Le Maire et Darmanin au gouvernement : un coup fatal pour Les Républicains ?
L'annonce du gouvernement d'Edouard Philippe, dans lequel ne figurent que deux ministres issus des rangs des Républicains, est une nouvelle étape vers la "recomposition politique" voulue par Emmanuel Macron.
Les Républicains de plus en plus fragilisés. Après la nomination d'Edouard Philippe au poste de Premier ministre, Emmanuel Macron tente, mercredi 17 mai, de destabiliser encore un peu plus le parti de droite, en attribuant le ministère de l'Economie à Bruno Le Maire et celui des Comptes publics à Gérald Darmanin. Reste à savoir si cela sera suffisant pour porter un coup fatal à ses adversaires politiques, à moins de quatre semaines avant des législatives cruciales.
Ils ne sont certes que deux figures des Républicains à rejoindre le gouvernement d'Edouard Philippe. Mais Bruno Le Maire et Gérald Darmanin sont deux poids lourds de la droite. Le premier, déjà ministre sous Nicolas Sarkozy, a pour lui l'expérience gouvernementale. Le second, qui était il y a encore trois mois secrétaire général délégué des Républicains à seulement 34 ans, incarnait le renouvellement au sein de sa famille politique.
Deux figures de droite chargées de l'économie
En saisissant la main tendue par Emmanuel Macron, les deux transfuges ringardisent la stratégie et le discours des Républicains, à la recherche d'une revanche aux législatives. Evoquant "une nouvelle ère politique", Bruno Le Maire a expliqué sa démarche à l'occasion de sa passation de pouvoirs avec Michel Sapin : "Nous acceptons de mettre de côté les querelles politiciennes inutiles. Nous évitons de nous chamailler sur des différences qui n'existent pas." Gérald Darmanin assume cette "recomposition politique".
Je comprends que l'ancien monde reste attaché à l'ancien monde, mais il y a un nouveau monde qui avance.
Gérald Darmaninsur France 2
A un mois des élections législatives, les fonctions obtenues par les deux hommes ont quand même de quoi inquiéter la droite. En s'emparant de Bercy, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin sont chargés de mettre en œuvre la politique économique du pays. Un signal qui pourrait rassurer de nombreux électeurs de droite, jusqu'à présent sceptiques quant aux intentions du nouveau président. "Il ne s’agit pas de débauchage mais d’une véritable opération de recomposition complète du système partisan qui, après le suicide du Parti socialiste, doit réussir à couper en deux l’électorat des Républicains", analyse le politologue Gérard Grunberg sur le site Telos.
En plus de ces deux prises de guerre, une autre, plus discrète, est susceptible de perturber la campagne des Républicains pour les législatives. Nommé à l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer est certes un spécialiste reconnu du monde de l'enseignement, mais il est aussi un ami intime de François Baroin. Celui qui mène la bataille des législatives pour la droite appréciera le clin d'œil...
Exclusions et menaces en vue des législatives
Face à ces nominations, les Républicains affûtent leurs éléments de langage, soulignant le faible nombre de débauchages. "Qui connaissait Gérald Darmanin ? Qui connaissait Edouard Philippe ? Le président a tenté une entreprise de démolition, mais ça fait un peu pschitt", a réagi Laurent Wauquiez avec une pointe de mauvaise foi. En réalité, selon les informations de France 2, c'est bien Emmanuel Macron, soucieux de conserver les équilibres politiques au sein de son gouvernement, qui n'a pas souhaité confier de portefeuilles supplémentaires à d'autres personnalités des Républicains.
D'autres soulignent l'opportunisme de ces personnalités de droite ralliés à Emmanuel Macron. "Beaucoup de gens voulaient un poste au gouvernement, ils étaient prêts à tout pour en être. Ceux qui soi-disant veulent faire de la politique autrement utilisent en fait les vieilles recettes", tacle un député sarkozyste interrogé par franceinfo. "Je ne comprends pas leur démarche. Qu'ont ils trouvé dans la main tendue par Emmanuel Macron ? Rien !" a réagi Brice Hortefeux.
Ce ne sont pas des choix de convictions mais d'ambition. Aujourd'hui ce sont des alibis et demain ce seront des otages.
Brice Hortefeuxdevant la presse
Soucieux de rendre crédible leur objectif d'imposer une cohabitation à Emmanuel Macron plutôt que de se réjouir d'une possible orientation vers la droite de la politique économique de la France, Les Républicains ont immédiatement prononcé l'exclusion de fait d'Edouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. "Les membres de notre famille politique qui ont choisi, en nombre très réduit, de rejoindre ce gouvernement ne font plus partie des Républicains", a déclaré Bernard Accoyer, le secrétaire général du parti, dans un communiqué.
Sur le fond, le parti a semble-t-il déjà trouvé son argument phare. "On va appuyer là où ça fait mal !", confie un cadre du parti.
En tant que ministre de l'Economie, Bruno Le Maire va devoir mettre en œuvre la hausse de la CSG contenue dans le programme de Macron, alors qu'il voulait la réduire lorsqu'il était candidat à la primaire !
Un responsable des Républicainsà franceinfo
Pour tenter de contenir les éventuelles défections, Les Républicains menacent. Tout candidat LR-UDI qui réclamera l'investiture d'En marche ! perdra notre soutien et se verra opposer un autre candidat, prévient-on rue de Vaugirard. En guise d'exemple, la direction du parti a d'ores et déjà prévu, selon nos informations, d'investir une candidate face à Bruno Le Maire dans sa circonscription de l'Eure.
Au sein du parti, certains s'inquiètent de cette intransigeance. "De quel droit certains osent-ils bouter hors des Républicains des talents plus grands que les leurs ?" s'est ainsi interrogé dans un tweet l'ancien ministre juppéiste Dominique Bussereau. Pas candidat à sa succession aux législatives, le député peut dire tout haut ce que d'autres, sous la pression du parti, ne peuvent formuler.
Vers un groupe parlementaire divisé ?
Pour l'état-major du parti, le pire reste peut-être à venir. Outre la difficulté de mener campagne dans de telles circonstances, le groupe parlementaire Les Républicains qui sortira des urnes le 18 juin risque d'être soumis à de fortes tensions. La République en marche, qui a décidé de ne pas investir de concurrents en face de plusieurs candidats de droite jugés "Macron-compatibles", espère que ces derniers sauront s'en souvenir dans l'hémicycle.
C'est notamment le cas des députés sortants Franck Riester ou Thierry Solère, mais aussi de Marine Brenier, successeure de Christian Estrosi dans sa circonscription de Nice, ou de Julien Dive, qui a pris la suite de Xavier Bertrand à l'Assemblée nationale. Autant de figures susceptibles d'être nommés au gouvernement dans un second temps, ou au moins de défendre la politique du gouvernement. La recomposition politique voulue par Emmanuel Macron n'a sans doute pas encore montré tous ses effets.
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