Après l'interview de Hollande, des frondeurs un peu moins remontés
Le président de la République n'a pas réussi à regagner la confiance de l'aile gauche du PS, mais l'opération séduction adressée aux frondeurs permet au moins de faire baisser la tension.
Les mots sont moins durs, le langage moins cru. François Hollande n'a pas réussi à regagner la confiance des frondeurs, mais l'opération séduction adressée à l'aile gauche du PS permet au moins de faire baisser la tension. Lundi 5 janvier, pendant deux heures de matinale radio sur France Inter – une station plutôt marquée à gauche –, il a tenté de parfaire l'image de président offensif qu'il a donné à voir aux Français le 31 décembre lors de ses vœux.
Porté par une petite embellie sondagière, à l'aube d'une année 2015 qui s'annonce économiquement moins défavorable que 2013 et 2014, François Hollande a choisi ce moment pour lancer le grand chantier politique de sa deuxième moitié de quinquennat : rassembler son camp. Loin de faire de grandes annonces pour amadouer la gauche, le président semble, dans un premier temps, vouloir apaiser et préparer petit à petit le terrain de la reconquête.
"Il a compris le besoin de vérité des Français"
"C'est bien qu'il soit à l'écoute des gens. Il a essayé de convaincre, de se montrer déterminé et dynamique", reconnaît la sénatrice de l'aile gauche du PS Marie-Noëlle Lienemann, malgré de fortes réserves sur le fond. Le député Laurent Baumel, lui, note que le président a choisi de mettre l'accent "sur ses réformes de gauche (compte pénibilité, formation professionnelle, tiers payant, etc.)", signe qu'il a "pris conscience de la nécessité de rééquilibrer sa politique". Selon Arnaud Leroy, député proche d'Arnaud Montebourg, Hollande "a compris le besoin de vérité et de simplicité des Français, la nécessité de tenir un discours qui ne se cache plus derrière des mots technocratiques".
Le nouveau discours de Hollande passe d'autant mieux qu'il se démarque de la rhétorique de Manuel Valls. Le Premier ministre promettait en effet, la semaine dernière dans le quotidien espagnol El Mundo, "des efforts pendant des années", et pas seulement le temps de la crise. L'illustration d'une répartition des rôles au sein de l'exécutif : à Manuel Valls de batailler pour porter les réformes, à François Hollande le soin d'organiser son camp pour 2017.
Un discours qui ne suffit pas
Le problème, c'est que le chef de l'Etat, ni sur France Inter ni à l'occasion de ses vœux, n'a annoncé aucune mesure concrète susceptible de faire rentrer l'aile gauche du PS dans le rang. "Il ne fait que commenter des décisions qui ont déjà été prises, observe Laurent Baumel. L'équilibre fondamental de sa politique reste le même : beaucoup d'efforts pour baisser les charges et les déficits, beaucoup moins pour redonner du pouvoir d'achat." Députée du Doubs, Barbara Romagnan regrette aussi que François Hollande dise "assumer" son échec économique "tout en poursuivant dans la même direction". Bref, Hollande a beau avoir déplacé le curseur de son discours vers la gauche, les frondeurs attendent des actes.
Principale cible : la politique économique du gouvernement. Sur l'emploi, "c'est très décevant", critique Marie-Noëlle Lienemann. "L'inversion de la courbe du chômage est repoussée à on-ne-sait-quand, il ne donne aucun chiffre sur le nombre d'emplois que le pacte de responsabilité est censé créer, et il promeut la loi Macron, qui est un énième acte de dérégulation."
Le projet de loi Macron, discuté à l'Assemblée nationale à partir du 26 janvier, devrait en effet donner lieu à de vives oppositions au sein de la majorité. "C'est un texte inutile, qui détourne le regard de ce qu'il faudrait faire, et qui comporte des reculs sociaux", commente Laurent Baumel. Sur ce point, François Hollande n'a rien lâché lundi matin. Notamment sur la principale pomme de discorde : le passage de 5 à 12 dimanches travaillés par an. Tout juste le chef de l'Etat a-t-il laissé échapper que la loi Macron n'était "pas la loi du siècle". "Il a mis un petit bémol sur l'importance de cette loi, remarque Laurent Baumel. Allez savoir, ça promet peut-être de futurs compromis..."
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