"Le Premier ministre ratisse à droite" : chez LR, de nombreux députés ont été séduits par le discours de politique générale de Gabriel Attal
"On a l'impression que Sarko a tenu le stylo plume", sourit un député Les Républicains, après la déclaration de politique générale de Gabriel Attal. Lors de son discours à l'Assemblée nationale, mardi 30 janvier, le chef du gouvernement a décliné ses priorités en reprenant plusieurs thématiques chères à la droite. Comme l'avait fait Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, le 16 janvier.
"Réarmement civique", fermeté sur les domaines régaliens, dénonciation de "l'écologie punitive" ou défense de la "valeur travail" : le nouveau locataire de Matignon a multiplié les appels du pied sur sa droite. "On aurait pu croire en l'écoutant qu'il s'agissait d'un Premier ministre de feu l'UMP [l'ancien nom de LR], confirme une députée de droite. Autorité, limitation de l'assistanat, défense des classes moyennes, baisse d'impôts... Sa feuille de route reprend plusieurs thématiques propres à la droite."
"Il a coché toutes les cases : travail, mérite, autorité, identité, les classes moyennes, l'Europe... Il ne reste plus grand-chose à LR", ajoute un autre député de droite. Dans les rangs des Républicains, nombreux sont ceux à observer avec bienveillance les annonces du chef du gouvernement. "Il y avait de la détermination, de l'énergie. Il a repris beaucoup de choses de ce qui constitue la droite modérée, réformatrice et libérale. J'ai été assez sensible à ce discours", confirme le député LR Nicolas Forissier, ancien secrétaire d'Etat de Jacques Chirac. "Le verbe est de droite, la posture est de droite, les idées en grande partie viennent de droite. Le Premier ministre ratisse à droite", constate également, sur le réseau social X, le député Eric Pauget.
"Enième coup de com' ou réveil ? Dans l'intérêt du pays, j'espère que les actes seront de droite."
Eric Paugetsur le réseau social X
Gabriel Attal a repris le fil des promesses égrenées il y a deux semaines par le chef de l'Etat, en ajoutant des précisions et en conservant la posture de fermeté adoptée lors de son passage au ministère de l'Education nationale. "Quand on est député LR, on peut enfin comprendre qu'il est possible de travailler avec la majorité sans se renier", juge le député Renaissance Robin Reda, ancien membre des Républicains. "Après la composition de son gouvernement, Gabriel Attal confirme avec son programme qu'il est le nouveau Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Pas étonnant que LR ne vote pas notre motion de censure", raille de son côté sur X le député LFI Eric Coquerel.
Des paroles sans les actes ?
Avec cette stratégie résolument portée sur sa droite, quelles sont les intentions du nouveau Premier ministre ? "C'était un discours de campagne pour les élections européennes, avec la volonté de défoncer le RN et de charmer la droite", estime un député LR. "Il essaye peut-être de récupérer un électorat, mais il fait tout un tas de promesses irréalisables, cela reste de la communication", regrette le député Hubert Brigand.
Ils sont plusieurs à réclamer désormais des actes au nouveau gouvernement. "Les mots-clés sont là, comme souvent en macronie, et parfois même dans le bon ordre. Malheureusement, les actions et les mesures annoncées s'en éloignent toujours plus", estime sur les réseaux sociaux le député Fabien Di Filippo, qui dénonce le "marketing politique" du Premier ministre. "Les discours, c'est facile. Les actes, c'est beaucoup plus compliqué. Pour le moment, le compte n'y est pas", assène sa collègue Anne-Laure Blin.
"Gabriel Attal parle en partie comme la droite mais, jusque-là, tous les gouvernements auxquels il a appartenu ont agi comme la gauche", lâche le député LR Ian Boucard. "Au-delà des mots – et le talent en matière de communication du Premier ministre est indéniable –, les actes depuis sept ans ont souvent déçu", abonde le député Thibault Bazin, qui attend encore Gabriel Attal sur d'autres thèmes de droite, comme le soutien de "l'accès à la propriété" pour les classes moyennes ou sur "une politique familiale ambitieuse".
"Il va falloir sortir la planche à billets"
"On a quelques têtes de chapitres qui claquent un peu plus à droite qu'à gauche, mais cet emballage ne suffit pas ! Quid de la décentralisation ? Du choc de simplification ? On a plusieurs mesures annoncées, mais l'ensemble manque un peu de souffle. C'est un peu techno", commente le député Philippe Gosselin. Ils sont également plusieurs à se dire déçus de l'absence de "réponses concrètes" à la colère du monde agricole.
"Les annonces sont pour beaucoup intéressantes, mais ont un coût budgétaire conséquent, donc produisent de la dette supplémentaire. Il a été bien peu question d'économies", regrette également la députée Annie Genevard. "S'il veut tout réaliser, il va falloir sortir la planche à billets", confirme Hubert Brigand. Gabriel Attal a pourtant affirmé mardi vouloir tenir le cap d'un retour du déficit public sous les 3% du PIB d'ici 2027. Plusieurs membres de LR n'ont par ailleurs pas apprécié l'annonce d'une réforme de l'aide médicale d'Etat par voie réglementaire et non par le vote d'un nouveau texte par le Parlement – "une trahison de la parole donnée", selon Eric Ciotti, président de LR.
Le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée, Olivier Marleix, a pour sa part mis en garde le Premier ministre dans l'hémicycle : "Souvenez-vous que la durée de vie de votre gouvernement (...) dépend aussi de cette Assemblée nationale où vous êtes minoritaire et dont vous n'aurez pas la confiance", a-t-il lancé, laissant toujours planer la menace d'une motion de censure qui pourrait être votée par l'ensemble des oppositions.
"Les Français n'en peuvent plus des discours creux, de vos catalogues La Redoute de promesses jamais tenues."
Olivier Marleix, député LRà la tribune de l'Assemblée nationale
Mais parmi les députés LR, tous ne sont pas aussi menaçants. "Je suis constructif, et quand j'entends le discours, je me dis d'autant plus qu'on devrait aller vers un accord avec le gouvernement, admet un député LR. Si les choses annoncées sont réalisées, on sera devant l'évidence que nous avons très peu de différences avec la politique telle qu'elle est menée par ce gouvernement. Dans ce cas, il faudra envisager un pacte pour les années à venir."
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