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Front national : Jean-Marie Le Pen est-il vraiment minoritaire ?

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Marine Le Pen (G) et Jean-Marie Le Pen, le 20 mai 2014 en meeting à Marseille (Bouches-du-Rhône). (FRANCK PENNANT / AFP)

Plusieurs cadres du FN ont pointé du doigt la phrase polémique du président d'honneur du parti au sujet des "fournées" d'artistes. 

Le paternel est toujours aussi remuant. Habitué des sorties aussi polémiques que stratégiques, Jean-Marie Le Pen est cette fois critiqué au sein même du Front national après sa petite phrase sur ces artistes, dont Patrick Bruel, dont il a suggéré, vendredi 6 juin, de faire "une fournée". Au "Carré", le siège du parti à Nanterre, ils sont quelques-uns à rêver de pousser le "Menhir" sur la touche.

Jean-Marie Le Pen est-il marginalisé au sein de son propre parti ? Pas si simple. 

Oui, chez les cadres "dédiabolisés"

"Une faute politique." Ce commentaire sévère vient de sa propre fille, contrainte de réagir, car cette saillie l'embarrasse dans sa stratégie européenne. Marine Le Pen n'a pas été la seule à critiquer le président d'honneur du FN. Tous les cadres médiatiques arrivés dans son sillage et qui travaillent à la normalisation du parti sont montés au front.

"C’est une mauvaise phrase de plus. C’est stupide politiquement et consternant", a estimé Louis Aliot, le compagnon de Marine Le Pen, tandis que le député du Rassemblement bleu Marine Gilbert Collard a suggéré à Jean-Marie Le Pen de prendre sa retraite. Le vice-président du parti, Florian Philippot, a tenu à "se démarquer de ces propos parce qu'ils sont d'une brutalité qui est inappropriée", tout en niant l'antisémitisme de la référence. 

Ces nouveaux cadres jouent à fond la carte de la distance face à ces paroles pour mieux se présenter comme un FN modéré et dédiabolisé. "Il n'y a pas une répartition explicite des tâches entre eux", précise Joël Gombin, chercheur en sciences politiques à l'université de Picardie Jules-Verne, mais le fait de pointer du doigt un "diable" que serait le père, permet à la fille "d'affirmer partout qu'il y a bien processus de dédiabolisation".

Oui, ses fidèles vieillissent

De congrès en scissions, le fondateur du Front national a vu les effectifs de ses fidèles s'amenuiser. "C'est une question de renouvellement de générations, ses troupes soit sont parties du Front national soit sont mortes naturellement", confirme Alexandre Dézé, politologue, chercheur au Centre d'études politiques de l'Europe latine et spécialiste du FN. De plus, Jean-Marie Le Pen a lui-même purgé le parti de plusieurs de ses piliers, comme Martine Lehideux, Jean-Claude Martinez ou Carl Lang, hostiles à la prise de pouvoir de sa fille. 

(de G à D) Jean-Claude Martinez, Carl Lang, Bruno Gollnisch, Huguette Fatna, Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen, Jean Verdon et Samuel Maréchal, le 24 avril 2004 à Paris.  (DANIEL JANIN / AFP)

Et depuis le congrès de Tours en janvier 2011, qui a vu Marine Le Pen succéder à son père avec 67,65% des voix face à Bruno Gollnisch, d'autres figures historiques du FN ont tourné le dos au parti, à l'instar de Roger Holeindre. "Jean-Marie Le Pen n'a jamais piloté un courant, il a toujours essayé d'être un point d'équilibre entre les différentes lignes", résume Joël Gombin, pour qui le "Menhir", "maintenant qu'il n'est plus le centre de gravité du FN, se comporte en contrepoids".

Non, il a encore des soutiens dans le parti 

Malgré la réorganisation du parti opérée par sa fille, Jean-Marie Le Pen conserve des appuis au bureau politique. C'est le cas de Wallerand de Saint-Just, son avocat depuis toujours et également avocat du parti, qui a déploré "une polémique artificielle" et un mot "prononcé de façon anodine". Ou encore Marie-Christine Arnautu, vice-présidente déléguée aux affaires sociales et élue eurodéputée le 25 mai, deuxième de la liste FN dans le Sud-Est, derrière Le Pen père. 

Non, ses idées sont toujours partagées au FN

"Ses positions sont ultra-connues et elles sont partagées par un certain nombre de militants au sein du FN", pointe Alexandre Dézé. "Par ailleurs, quand on interroge les électeurs, les questions d'immigration et d'insécurité sont leurs premières préoccupations", énumère le politologue, qui rappelle que la xénophobie reste "un ressort important" du vote frontiste.

"Si le FN était parfaitement dédiabolisé, ce ne serait plus un sujet et le FN ne serait plus un produit médiatique vendeur", pointe Joël Gombin. "Louis Aliot et Florian Philippot ne sont pas les victimes éplorées des sorties de Jean-Marie Le Pen", abonde Alexandre Dézé : ils savent que ses déclarations plaisent à la base du parti et à ses électeurs.

"S'il tient ces propos, c'est qu'ils ont encore un écho", assène-t-il. Marine Le Pen elle-même est coutumière de ce genre de sorties virulentes, des "IVG de confort" à la France qualifiée de"catin d'émirs bedonnants"Et la phrase prononcée par Jean-Marie Le Pen sur "Monsieur Ebola" comme solution pour "régler" la question de l'immigration ne l'a pas pénalisé lors des élections européennes. Il a été réélu au Parlement de Strasbourg avec 28,18% des voix, arrivant en tête dans la circonscription Sud-Est. 

Non, c'est le chouchou des militants  

Avec ses déclarations chocs, Jean-Marie Le Pen rassure aussi les militants et électeurs qui tiennent à la radicalité du FN comme marqueur politique. "C'est l'une des personnalités les plus appréciées chez les militants", ajoute Alexandre Dézé.

Dans les grands rendez-vous du parti, il est le cadre le plus attendu par l'assistance. "C'est une rock star, il arrive loin devant tous les autres à l'applaudimètre, sa fille comprise", note le chercheur. "Ces sorties régulières, c'est sa façon de dire : j'existe toujours, vous ne pouvez pas faire sans moi", décrypte Joël Gombin.

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