Baisse des avantages fiscaux pour le mécénat : "Ce qui nous gêne, c'est la vision à court terme du gouvernement", déplore une association
Admical, association de développement du mécénat d'entreprise en France, réagit à l'annonce du secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, de la baisse du taux de défiscalisation des entreprises mécènes pour leurs dons supérieurs à deux millions d'euros.
"Pour le secteur de la générosité, la rentrée commence mal", déplore vendredi 30 août sur franceinfo Sylvaine Parriaux, déléguée générale d'Admical (association de développement du mécénat d'entreprise en France), alors que Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, a annoncé jeudi sur franceinfo vouloir revoir à la baisse le taux de défiscalisation des entreprises mécènes, pour leurs dons supérieurs à 2 millions d'euros, de 60% à 40%.
franceinfo : Que craignez-vous avec cette baisse des avantages fiscaux ?
Sylvaine Parriaux : Pour le secteur de la générosité, la rentrée commence mal avec cette mesure. Aujourd'hui on attend beaucoup de la part des grandes entreprises, qu'elles s'engagent davantage. C'est un appel qu'a fait également récemment le président Macron. Et à l'heure où le gouvernement demande à ce que les entreprises s'engagent plus, il va prendre une décision qui va complètement dans le sens inverse. Nous, ce que l'on craint, c'est que les entreprises diminuent leur budget de mécénat. Et dans tous les cas l'augmenter dans le contexte actuel ça nous paraît très très compromis. Ce qui nous gêne, c'est une vision à court terme du gouvernement. Certes cet avantage fiscal est à très court terme pour l'État une perte de recettes fiscales. Mais si on regarde à moyen et long terme, tous les projets d'intérêt général qui sont financés par le mécénat d'entreprise génèrent de l'impact social et économique et la plupart du temps des coûts évités, c'est-à-dire de l'argent public économisé. Mais pour avoir cet élément-là en tête, il faut regarder à moyen et long terme les impacts du mécénat. Et aujourd'hui malheureusement ce qu'on regrette c'est que le gouvernement n'a pas cette vision à moyen et long terme.
Concrètement, quels projets pourraient être menacés par cette mesure ?
Des projets de grande ampleur, puisque les grandes entreprises sont celles qui ont les moyens significatifs de faire de l'innovation sociale, de l'expérimentation sociale, pour trouver de nouvelles solutions aux problématiques qu'on peut avoir aujourd'hui. Par exemple dans l'insertion sociale et professionnelle, il y a des expérimentations pour ramener à l'emploi des personnes exclues, des SDF. Tout ça, ça demande du temps, de l'argent, et seules les grandes entreprises ont les moyens d'investir dans ce type de projets assez complexes. Et c'est essentiel. Dans l'environnement par exemple, il faut pouvoir s'engager dans la durée, c'est des projets à très long terme, de la recherche aussi. Tous ces projets-là pourraient être impactés. C'est tous les projets d'intérêt général qui peuvent être impactés directement par cette mesure, d'où une grande inquiétude.
D'un autre côté, le gouvernement par la voix de Gabriel Attal promet que les aides aux plus démunis ne seront pas touchées
Heureusement, et c'est une bonne nouvelle que ce secteur soit privilégié, mais ce qui est compliqué c'est d'instaurer une hiérarchie dans les causes d'intérêt général. Dans le système actuel de mécénat d'entreprise, on avait un dispositif qui était simple à comprendre, et ça c'est un facteur pour inciter plus d'entreprises à faire du mécénat. Aujourd'hui, on va le complexifier et on va créer une hiérarchie dans les causes d'intérêt général, c'est ce qu'on regrette.
Pour une entreprise, le mécénat contribue à son image, vous pouvez toujours compter là-dessus ?
Ce qu'il faut savoir, c'est que l'entreprise quand elle décide de faire du mécénat, sa motivation principale c'est de servir l'intérêt général, de s'ancrer dans son territoire. 89% des actions sont menées à un niveau local, et bien évidemment l'entreprise est un agent économique donc elle n'est pas dans une démarche purement gratuite. Elle attend des retours de cet investissement sociétal. L'image en fait partie mais ce n'est jamais la première motivation pour l'entreprise de faire du mécénat. Elle a bien d'autres leviers tel que le sponsoring si elle veut mettre en avant son image.
Nous allons nous mobiliser, nous secteur de la générosité, Admical et de nombreux autres acteurs, pour effectivement interpeller le gouvernement pour essayer de lui faire prendre conscience que ce n'est pas une bonne décision dans le contexte actuel. Nous ferons ça de façon collective pour qu'ils prennent conscience de l'impact majeur qu'une telle mesure pourrait avoir sur les associations, les acteurs de l'intérêt général. Et les projets publics sont des projets qui sont de plus en plus financés par les entreprises. Ça peut être des musées, des théâtres. De plus en plus d'acteurs publics, des collectivités territoriales aujourd'hui mettent en place des programmes de mécénat. Ces acteurs publics, c'est un retour direct aussi pour le gouvernement.
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