Cet article date de plus d'un an.

On vous explique pourquoi Olivier Dussopt comparaît devant la justice dans une affaire de favoritisme

Le ministre du Travail, qui joue sa place au gouvernement, va devoir répondre à partir de lundi, devant le tribunal correctionnel de Paris, des soupçons de favoritisme liés à un marché public passé en 2009.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, au Conseil économique, social et environnemental (Cese), le 16 octobre 2023. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Après Eric Dupond-Moretti, un autre ministre en exercice est appelé à s'expliquer devant la justice. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, est cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris à partir de lundi 27 novembre, pour des soupçons de favoritisme liés à un marché public passé en 2009, ce qu'il conteste.

Olivier Dussopt est soupçonné de communication d'informations privilégiées concernant un appel d'offres, au profit du groupe de traitement de l'eau Saur, lorsqu'il était député et maire PS d'Annonay (Ardèche). Il est aussi accusé d'avoir fait modifier les critères d'évaluation de cet appel d'offres, portant sur un marché de 5,6 millions d'euros, en diminuant l'importance accordée au prix pour favoriser cette société, détentrice d'une délégation de service public pour gérer l'eau de la commune depuis 1994, mais plus chère que les entreprises concurrentes.

Sur le devant de la scène médiatique avec la réforme des retraites il y a quelques mois, Olivier Dussopt s'est fait très discret sur cette affaire judiciaire. Sur le plan politique, il est aussi en retrait alors qu'il devait initialement défendre le projet de loi immigration avec le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Franceinfo vous explique pourquoi Olivier Dussopt, qui encourt jusqu'à deux ans de prison et 30 000 euros d'amende, fait face à la justice. 

Une affaire qui débute par des révélations de Mediapart en 2020

L'affaire commence avec la publication d'un article de Mediapart, en mai 2020, révélant notamment qu'un dirigeant local de la Saur a offert à Olivier Dussopt deux lithographies du peintre Gérard Garouste, en 2017, alors qu'un nouveau contrat était sur le point d'être conclu entre la municipalité d'Annonay et cette entreprise. A l'époque, celui qui est secrétaire d'Etat auprès du ministre des Comptes publics assure auprès du site d'investigation avoir "décidé de restituer ce cadeau dans les plus brefs délais", "pour éviter toute polémique".  

Le Parquet national financier (PNF) ouvre alors une enquête préliminaire pour favoritisme, mais également corruption, prise illégale d'intérêt, complicité et recel de ces délits. Ces quatre derniers griefs ont cependant été classés sans suite au terme de l'enquête.

Le délit de favoritisme finalement retenu par le PNF pour renvoyer le ministre devant le tribunal

Au terme de son instruction, le PNF a retenu le seul délit de "favoritisme" pour renvoyer Olivier Dussopt devant le tribunal correctionnel. Dans une note de synthèse adressée aux avocats du ministre, "le parquet considère qu'il subsiste un seul grief, en l'occurrence une infraction formelle de favoritisme dans un marché public de 2009", a détaillé en février le ministre à l'AFP. Olivier Dussopt assurait alors que le PNF "a fait son travail et procédé à une enquête et de multiples investigations qui ont fait émerger cinq griefs possibles". Selon lui, le parquet "considère que quatre sur cinq de ces griefs n'ont aucune consistance et les a classés sans suite". Des affirmations confirmées par le PNF à France Télévisions.

Le ministre ne sera pas le seul prévenu lors de ce procès. L'ancien directeur général de la Saur, Olivier Brousse, comparaîtra lui pour complicité de favoritisme. Il encourt également deux ans de prison et 30 000 euros d'amende. "Il conteste les faits" et "s'expliquera devant le tribunal", a assuré son avocate à l'AFP.

La Saur, troisième grande entreprise de l'eau en France, poursuivie pour recel de favoritisme, risque de son côté une amende de plus de 1,8 million d'euros. La société avait déclaré en février à l'AFP qu'elle considérait "que cette action résiduelle à son encontre, près de quinze ans après les faits, n'est pas justifiée". Elle n'a pas souhaité faire d'autre déclaration avant le procès.

Un ministre très discret, mais constant sur sa ligne de défense

Lorsque la perspective d'un procès a été rendue publique en février, le ministre était donc sur le devant de la scène médiatique, portant la réforme des retraites, texte emblématique et contesté du second quinquennat d'Emmanuel Macron. La Première ministre, Elisabeth Borne, lui a alors renouvelé sa confiance, tout comme le président de la République. Emmanuel Macron lui a exprimé son "soutien total" lors du Conseil des ministres du 8 février. 

Depuis la rentrée, Olivier Dussopt s'est fait discret à l'approche de son procès. Tout juste a-t-il répété début novembre sur France 3 sa ligne de défense, constante depuis février : "On parle d'une enquête qui a été classée pour 80%. Quatre points sur cinq ont été classés, il en reste un, sur un marché de 2009, il y a 14 ans. Je vais au tribunal pour convaincre de ma bonne foi. J'ai convaincu le parquet sur les quatre premiers points, je souhaite le convaincre sur le cinquième".

Sur le fond du dossier, il assurait en février sur France Inter que ce qu'il a fait "s'est inscrit dans un seul objectif concernant la ville d'Annonay : faire en sorte de tenir une promesse de campagne qui était de passer en régie et faire en sorte de baisser le tarif de l'eau pour les Annonéens." Joint par l'AFP, son avocat a déclaré ne pas souhaiter faire de commentaire avant l'audience.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.