La géothermie, vantée par François Bayrou, "n'est pas une solution miracle", prévient un expert en énergie
Serons-nous tous bientôt chauffés grâce à la chaleur de la Terre ? Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, François Bayrou, a vanté "la géothermie sous nos pieds", décrite comme "un réservoir inépuisable" d'énergie décarbonée. Cette technologie consiste à réaliser des forages afin de récupérer la chaleur naturelle des sous-sols et des nappes souterraines pour l'injecter dans un réseau local, à la surface. Mais cette énergie renouvelable ne représente pour le moment que 1% de la chaleur produite en France, selon le gouvernement(Nouvelle fenêtre).
Alors, serait-elle une solution miracle pour produire de l'énergie propre ? Et pourquoi François Bayrou a-t-il décidé de miser dessus lors de son discours devant les députés ? Nicolas Goldberg, expert des questions d'énergie chez Colombus Consulting et au sein du groupe de réflexion Terra Nova, a répondu à nos questions.
Franceinfo : La géothermie est-elle vraiment le "réservoir inépuisable" de chaleur "sous nos pieds" qu'a décrit François Bayrou lors de sa déclaration de politique générale ?
Nicolas Goldberg : Il y a toujours une tendance à chercher l'énergie miracle. Cela donne parfois lieu à des promesses intenables, comme celle des biocarburants qui seraient faits à partir d'algues pour éviter la concurrence avec l'agriculture, la fusion nucléaire et le mythe de l'énergie infinie, ou encore avec les renouvelables dont on attend sans cesse la génération suivante...
La géothermie a un grand potentiel en France, mais ce n'est pas une solution miracle. Vous devez creuser, donc ce n'est pas anodin, cela peut réveiller des failles sismiques. Ce n'est pas complètement autonome non plus. Il faut parfois des pompes à chaleur électriques pour relever la température. Enfin, la chaleur se stocke très bien, mais se transporte très mal. C'est l'inverse de l'électricité. Donc c'est une énergie qui doit être locale, et les coûts de ces réseaux de chaleur sont difficiles à chiffrer. En bref, il ne faut pas penser qu'on va juste mettre un tuyau dans un trou et que ça va fonctionner.
Pourquoi François Bayrou met-il en avant cette technologie devant les parlementaires, selon vous ?
Il faut avoir une lecture politique des choses. Cette déclaration est un appel du pied aux Républicains. Une manière de dire : "Oui, oui, on fera du renouvelable, mais ne vous inquiétez pas, pas de l'éolien ou du solaire. On va plutôt miser sur la géothermie."
Au moment où il y avait des débats sur la politique énergétique, les députés LR avaient fait de la géothermie un symbole. Olivier Marleix accusait le gouvernement de n'avoir aucune ambition dans la géothermie. C'est d'autant plus surprenant que l'organisme qui gère les budgets de géothermie, c'est l'Ademe. Or, les LR, en ce moment, demandent la suppression de l'Ademe.
La déclaration de François Bayrou, c'est une promesse d'énergie invisible et décarbonée qui est sous nos pieds et que l'on n'exploite pas. À l'époque, on disait la même chose du solaire : "C'est simple, on recouvre le Sahara et on a toute la production que l'on veut." C'est un peu plus compliqué que cela.
Que faut-il mettre en place pour réussir la décarbonation de la production d'énergie ?
Sur la décarbonation, il faut faire feu de tout bois. Il faut tout d'abord des baisses de consommation par l'efficacité et la sobriété. Mais le Premier ministre n'a pas prononcé ces mots, car sinon vous auriez eu tous les députés de droite et d'extrême droite qui auraient dit : "François Bayrou a un projet de décroissance."
Il faut aussi une électrification massive. La géothermie fait partie des leviers à activer, mais il y en a plein d'autres, sinon on n'ira pas assez vite. En 2022 et 2023, nous avons vécu la pire crise énergétique jamais connue en France. On en vit encore des conséquences aujourd'hui. Il y a plein de clients qui ont des contrats beaucoup trop chers. Or, aujourd'hui, ce n'est plus un sujet vendeur politiquement. Mais à négliger le sujet de l'énergie et du climat, on fait une mauvaise analyse d'une des causes du déficit que l'on a creusé avec le bouclier tarifaire, et de la désindustrialisation française.
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