Sextennat, un "véritable régime présidentiel", suppression du Premier ministre et du 49.3... Les propositions de François Hollande
L'ancien président de la République plaide pour un régime à l'américaine, qui bouleverserait le fonctionnement actuel de la Ve République.
François Hollande en pince pour le "sextennat". C'est l'une des propositions qu'il formule dans un livre, qui paraît mercredi 23 octobre. L'ancien président de la République plaide pour la mise en place d'un "véritable régime présidentiel", avec suppression du Premier ministre et pouvoirs accrus pour le Parlement, sorte de "Ve République bis".
Dans Répondre à la crise démocratique, François Hollande estime que des réponses institutionnelles peuvent être apportées au "malaise qui s'est installé dans la démocratie". "Le quinquennat a une part de responsabilité dans cette décomposition", estime-t-il. Il penche donc pour le "sextennat", un mandat présidentiel de six ans au lieu de cinq.
"Expérience faite et la mienne en particulier, cinq ans c'est trop court et sept ans c'est trop long", explique François Hollande sur franceinfo. Le quinquennat est trop court pour mener à bien de grands chantiers et engranger des résultats. Va donc pour six ans, comme pour les exécutifs locaux, les maires ou les présidents de régions, avec dans le même temps, une réduction de la durée du mandat des députés de cinq à quatre ans.
Une cohabitation vue comme un moindre mal
Passer au sextennat reviendrait à installer une cohabitation entre un président et une assemblée hostiles. C'est ce que pointe Didier Maus, ancien enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris et spécialiste du droit constitutionnel : "Automatiquement, dans un mandat de six ans d'un président de la République, il y aura une élection législative. C'est vrai que ça peut revaloriser le Parlement, mais il ne faudrait pas non plus qu'on entre en campagne électorale permanente. L'avantage du système actuel, avec quelques défauts, c'est vrai, c'est que pendant cinq ans, on a un couple président de la République-majorité de l'Assemblée nationale qui, théoriquement, mène la politique de la France et n'a pas à se préoccuper tous les ans ou tous les deux ans, d'une échéance électorale."
La cohabitation est un moindre mal aux yeux de l'ancien chef de l'Etat. François Hollande considère que la majorité parlementaire dépend trop directement et même mécaniquement de l'élection du président six semaines plus tôt. Résultat : les députés sont condamnés à se soumettre au président.
Plus de Premier ministre ni de 49.3
François Hollande a changé d'avis, il était jusque-là partisan du quinquennat. Même chose pour le mode de scrutin. Il est désormais hostile à l'introduction d'une dose de proportionnelle, comme pour l'article 49.3, qui permet de faire passer des projets de loi sans vote au Parlement, et qui "n'a plus de raison d'être". Avec cette réforme, "le président ne nomme plus un Premier ministre mais une équipe dont il est le chef" et, "en revanche, puisque le gouvernement n'est plus responsable devant l'Assemblée nationale, le président perd son droit de dissolution".
Didier Maus relève le paradoxe : le président Hollande a recouru au 49.3, l'ex président veut le supprimer. "Le 49.3, note-t-il, c'est le symbole de son quinquennat. François Hollande a expérimenté, en tout cas dans les deux dernières années de son mandat, la situation où il y avait à l'Assemblée nationale une fronde des députés à l'intérieur de sa majorité. Les députés socialistes avaient la possibilité de renverser le gouvernement. Ils ne l'ont pas fait parce qu'ils ne voulaient pas prendre le risque d'une dissolution." Pour le spécialiste du droit constitutionnel, la clé est moins institutionnelle que politique : "Le système actuel est efficace, il n'y a aucun doute. Ceci étant, il reste un vrai problème, c'est comment fonctionne la relation entre le président, le Premier ministre et le groupe majoritaire. Et là, ce n'est pas une question constitutionnelle, c'est une question purement politique."
Une "Ve République bis" d'inspiration américaine
Les réformes que prône François Hollande aboutiraient à une sorte de "Ve République bis". Mais très clairement, il écarte une VIe République parlementaire et il s'inspire résolument du régime présidentiel américain : un chef de l'Etat directement responsable devant le Parlement, qui ne nomme plus un Premier ministre, le poste serait supprimé, mais une équipe. Ce chef de l'Etat perdrait de même son droit de dissolution de l'Assemblée.
L'inspiration puisée du côté des Etats-Unis bute pourtant sur une différence de taille, selon Didier Maus : un système fédéral, outre Atlantique, contre une décentralisation qui reste à achever en France. "Les Etats-Unis sont une fédération, note Didier Maus. Il y a 50 Etats qui ont des pouvoirs considérables et le système de Washington, président plus Congrès, ne fonctionne cahin-caha que parce qu'il y a ces 50 Etats avec une grande autonomie. Et même si François Hollande préconise une décentralisation plus grande, il ne va pas jusqu'à dire qu'il faudrait que la France devienne un système fédéral."
Reste évidemment une interrogation pourquoi François Hollande, président durant cinq ans, n'a-t-il enclenché aucune des réformes qu'il propose aujourd'hui ? "Honnêtement, il avait autre chose à faire, observe Didier Maus. Il y avait des urgences plus grandes que de réviser les institutions. C'est d'ailleurs aussi le problème d'Emmanuel Macron aujourd'hui. Ce qu'attendent les Français, ce sont des résultats concrets et pas uniquement des discussions entre la classe politique et les experts sur quel est le meilleur système de gouvernement."
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