona Sahlin, vice-Première ministre est en passe de prendre la présidence du parti social-démocrate. L'Expressen révèle qu'en 1990 et 1991, alors qu'elle était ministre du Travail, elle s'est servie à plusieurs reprises de sa carte bancaire professionnelle pour des achats privés. Des couches-culottes, des paquets de cigarettes et deux barres de Toblerone, notamment. Plus des retraits d'argent pour un peu plus de 53 000 couronnes (5 000 euros environ). Mona Sahlin a beau avoir tout remboursé, une information judiciaire est ouverte et l'opinion publique la prend en grippe. La numéro 2 du gouvernement n'a d'autre choix que de démissionner. Elle l'annonce lors d'une conférence de presse suivie par un million de Suédois. Sa traversée du désert durera près de dix ans, souligne Libération, faisant toutefois observer que les hommes restent plus fréquemment en poste que les femmes après un scandale.
Cantine, classe éco... Les élus ne bénéficient pas de privilèges
Palais de l'Elysée, palais Bourbon, quai d'Orsay... Les tables de la République sont réputées. En Suède, les ministres déjeunent à la cantine. Chacun se sert sa propre assiette, mange autour d'une grande table ovale sans fioritures, débarrasse son plateau et paie son repas, comme avait pu le constater une équipe du magazine de France 2 "Un œil sur la planète" en 2010.
Les membres du gouvernement ne disposent pas, non plus, de logements de fonction. Seul le Premier ministre jouit de ce privilège, mais s'acquitte tout de même d'un loyer symbolique pour son appartement de 175 m2, indique Le Figaro. Quant aux bureaux ministériels, ils sont fonctionnels et meublés avec simplicité. Rien à voir avec les ors de la République hérités de l'Ancien Régime.
Inimaginable aussi de voir un ministre embarquer à bord d'un jet privé. Les membres du gouvernement voyagent en classe économique et n'ont droit à la classe affaire que lorsque le vol dure plus de 3h30. Le train de vie d'un ministre se doit d'être modeste. Les agences gouvernementales n'ont droit qu'à une fête par an pour leur personnel. Et les moindres dépenses publiques sont examinées par l'administration. Les notes de frais sont d'ailleurs publiques, consultables par tous les citoyens dans chaque ministère et scrutées par la presse, à l'affût du moindre faux pas.
La Suède paie parfois cette simplicité au prix fort. En 1986, le Premier ministre Olof Palme est assassiné en pleine rue, à Stockholm, alors qu'il sort d'un cinéma avec sa femme, sans escorte, comme de coutume. En 2003, la ministre des Affaires étrangères, Anna Lindh, est poignardée, alors qu'elle faisait ses courses, seule, dans un grand magasin. Elle succombe le lendemain. Depuis, les voitures avec chauffeur ont fait leur réapparition et les déplacements en train sans protection sont plus rares.
La transparence est aussi obligatoire pour les simples citoyens
Les députés, eux aussi, sont soumis à ce principe de transparence. Depuis 2008, ils doivent déclarer au secrétariat du Parlement s'ils détiennent des actions, siègent dans des conseils d'administration ou exercent d'autres activités, afin d'éviter les conflits d'intérêts, rapporte La Croix.
Ce principe de transparence ne s'applique pas qu'aux responsables politiques. Seuls quelque 12 500 Suédois échappaient à cette contrainte en 2014, leur identité étant protégée par les autorités, relevait Libération. De nombreux documents, considérés comme privés en France, sont publics en Suède. Et n'importe quel citoyen peut les consulter. Il suffit d'aller à l'office des impôts pour savoir combien gagne votre voisin ou votre patron.
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