Déplacement de Macron à Las Vegas : trois questions sur les révélations de "Libération", qui fragilisent la défense de la ministre Muriel Pénicaud
L'organisme Business France, qu'elle dirigeait en janvier 2016, avait confié l'organisation de la soirée à l'agence Havas sans appel d'offres. Selon le journal, elle a tardé à transmettre à son ministère de tutelle l'audit qu'elle avait commandé sur cette affaire.
Après l'affaire Ferrand et l'affaire du MoDem, le gouvernement sera-t-il secoué par une affaire Pénicaud ? Dans son édition du mercredi 28 juin, Libération (article payant) fait des révélations sur l'attitude de la ministre du Travail dans l'affaire du déplacement d'Emmanuel Macron à Las Vegas en janvier 2016.
En mars, une enquête préliminaire a été ouverte pour favoritisme, car l'organisation de la soirée a été confiée par Business France, organisme alors dirigé par Muriel Pénicaud, à l'agence de communication Havas sans appel d'offres. Si cette dernière se défend en rappelant qu'elle a commandé un audit, Libé révèle qu'elle a tardé à en informer son ministère de tutelle. Franceinfo résume ces nouveaux éléments en trois questions.
Quelle est la défense de Muriel Pénicaud dans cette affaire ?
Directrice de Business France au moment de l'organisation de cette soirée à Las Vegas, Muriel Pénicaud a, logiquement, été interrogée sur son implication dans l'affaire, dans le cadre d'une enquête ouverte avant sa nomination au gouvernement. Dimanche, dans une interview au JDD, elle s'est exprimée pour la première fois sur le sujet : "Envisager de démissionner n'aurait pas eu de sens", assure-t-elle.
C'est moi qui ait alerté sur ce sujet d'erreur de procédure dans un marché public, et demandé un audit indépendant, ce que l'Inspection générale des finances a confirmé par la suite.
Muriel Pénicaudau "JDD"
Avant le dernier remaniement, le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner avait assuré qu'il n'était pas "inquiet" des conséquences de cette affaire pour Muriel Pénicaud, employant les mêmes arguments : "Muriel Pénicaud, qui était directrice générale, a provoqué immédiatement un audit, puis une inspection générale, puis l'inspection générale a validé un accord, et c'est elle qui a donné cette information."
Pourquoi cette version est-elle fragilisée par les révélations de "Libération" ?
Le quotidien, qui a pu consulter le rapport de l'Inspection générale des finances, s'attarde sur la chronologie, qui ne correspond pas exactement à ce que décrit Muriel Pénicaud. Elle a bien commandé au cabinet EY un audit, en février 2016, et a reçu en juillet la confirmation de l'irrégularité de la procédure. Seul hic : la directrice de Business France n'a pas informé ses ministères de tutelle, le ministère des Affaires étrangères et celui de l'Economie, ni les instances de contrôle.
En juin 2016, un comité d'audit de Business France est réuni, mais "la direction de Business France a fait le choix de ne pas l’informer lors de cette réunion de l’audit externe qui avait été demandé à EY, qui à cette date était presque finalisé", écrit l'IGF. L'audit finalisé est remis le mois suivant à Muriel Pénicaud, mais "dort dans un placard" jusqu'en décembre, explique Libération.
Lors d'un nouveau comité d'audit, la direction présente un résumé de ce rapport, ainsi qu'un protocole transactionnel avec Havas déjà signé par l'agence de communication. Ce n'est qu'à ce moment que le contrôleur économique et financier découvre le problème, dix mois après la commande de l'audit. Selon le journal, il refuse de signer la transition avec Havas, et c'est lui qui alerte alors les ministères de l'Economie et des Affaires étrangères. Interrogée, mercredi, sur RTL, Muriel Pénicaud n'a pas répondu aux affirmations de Libération, maintenant sa version : "C'est moi qui ai averti le conseil d'administration, c'est moi qui ai déclenché l'audit."
Par ailleurs, Libération tente aussi d'établir si la directrice de Business France est directement impliquée dans la décision de confier l'organisation de l'événement à Havas sans appel d'offres. Selon plusieurs cadres interrogés par le quotidien, l'organisation d'un évènément si important a difficilement pu lui échapper, même si l'audit d'EY charge surtout un autre cadre de Business France. Elle aurait également validé le versement d'un acompte de 30 000 euros à un hôtel dans le cadre de l'organisation de cet événement, effectué de manière irrégulière avec la carte bleue personnelle du directeur financier de Business France.
Quelle est l'implication d'Emmanuel Macron et de son cabinet ?
Après l'ouverture de l'enquête préliminaire, en mars, Muriel Pénicaud, pas encore ministre, avait dédouané Emmanuel Macron : "Le ministre et son cabinet n'interviennent pas dans les procédures d'appel d'offres, et donc dans la relation contractuelle entre Business France et Havas." Libération n'avance aucun élément qui impliquerait clairement l'actuel président de la République dans le choix de ne pas organiser d'appel d'offres et de confier l'organisation à Havas.
En revanche, l'audit d'EY montre la forte implication du ministère de l'Economie dans l'organisation, et comment cela a pu, au moins, contribuer à la précipitation qui a conduit aux irrégularités. Ainsi, l'accord transactionnel entre Business France et Havas justifie le choix de confier des prestations à l'agence de communication par "l’ampleur donnée à l’événement notamment par le cabinet du ministre des Finances (environ 500 personnes conviées) et de la date qui approchait".
Si Business France s'était plié à la procédure d'appel d'offres, celle-ci se serait terminée début janvier, au moment de l'organisation : "Il n'aurait pas été possible d'organiser la soirée dans le délai imparti", affirme EY. L'audit note par ailleurs que "la définition exacte des besoins a pu être en partie déterminée par des personnes extérieures à Business France, en particulier le cabinet du ministre de l’Economie". Le journal affirme notamment que l'entourage d'Emmanuel Macron est intervenu pour choisir un hôtel plutôt qu'un autre.
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